CA Colmar, 11 mars 2016, n°14/01484
L’indemnité compensatrice est due à l’agent commercial dès lors que le mandant ne rapporte pas la preuve que celui-ci ait commis une faute grave dans l’exécution de ses obligations contractuelles.
Ce qu’il faut retenir : L’indemnité compensatrice est due à l’agent commercial dès lors que le mandant ne rapporte pas la preuve que celui-ci ait commis une faute grave dans l’exécution de ses obligations contractuelles. En outre, l’indemnité compensatrice due à l’agent commercial doit prendre en compte, pour une relation contractuelle n’ayant duré qu’un an et demi, le montant des commissions perçues par l’agent commercial, la durée du contrat et le fait que l’activité de l’agent commercial était dans une phase ascendante au moment de la rupture.
Pour approfondir : En l’espèce, la qualification d’agent commercial n’était pas en cause (v. sur cette question, Cass. com. 19 mars 2013, n°12-13.258 et 12-14.173 ; Cass. com., 3 avr. 2012, n°11-15.518). Un contrat d’agence commerciale avait été conclu entre la société C., le mandant, et Mme F., l’agent commercial. Un an et demi plus tard, le mandant informe son agent de ce qu’il entend mettre un terme à leur relation contractuelle en invoquant différents manquements de sa part. Contestant les motifs invoqués, Mme F. a assigné la société C. en paiement des commissions lui restant dues ainsi que d’une indemnité compensatrice de rupture de 70.000 euros, montant qui sera d’ailleurs contesté par le mandant au motif que son agent ne peut prétendre à deux années de commissions, leur relation n’ayant duré qu’un an et demi. Deux questions se posaient alors ici aux juges du fond : les manquements de l’agent commercial suffisaient-ils à le priver de son indemnité compensatrice normalement due au titre de l’article L.134-12 du Code de commerce et, à défaut, quelle méthode de calcul convenait-il de retenir pour déterminer son montant ?
- Sur le droit à indemnité
Le point essentiel du statut de l’agent commercial tient sur un droit à une indemnité qui découle de l’article L.134-12 du Code de commerce. En effet, cet article prévoit que, « en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ». Toutefois, l’article L.134-13 du même Code prévoit qu’aucune indemnité compensatrice n’est due lorsque la cessation des relations contractuelles est consécutive à une faute grave de l’agent commercial, dont la constatation relève de l’appréciation souveraine des juridictions du fond (CA Aix-en-Provence, 20 février 2014, RG n°12/02485).
En l’espèce, les juges du fond ont retenu que l’indemnité compensatrice prévue par l’article L.134-12 du Code de commerce était due à l’agent commercial dans la mesure où le mandant ne rapportait pas la preuve que celui-ci ait commis une faute grave dans l’exécution de ses obligations contractuelles. Cette solution est conforme au droit positif (v. déjà en ce sens, Cass. com., 4 février 2014, n°12-14.466).
En effet, le mandant n’étaye de preuves probantes ni les griefs de manquement de l’agent commercial à son devoir de loyauté et de manque de disponibilité, ni les griefs d’insuffisance de résultats et de renseignements sur les clients, leur solvabilité, etc. Au contraire, c’est même lui qui en l’espèce avait manqué à ses obligations contractuelles (non-respect des délais de livraison, livraisons incomplètes ou non conformes, etc.).
Ainsi, il est donc déterminant que le mandant puisse établir la faute grave de l’agent commercial s’il veut pouvoir mettre fin à leur relation contractuelle sans lui devoir l’indemnité compensatrice normalement due au titre de l’article L.134-12 du Code de commerce. C’est sur lui que pèse le fardeau probatoire.
- Sur le mode de calcul du montant de l’indemnité due
La nouveauté de cet arrêt, c’est qu’il vient préciser la méthode de calcul du montant de l’indemnité compensatrice due à l’agent commercial, dont la relation avait duré moins de trois ans au cas d’espèce.
Par une pratique prétorienne, le montant de l’indemnité compensatrice correspond généralement à deux années de rémunération calculée sur la moyenne des trois dernières années. Toutefois, cette pratique ne s’impose pas au juge, ce que cet arrêt atteste.
En effet, les juges du fond affirment que : « S’il est généralement d’usage d’évaluer cette indemnité à deux années de commissions sur la base de la moyenne des trois dernières années, cette méthode de calcul ne peut être retenue en l’espèce compte tenu de la brève durée du mandat. (…) ».
Ils en profitent alors pour préciser quelle est la méthode de calcul à retenir en l’espèce. L’indemnité compensatrice doit ici prendre en considération le montant des commissions perçues par l’agent commercial, la durée du contrat d’agence commerciale (moins de deux années) et aussi le fait que l’activité de l’agent commercial était dans une phase de développement ascendante.
Précisons qu’il est possible, par des stipulations contractuelles, d’orienter l’interprétation du contrat par le juge, notamment pour ce qui concerne le calcul du montant de l’indemnité. Certes, le juge ne sera pas tenu par les termes du contrat en ce sens où l’indemnité a un caractère d’ordre public (il ne faudrait pas que les prévisions contractuelles y portent atteinte). Mais, pour autant, le juge peut s’inspirer des prévisions contractuelles lorsqu’il calcule le montant de cette indemnité.
A rapprocher : CA Nîmes, 4 sept. 2014, RG n°14/00719 ; CA Aix-en-Provence, 16 janv. 2014, RG n°12/09468