La faute grave ne peut être retenue que si la résiliation a été prononcée avec un effet immédiat

Cass. civ. 1ère, 14 novembre 2018, n°17-23.135

Lorsqu’une partie résilie un contrat en accordant néanmoins le bénéfice d’un préavis à son cocontractant, la qualification de faute grave ne peut qu’être écartée selon les juges de la Cour de cassation.

En 2010, une clinique a conclu avec M. X, radiologue, une convention pour l’exploitation d’un appareil scanographe.

Le contrat prévoyait notamment que chacune des parties pourrait y mettre fin en respectant un préavis de six mois, que la résiliation du contrat par la clinique entraînerait au bénéfice du praticien le paiement d’une indemnité correspondant à une année de chiffre d’affaires et que la clinique pourrait résilier le contrat, sans indemnité ni préavis, dans le cas où le praticien commettrait une faute grave.

L’année suivante, la convention est cédée à une société X dont l’unique associé est M. X. La convention prévoyait notamment la possibilité pour M. X de faire intervenir d’autres praticiens préalablement agréés.

Il était également prévu que MM. Y et Z, d’ores et déjà agréés et ayant conclu des contrats d’exercice avec la clinique, seraient transférés à la société X.

Le mois suivant, un contrat organisait le transfert des contrats d’exercice à la société X.

Le 25 juillet 2014, la clinique a résilié la convention en accordant à son cocontractant un préavis de six mois, en énonçant un certain nombre de griefs à l’égard de M. X et en s’opposant au versement de l’indemnité de résiliation prévue en cas de résiliation par la clinique.

M. X a donc assigné la clinique en paiement de cette indemnité de résiliation.

La Cour d’appel et la Cour de cassation écartent la qualification de faute grave.

Alors que les juges d’appel relèvent l’absence de lien entre le comportement de M. X et la convention, les juges de cassation relèvent que le préavis de résiliation écartait la caractérisation de la faute grave.

Ainsi, les Hauts magistrats soulignent que la faute grave ne peut être retenue que lorsque la résiliation est prononcée avec un effet immédiat.

La clinique ayant en l’espèce résilié la convention tout en accordant à la société un préavis de six mois (conforme au préavis de résiliation contractuel), la qualification de faute grave devait en conséquence être écartée.

Cette solution est justifiée dans la mesure où la faute grave se caractérise par le fait qu’elle rend impossible le maintien d’un contrat, et justifie qu’un contrat puisse être résilié unilatéralement sans préavis.

Il appartiendra donc en pratique à la partie qui entend justifier la résiliation d’un contrat pour faute grave, et à la condition que cette dernière soit bien caractérisée, de ne pas accorder à son cocontractant le bénéfice d’un préavis lorsqu’il procède à la résiliation du contrat.

Toutefois, la Haute Cour casse et annule l’arrêt d’appel, mais seulement en ce qu’il retient pour fixer le montant de l’indemnité de résiliation, qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte de l’activité de M. X et MM. Y et Z, sans répondre aux conclusions de la clinique, lesquelles faisaient valoir que MM. Y et Z avaient poursuivi leur activité au sein de la clinique après la résiliation de la convention.

A rapprocher : Résiliation unilatérale du contrat pour manquement grave indépendamment du contenu de la clause résolutoire

Sommaire

Autres articles

some
La Minute des Réseaux #23 – La rupture brutale des relations commerciales imputable à l’ensemble des membres d’un même réseau de distribution
La rupture brutale des relations commerciales imputable à l’ensemble des membres d’un même réseau de distribution   La faute tirée de la rupture brutale des relations commerciales établies peut être attribuée à un ensemble de sociétés. Cette solution influe sur…
some
La Minute des Réseaux #22 – Le « Drop shipping » selon les nouvelles lignes directrices du 30 juin
Le « Drop shipping » selon les nouvelles lignes directrices du 30 juin   A la différence des anciennes lignes directrices de 2010, les nouvelles lignes directrices du 30 juin 2022 s’intéressent pour la première fois au mécanisme du « drop shipping…
some
La Minute des Réseaux #21 – La « Distribution duale » dans le nouveau règlement d’exemption n°2022/720 du 10 mai 2022
La « Distribution duale » dans le nouveau règlement d’exemption n°2022/720 du 10 mai 2022   La « distribution duale » correspond à l’hypothèse dans laquelle une tête de réseau vend des biens ou des services en amont, mais aussi en aval,…
some
La Minute des Réseaux #20 – Réseaux de distribution et places de marché selon le nouveau Règlement d’exemption n° 2022/720 du 10 mai 2022
Réseaux de distribution et places de marché selon le nouveau Règlement d’exemption n° 2022/720 du 10 mai 2022   Dans son arrêt Coty, la Cour de justice avait estimé qu’une interdiction de recourir à une place de marché ne constitue…
some
La Minute des Réseaux #19 – La publicité en ligne dans le nouveau Règlement d’exemption n° 2022/720 du 10 mai 2022
La publicité en ligne dans le nouveau Règlement d’exemption n° 2022/720 du 10 mai 2022   Dans le sillage de sa jurisprudence, la Commission consacre des développements volumineux intéressant la publicité en ligne (Comm., 17 déc. 2018, Aff. AT.40428 (Guess)).…
some
La Minute des Réseaux #18 – Le règlement d’exemption 2022/720 de la Commission du 10 mai 2022
Le règlement d’exemption 2022/720 de la Commission du 10 mai 2022   Le nouveau Règlement d’exemption (n°2022/720) de la Commission est entré en vigueur le 1er juin 2022 (Règlement d’exemption n°2022/720, art. 11, Publié au JOUE du 11 mai 2022).…