CA Paris, 17 novembre 2017, n°16/20736
Le délai de forclusion par tolérance court, non pas à compter du jour de la publication de l’enregistrement de la marque postérieure, mais à compter du jour où l’usage a été connu.
Ce qu’il faut retenir : Le délai de forclusion par tolérance court, non pas à compter du jour de la publication de l’enregistrement de la marque postérieure, mais à compter du jour où l’usage a été connu. Il incombe à celui qui se prévaut de la forclusion de l’établir.
Pour approfondir : Une société, exploitant plusieurs dizaines d’hypermarchés, avait engagé une action en contrefaçon de ses marques verbale et figurative du fait du dépôt et de l’usage d’une marque postérieure. En défense, la société poursuivie souleva la forclusion de l’action en contrefaçon et en nullité dirigée contre le dépôt de sa marque datant de 2006 et de la demande d’interdiction de son usage en application des articles L.714-3 et L.714-5 du code de la propriété intellectuelle.
L’article L.714-3 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle dispose : « Seul le titulaire d’un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l’article L.711-4. Toutefois, son action n’est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s’il en a toléré l’usage pendant cinq ans » et l’article L.716-5 dispose : « Est irrecevable toute action en contrefaçon d’une marque postérieure enregistrée dont l’usage a été toléré pendant cinq ans, à moins que son dépôt n’ait été effectué de mauvaise foi. Toutefois, l’irrecevabilité est limitée aux seuls produits et services pour lesquels l’usage a été toléré ».
La forclusion par tolérance, qui est une fin de non-recevoir, sanctionne l’inaction du titulaire d’une marque qui entendrait faire annuler et cesser l’usage d’une marque postérieure. Les articles L.714-3 et L.716-5 du code de la propriété intellectuelle visent chacun la tolérance pendant cinq ans, l’enjeu réside donc dans la détermination du point de départ.
Dans cet arrêt, la Cour d’appel va reprendre la solution dégagée par la jurisprudence antérieure. La publication de l’enregistrement de la marque n’est pas nécessairement le point de départ de ce délai : bien qu’il constitue un fait objectif, c’est la date à laquelle le titulaire du droit antérieur a eu connaissance de l’usage de la marque litigieuse. La Cour de cassation l’a affirmé en des termes clairs : « Mais attendu que la simple publication de l’enregistrement de la marque seconde au Bulletin officiel de la propriété industrielle ne constitue pas un acte propre à caractériser la tolérance en connaissance de cause par le propriétaire de la marque première de l’usage de la marque seconde » (Cass.com., 15 juin 2010, n°08-18279). La Cour d’appel reprend cette solution : « Dans les deux cas c’est la connaissance de l’usage de la marque qui doit avoir été toléré durant 5 années pour entraîner la forclusion de l’action en nullité ou l’irrecevabilité de l’action en contrefaçon. Dès lors, le point de départ de ces délais ne peuvent être ceux de la publication de la demande d’enregistrement de la marque, ni même de son octroi mais doit être apprécié, au cas d’espèce, par la connaissance de l’usage effectif de la marque seconde ».
La charge de la preuve incombe à celui qui se prévaut de la forclusion par tolérance, les juges doivent apprécier les circonstances factuelles (quantités vendues, spécificité du marché concerné, territoires sur lesquels la marque est exploitée, etc.). Or, en l’espèce, une telle preuve n’a pu être rapportée et la forclusion n’ayant pas été retenue, l’action en contrefaçon était recevable quoique mal fondée en l’espèce.
A rapprocher : Article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle ; Article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle