CEPC, Avis n°16-12, 16 juin 2016
Le plafond légal des délais de paiement, issu de l’article L.441-6-I, alinéa 9, disposition d’ordre public économique, ne s’applique pas dans un contexte international. Les contrats relevant de la Convention de Vienne ne sont en effet pas soumis aux normes nationales ayant trait à la validité du contrat ou de ses clauses.
Ce qu’il faut retenir : Le plafond légal desdélais de paiement, issu de l’article L.441-6-I, alinéa 9, disposition d’ordre public économique, ne s’applique pas dans un contexte international. Les contrats relevant de la Convention de Vienne ne sont en effet pas soumis aux normes nationales ayant trait à la validité du contrat ou de ses clauses.
Pour approfondir : Le délai de paiement convenu entre les parties, selon l’article L.441-6-I, alinéa 9 du Code de Commerce, «ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d’émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier ». Cette disposition est reconnue d’ordre public économique interne et européen. Mais, quid des délais de paiement dans un contexte international ?
En l’espèce, la CEPC traite une affaire dans laquelle un vendeur étranger vend des marchandises à un acheteur français ; le juge français est compétent, et donc à ce titre, la Convention de Vienne du 11 avril 1980 relative à la vente internationale de marchandises s’applique.
Les lois de police et dispositions d’ordre public sont fréquemment considérées comme s’imposant sur les dispositions de convention internationale. Néanmoins, ce n’est pas la voie dans laquelle la CEPC s’engage puisque sur cette question, elle donne pour avis que « les contrats de vente internationale de marchandises relevant de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 ne sont pas soumis au plafond des délais de paiement prévu par l’article L.441-6-I alinéa 9 du Code de Commerce ». En l’absence de jurisprudence française, étrangère, ou arbitrale, le raisonnement de la CEPC est intéressant.
Le premier constat est le suivant : « Là où la Convention de Vienne laisse les parties libres dans la détermination du moment du paiement [articles 58 et 59], le Code de commerce plafonne les délais de paiement ». Le plafonnement des délais s’impose-t-il alors lorsque le contrat relève de la Convention ? Cette dernière ne prévoit ni délai ‘plancher’, ni délai ‘plafond’, ni même de délai supplétif. Ainsi, « il est donc permis d’analyser la question des délais de paiement comme une « lacune interne » de la convention ». Dans ce cadre, l’article 7-2 de la Convention elle-même prévoit que ce sont les principes généraux dont elle s’inspire qui doivent s’appliquer.
La CEPC retient alors les principes d’autonomie et de bonne foi pour souligner que les parties doivent dans tous les cas, dans un contexte international, « se comporte[r] de manière raisonnable ». Comme la Directive n°2011/7/UE, la Convention de Vienne insiste sur l’importance de l’absence d’écart manifeste entre la clause et les usages commerciaux/les bonnes pratiques.
« A partir du moment où une question peut être tranchée en application de la convention, les normes nationales qui ont trait à la validité du contrat ou de ses clauses ne trouvent plus application, y compris lorsque la solution procède du comblement de ses lacunes ».
Les délais de paiement ne doivent donc pas être excessifs, mais ne sont pas soumis à l’application de l’article L.441-6-I, alinéa 9 du Code de Commerce, toute disposition d’ordre public économique qu’il soit.
De fait, en réponse à des questions parlementaires sur l’applicabilité du plafond légal des délais de paiement aux ventes à l’exportation, le ministre du commerce extérieur avait déjà statué en défendant l’idée selon laquelle l’article 59 de la Convention de Vienne pouvait être appliqué librement, sans interférence du droit interne (Rep. Min. à QE n°22748, JO 30 juillet 2013, p.8237 ; Rep. Min. à QE n°22749, JO 1er juillet 2014, p.5509).
Toutefois, en l’absence de jurisprudence, la question est toujours assez peu tranchée. Certains auteurs n’étaient toujours pas convaincus (voir par exemple, Cl. Witz, chronique de « Droit uniforme de la vente internationale de marchandises », Juillet 2013-Décembre 2014, Recueil Dalloz 2015 p.881) ; peut-être l’avis de la CEPC permettra-t-il de diminuer l’insécurité juridique caractérisant encore la question.
A rapprocher : CEPC, avis n°16-1, 14 janvier 2016, et notre commentaire