Tour d’horizon
La clause résolutoire est d’application courante dans les contrats de franchise. Elle permet au créancier d’obtenir la résolution (ou la résiliation) du contrat, quand bien même l’inexécution ne serait pas suffisamment grave au sens de l’ancien article 1184 du Code civil.
1. La clause résolutoire est d’application courante dans les contrats de franchise. Elle permet au créancier d’obtenir la résolution (ou la résiliation) du contrat, quand bien même l’inexécution ne serait pas suffisamment grave au sens de l’ancien article 1184 du Code civil. Depuis la réforme du droit des contrats, l’article 1224 du Code civil le dit au demeurant de manière fort claire aujourd’hui : « La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. »
En conséquence, en présence d’une clause résolutoire qu’il lui est demandé d’appliquer, le juge n’a pas à établir la gravité du manquement au sens du Code civil, mais seulement à vérifier que les conditions d’application de la clause résolutoire sont réunies.
2. Précisément, à cet égard, on peut distinguer deux types de clauses résolutoires, la solution consacrée par la Cour de cassation et les juridictions du fond étant la même quel que soit le type de clause résolutoire.
Primo, les clauses résolutoires peuvent énumérer les manquements justifiant leur mise en œuvre. La Cour de cassation considère qu’en stipulant une telle clause, « les parties [ont] écarté l’appréciation judiciaire de la gravité de leur comportement », en conséquence de quoi les juges du fond n’ont « pas à procéder à une recherche » de la gravité du manquement reproché au débiteur (Cass. com., 10 juillet 2012, n° 11-20060, Bull., n° 150 ; adde Cass. com., 14 décembre 2004, n° 03-14.380).
La Cour de cassation a rappelé ce principe incontesté : « le bénéfice d’une clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit du bail (…) est acquis sans que le juge n’ait à apprécier la gravité du manquement contractuel » (Cass. civ. 3ème, 5 octobre 2017, n°15-25018). Les juges du fond l’ont parfaitement compris, et un arrêt récent de la Cour d’appel de Caen est à cet égard remarquable de clarté : « l’application de la clause résolutoire, qui fait la loi des parties au sens des dispositions de l’article 1134 ancien du code civil, ne suppose pas d’appréciation de la gravité de l’infraction commise mais seulement le constat de l’existence d’une infraction aux stipulations du bail sanctionnée par ladite clause. Le moyen tiré de la gravité des manquements du preneur est dès lors inopérant. » (CA Caen, 22 novembre 2018, n°17/00114).
En présence d’une telle clause, si minime que soit l’inexécution, les juges du fond sont tenus de constater la résolution dès lors que les conditions en sont remplies :
- CA Pau, 1ère chambre, 7 Juillet 2016, n° 14/04403 : « En effet, la clause résolutoire de plein droit retire aux juges leur pouvoir d’appréciation. En présence d’une telle clause, si minime que soit l’inexécution, les juges du fond sont tenus de constater la résolution si les conditions en sont remplies. Il leur est notamment interdit, (sauf dispositions légales particulières permettant d’en suspendre les effets, qui ne font pas l’objet du présent litige), d’octroyer des délais et de paralyser le jeu d’une clause résolutoire contractuellement stipulée et qui a déjà produit ses effets » ;
- TGI Paris, 2ème chambre 2ème section, 25 septembre 2014, n° 12/14808 : « Attendu qu’en présence d’une clause résolutoire de plein droit, si minime que soit l’inexécution, les juges sont tenus de constater la résolution si les conditions en sont remplies ; qu’il leur est interdit, sauf dispositions légales particulières permettant d’en suspendre les effets, d’octroyer des délais et de paralyser le jeu d’une clause résolutoire contractuellement stipulée et qui a déjà produit ses effets » ;
- CA Paris, 19 juillet 2006, n° 06/00262 : « Considérant, enfin, que si en application de l’article 10 du contrat, sa résiliation, en cas de manquement, n’est qu’une faculté offerte au créancier de l’obligation, il demeure que l’exercice de cette faculté par ce dernier est discrétionnaire, sauf abus de droit qui n’est pas invoqué, dès lors que les conditions de mise en jeu de la résiliation sont réunies, sans que le juge soit tenu d’examiner l’importance du manquement allégué ».
Secundo, les clauses résolutoires peuvent même – elles sont rares – subordonner leur mise en œuvre à un « manquement grave », tout en retenant leur propre définition dudit manquement. La Cour de cassation considère encore que les juges du fond sont alors privés de tout pouvoir d’appréciation : « ayant relevé que, par une clause librement convenue entre les parties, le contrat du 30 avril 2004 stipulait expressément qu’en cas de manquement grave, dont il précisait la nature, le contrat pourrait être résilié avec effet immédiat et sans indemnité, par simple notification écrite et retenu que les agissements de la société D… correspondaient à la définition du manquement grave donnée par le contrat, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche que ces constatations et appréciations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision [de ne pas examiner si le manquement était suffisamment grave au sens de l’ancien article 1184 C. civ.] » (Cass. com., 11 septembre 2012, n°11-23067).
3. On ajoutera que l’étendue du préjudice pouvant résulter de la résolution pour le débiteur est indifférente (Cass. civ., 3ème, 16 décembre 1987, n° 86-13448, Bull., n° 204 : M. X…, propriétaire d’un local à usage de restaurant-théâtre loué à la société Balboa Opéra, a fait délivrer à cette dernière sommation visant la clause résolutoire insérée dans le bail d’avoir à mettre fin dans le délai d’un mois, en procédant à des travaux d’isolation phonique, aux nuisances acoustiques dont elle était la source ; pour surseoir à statuer sur la demande en constatation de la résiliation du bail, les juges du fond avaient retenu que si l’expulsion était immédiatement ordonnée elle entrainerait pour la locataire la perte du fonds de commerce et de tous les investissements réalisés ; cassation : en statuant ainsi tout en retenant la réalité des manquements invoqués par le bailleur, la cour d’appel était tenue de constater la résiliation du bail).
4. Il est notamment interdit au juge (sauf dispositions légales particulières permettant d’en suspendre les effets, qui ne font pas l’objet du présent litige) d’octroyer des délais et de paralyser le jeu d’une clause résolutoire contractuellement stipulée et qui a déjà produit ses effets (Cass. civ., 3ème, 27 mars 1991, n° 89-18.600, Bull., n° 102 ; Cass. civ., 3ème, 5 novembre 1991, n° 87-17.095 ; Cass. civ., 3ème, 15 juin 1994, n° 92-15.555).
5. Enfin, on relèvera que la bonne ou la mauvaise foi du débiteur est indifférente (Cass. civ., 3ème, 10 mars 1993, n° 91-12.031 ; Cass. civ., 3ème, 24 septembre 2003, n° 02-12474, Bull., n° 161).
6. Ainsi, en matière de franchise, le juge constate la résolution de plein droit de contrats de franchise lorsqu’elle résulte de clauses résolutoires prévues dans lesdits contrats, avec ou sans mise en demeure, sans porter d’appréciation sur les manquements en question :
- CA Grenoble, 7 décembre 2017, n° 16/04811 : « Du chef des deux manquements contractuels sus-visés, juge fondée la résiliation de plein droit du contrat par application de la clause résolutoire de l’article 14.1 du contrat de franchise, sans nécessité de mise en demeure, à la date du 30 avril 2015 ».
- CA Paris, 9 avr. 2014, n° 14/01142 : « Considérant en définitive qu’il résulte de ces différents motifs que les appelants ont commis des manquements justifiant la résolution de plein droit des contrats de franchise » ;
- CA Paris, 28 nov. 2012, n° 10/06796 : « qu’ainsi, le défaut de paiement des redevances par le franchisé à compter d’avril 2007, non justifié par une exception d’inexécution de son partenaire, a, à bon droit, entraîné la résiliation du contrat aux torts du franchisé le 19 mai 2009, conformément à l’article 8.1 du contrat, après la mise en demeure du 16 avril 2009, restée infructueuse ; que le jugement entrepris sera donc également confirmé en ce qu’il a constaté cette résiliation aux torts de la société COULEURS PRIVILEGES et fait application de la clause résolutoire » ;
- TC Bordeaux, 31 mars 2009, n° 2009R00102 : « Par ailleurs, il convient de rappelle qu’aux termes du contrat liant les parties, le contrat prend fin en cas de non-paiement des sommes dues au franchiseur, la résolution de plein droit étant alors acquise au franchiseur dans les trente jours suivant une mise en demeure infructueuse » ;
- TC Bordeaux, 2 novembre 2010, n° 2010F00847 : « Par conséquent, le Tribunal constatera la résolution de plein droit du contrat de franchise signé le 16 juillet 2009 entre d’une part Monsieur X Y et la SAS OBJECTIF VERTE ENERGIE et la SARL CERDF GROUP » ;
Dans les contrats de franchise, la clause résolutoire précise la liste des obligations ou des évènements dont l’inexécution ou la survenance justifie la résiliation. Ainsi, une telle clause peut-elle viser bon nombre des obligations incombant au franchisé, à savoir notamment, ses obligations de paiement des redevances (CA Paris, 9 févr. 2005, Juris-Data n°264567) ou des marchandises (CA Paris, 12 nov. 1997, Juris-Data n°023531), son obligation de commencer l’exploitation dans un certain délai courant à compter de la signature du contrat (CA Paris, 14 déc. 2001, Juris-Data n°170803 ), son obligation d’utiliser l’enseigne (Cass. com., 12 juill. 2005, Juris-Data n°029580) ou de poursuivre l’activité (CA Paris, 21 nov. 1988, Juris-Data n°026379), son obligation de fournir les éléments comptables au franchiseur (CA Paris, 13 sept. 2002, Juris-Data n°194650), son obligation de non-concurrence (CA Versailles, 27 nov. 2003, Juris-Data n°232156), son obligation de confidentialité (Cass. com., 28 janv. 1992, pourvoi n°90-15.572, inédit), pour ne citer que quelques exemples.