Cass. com., 25 janvier 2017, n°14-28.792
Le 25 janvier dernier, la chambre commerciale est venue clarifier les contours de l’inébranlable liberté contractuelle animant les sociétés par actions simplifiées (SAS).
Ce qu’il faut retenir : Le 25 janvier dernier, la chambre commerciale est venue clarifier les contours de l’inébranlable liberté contractuelle animant les sociétés par actions simplifiées (SAS). Dans son arrêt, rendu aux visas des articles L.227-1 et L.227-5 du Code de commerce, la Cour a érigé le principe selon lequel « seuls les statuts de la société par actions simplifiée fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée ». Une décision sans appel qui risque aujourd’hui d’avoir de sérieuses conséquences pour l’ensemble des sociétés par actions simplifiées immatriculées en France.
Pour approfondir : Dans cet arrêt, le Président du conseil d’administration d’une société anonyme a cédé 98,81% de la participation qu’il détenait dans le capital de cette dernière. Une clause du protocole de cession d’actions stipulait notamment qu’en cas de baisse du chiffre d’affaires, le prix de cession devait être diminué dans la mesure où le cédant était maintenu à son poste d’administrateur. Or, à la réalisation de ce cas de figure, les cessionnaires décidèrent d’actionner la clause de révision de prix.
Cependant, la société avait été transformée en société par actions simplifiée et les statuts ne stipulaient plus de la qualité d’administrateur du cédant.
Pour autant, la Cour d’appel de Paris considéra que les documents produits aux débats, dont rien n’autorisait à remettre en cause leur sincérité, attestaient de la continuité du conseil d’administration et donc de la qualité d’administrateur du cédant.
Ainsi, elle estimait que, dans le silence des statuts, la société transformée conservait, à l’identique, son mode d’organisation.
Cette déduction maladroite a fortement été condamnée par la Cour de cassation. Cassant l’arrêt d’appel, elle affirme pour la première fois la prédominance des statuts dans la fixation des modalités de direction d’une société par actions simplifiée.
- Le contrôle statutaire dans les conditions de fixation des modalités de direction d’une SAS
La Cour de cassation opte, dans cet arrêt, pour une interprétation stricte des articles du Code de commerce, rompant avec la souplesse traditionnelle des SAS et s’opposant à ce qui prévaut dans les sociétés anonymes.
En effet, l’article L.227-1 du Code de commerce, et tout particulièrement son alinéa 2, dispose que « les attributions du conseil d’administration ou de son président sont exercées par le président de la société par actions simplifiée ou celui ou ceux de ses dirigeants que les statuts désignent à cet effet ».
Combiné avec l’article L.227-5 du Code de commerce, qui dispose notamment que « les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée », la Haute juridiction confère aux statuts un monopole en matière de fixation des modalités de direction des SAS.
C’est donc naturellement qu’elle a constaté la violation des textes susvisés : les statuts de la SAS ne faisaient pas mention d’un conseil d’administration et ne pouvaient conférer au cédant la qualité d’administrateur.
Ainsi, ni un acte infra-statutaire, ni un acte extra-statuaire ne pouvait fonder l’existence d’un organe social d’une SAS.
- La portée du nouveau principe consacré pour les SAS :
La décision de la Cour de cassation, bien que nouvelle, ne s’inscrit finalement que dans le prolongement des jurisprudences passées.
En effet, la Cour avait déjà considéré que seuls les statuts pouvaient régler la question de la gestion par un tiers d’une SAS au travers d’une convention de prestation de services (Cass. com., 24 nov. 2015, n°14-19.685), mais également que la transformation d’une société mettait fin aux fonctions d’organes d’administration ou de surveillance de la société (CA Paris, 22 sept. 2015, n°14/12205 : RJDA 12/15 n°833).
Ainsi, il aurait été contradictoire pour la Cour de considérer comme maintenue la qualité d’administrateur du cédant. Cependant, la portée de cet arrêt est à nuancer. En effet, seuls les organes de direction de la société sont ici visés. L’usage de pacte d’actionnaires ou de règlement intérieur pour organiser les modalités de fonctionnement de ces organes n’est donc pas concerné.
En conclusion, bien que cette décision soit source d’une certaine rigidité, elle assurera également une meilleure transparence, du fait de la publication des statuts, gage de sécurité dans les relations contractuelles à venir.
A rapprocher : Cass. com., 24 novembre 2015, n°14-19.685