Cass. civ. 3ème, 5 janvier 2017, n°15-22.772
La responsabilité du constructeur peut être engagée postérieurement à l’expiration du délai de garantie décennale, sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour faute dolosive.
Ce qu’il faut retenir : La responsabilité du constructeur peut être engagée postérieurement à l’expiration du délai de garantie décennale, sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour faute dolosive.
Pour approfondir : Monsieur et Madame R. acquièrent d’un constructeur une maison à construire et la réceptionnent le 22 juillet 1994.
En 2004, ils déclarent à l’assureur dommage-ouvrage l’apparition de fissures mais ce dernier conclut à l’absence de désordres portant atteinte à la solidité de l’ouvrage. En 2009, soit bien après l’expiration de la garantie décennale, les époux R. constatent que les fissures s’aggravent et sollicitent en référé la désignation d’un expert judiciaire.
Ce dernier dépose son rapport le 22 novembre 2009.
Sur la base de ce rapport, les époux R. assignent le constructeur sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour faute dolosive, en invoquant les dispositions de l’article 2244 du Code qui dispose :
« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
Les époux R. cherchaient donc à mettre en cause la responsabilité du constructeur en arguant du fait que, par son défaut de surveillance, il avait laissé son sous-traitant omettre volontairement des éléments de constructions essentiels.
Il s’agissait du seul fondement juridique possible, dès lors que le délai pour agir tant en garantie décennale qu’en responsabilité de droit commun (10 ans à compter de la réception) était largement expiré.
Pour pouvoir être invoquée, la faute dolosive supposait que le manquement soit délibéré, même sans intention de nuire.
La Cour d’appel a retenu l’argument proposé par les époux R. et considéré que le constructeur avait commis une faute délibérée en ne surveillant pas comme il se devait l’exécution des travaux de son sous-traitant.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et considère que le défaut de surveillance du constructeur ne constitue pas en l’espèce une faute dolosive dès lors que ce dernier ignorait que son sous-traitant avait volontairement omis des éléments de construction essentiels.
La faute dolosive n’est donc pas retenue, faute d’élément intentionnel en l’espèce, et ce quand bien même les manquements seraient particulièrement graves.
L’examen de la jurisprudence récente de la Cour de cassation confirme la distinction opérée par cette dernière entre la faute causée par une négligence lourde de son auteur et celle résultant d’une dissimulation ou d’une omission volontaire.
A rapprocher : Cass. civ. 3ème, 22 juin 2005, n°04-14587, contra Cass., 13 oct. 2016, n°15-24.463