Cass. com., 21 novembre 2018, n°17-18.978
En cas de contestation de la créance déclarée, le juge-commissaire ne peut se prononcer sur l’admission de cette dernière sans s’être au préalable prononcé sur le caractère sérieux de ladite contestation et son incidence sur l’existence ou le montant de la créance déclarée. Si tel est le cas, il doit obligatoirement sursoir à statuer.
En l’espèce, par un contrat de crédit-bail en date du 10 avril 2000, un crédit-bailleur a donné du matériel en location à une société. Le même jour, le gérant de la société s’est rendu caution solidaire de celle-ci en garantie du paiement des sommes dues au crédit-bailleur.
Par un jugement du 7 octobre 2015, le gérant de la société a été placé en liquidation judiciaire. Le crédit-bailleur a déclaré sa créance, qui a été contestée. Le juge-commissaire ayant admis la créance, le dirigeant et le liquidateur ont interjeté appel de l’ordonnance en soulevant la nullité du cautionnement et sa disproportion et en demandant l’allocation de dommages-intérêts.
Par un arrêt du 3 avril 2017, la Cour d’appel de Bordeaux a déclaré irrecevables les demandes et a confirmé l’ordonnance d’admission aux motifs que le juge-commissaire n’est pas compétent pour statuer sur la validité du contrat ayant donné naissance à la créance, ni sur l’opposabilité d’un cautionnement, ni sur une demande de dommages-intérêts formée par le débiteur contre le créancier, ni sur la responsabilité encourue par ce dernier dans l’exécution du contrat fondant la déclaration de créance.
Par un arrêt publié au bulletin, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa des dispositions de l’article L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 12 mars 2014, dans les termes suivants : « Qu’en statuant ainsi, sans se prononcer au préalable sur le caractère sérieux de la contestation du débiteur et son incidence sur l’existence ou le montant de la créance déclarée, alors que, si tel avait été le cas, elle devait surseoir à statuer sur l’admission après avoir invité les parties à saisir le juge compétent ou, à l’inverse, si la contestation n’était pas sérieuse ou sans influence sur l’admission, elle devait l’écarter et admettre la créance déclarée, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
L’absence de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire en cas de contestation sérieuse du débiteur est une création prétorienne consacrée par l’ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 et codifiée aux dispositions de l’article L. 624-2 du code de commerce : « En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission. »
Par deux arrêts en date du 27 septembre 2017 et du 15 novembre 2017 (Cass. com., 15 novembre 2017, n° 16-18.144, Cass. com., 27 septembre 2017, n°16-16.414), la Cour de cassation avait précisé que le juge-commissaire, qui est saisi d’une contestation ne relevant pas de son pouvoir juridictionnel et étant susceptible d’avoir une incidence sur l’existence, le montant ou la nature de la créance déclarée, est tenu de surseoir à statuer sur l’admission de celle-ci, après avoir invité les parties à saisir le juge compétent.
Ainsi, si la contestation soulevée (par le débiteur ou le mandataire de justice) présente un caractère sérieux et est susceptible d’avoir une incidence, sur l’existence ou le montant de la créance déclarée, le juge-commissaire, et la Cour d’appel statuant sur recours à l’encontre de l’ordonnance rendue par ce dernier, ne peuvent prononcer l’admission éventuelle de la créance déclarée qu’après que le juge compétent ait statué sur la contestation soulevée.
Par la présence décision, la Cour de cassation confirme donc sa jurisprudence récente qui est désormais bien établie.
A rapprocher : L.624-2 du code de commerce ; Cass. com., 15 novembre 2017, n°16-18.144 ; Cass. com., 27 septembre 2017, n°16-16.414