Cass. civ. 3ème, 13 juillet 2016, pourvoi n°15-17.208
La prise de possession des lieux, même contrainte, et le paiement de la quasi-totalité du prix valent réception tacite des travaux, en dépit des protestations du maître d’ouvrage.
Ce qu’il faut retenir : La prise de possession des lieux, même contrainte, et le paiement de la quasi-totalité du prix valent réception tacite des travaux, en dépit des protestations du maître d’ouvrage.
Pour approfondir : Monsieur et Madame X. ont confié la réalisation de travaux de gros œuvre dans leur maison à une société tombée en liquidation judiciaire et assurée en responsabilité civile décennale auprès d’Axa France Iard. Après leur installation, les époux X. ont déploré la survenance de désordres et ont assigné en désignation d’expert l’entreprise de gros œuvre et son assureur.
Les époux X. ont ensuite assigné en ouverture de rapport l’entreprise représentée par son liquidateur ainsi que son assureur.
La Cour d’appel de Pau a rejeté les demandes d’indemnités formulées contre la compagnie Axa France Iard au motif que la réception tacite des travaux ne pouvait être caractérisée, eu égard aux protestations dont a été assortie la prise de possession des lieux par les maîtres d’ouvrage. En effet, les maîtres d’ouvrage, qui avaient été contraints de prendre possession des lieux pour des raisons économiques, avaient adressé à l’entreprise après leur entrée dans les lieux deux courriers faisant état d’un certain nombre de désordres et de réserves sur les travaux exécutés.
La Cour d’appel avait considéré que « la preuve de la volonté, non équivoque, des maîtres d’ouvrage d’accepter l’ouvrage, même avec réserves, n’est pas rapportée ».
La Cour de cassation censure la décision d’appel, considérant que les motifs relevés par la Cour d’appel pour rejeter l’existence d’une réception tacite sont insuffisants. Il convient ici de rappeler que les critères de la réception tacite, création prétorienne, sont la prise de possession des locaux et le paiement intégral ou quasi intégral du prix.
En l’espèce, la Cour d’appel avait considéré que la prise de possession des locaux, dès lors qu’elle était animée par des raisons économiques, ne suffisait pas à caractériser la volonté non équivoque des maîtres d’ouvrage de réceptionner.
La Cour de cassation écarte ce raisonnement et précise que, dès lors que le prix des travaux avait été payé en quasi-totalité et que les protestations des maîtres d’ouvrage s’analysaient comme des réserves et non comme une volonté de ne pas réceptionner l’ouvrage, la réception tacite pouvait être retenue et les garanties légales trouver à s’appliquer.
Cette décision est à relativiser et à analyser au regard des faits de l’espèce ; la Cour de cassation ayant récemment jugé exactement le contraire en considérant qu’en dépit de la prise de possession des locaux et du paiement du prix, les protestations répétées du maître d’ouvrage faisaient obstacle à la caractérisation de sa volonté non équivoque de réceptionner l’ouvrage.
Elle sanctionnait manifestement la mauvaise foi implicite du maître d’ouvrage, qui entendait actionner les garanties légales plusieurs années après l’achèvement des travaux.
A rapprocher : Cass. civ. 3ème, 24 mars 2016, pourvoi n°15-14.830