Cass. civ. 3ème, 24 janvier 2019, n°17-11.010
L’exercice par le bailleur de son droit de repentir en vertu de l’article L.145-58 du Code de commerce vaut acceptation irrévocable du renouvellement du bail en vertu de l’article L.145-59 du même code ; dès lors le bailleur ne peut poursuivre l’instance en résiliation du bail engagée avant l’exercice de ce droit.
Le preneur avait exercé une activité non autorisée par le bail commercial et déposé une demande de permis de construire sans l’autorisation préalable de son bailleur. Ce dernier lui a alors délivré un commandement visant la clause résolutoire stipulée dans ledit bail avant de l’assigner en constatation de la résiliation de celui-ci. En cours d’instance, le bailleur a délivré congé avec refus de renouvellement du bail commercial, et ce, sans offre d’indemnité d’éviction pour motifs graves et légitimes.
Les juges du fond ont rejeté la demande de résiliation du bailleur, lequel a formé un pourvoi.
Parallèlement, le bailleur a exercé, par acte extrajudiciaire, son droit de repentir en offrant le renouvellement du bail, se soustrayant, dès lors, au risque éventuel du paiement d’une indemnité d’éviction, mais le bailleur maintenant sa demande de résiliation du bail dans le cadre de la procédure alors pendante.
Le preneur, qui ne conteste pas la validité des griefs soulevés par le bailleur, soutient que, d’une part, l’exercice du droit de repentir valable et régulier emporte le renouvellement définitif du bail et, d’autre part, que le repentir étant irrévocable, le bailleur est irrecevable dans son action tendant à l’acquisition de la clause résolutoire du bail précédent.
En constatant la résiliation du bail par l’effet de la clause résolutoire, les juges du fond ont donné droit à la demande du bailleur. En effet, ces derniers ont considéré que, si l’exercice par le bailleur de son droit de repentir est irrévocable, le consentement au renouvellement par la signification du repentir n’emporte pas renonciation de sa part à se prévaloir des manquements du preneur dont il avait connaissance avant le repentir.
Ils retiennent que le fait pour le bailleur d’avoir exercé son droit de repentir en ayant eu connaissance du manquement du preneur aux clauses et conditions du bail puis de poursuivre l’instance en résiliation par le dépôt d’un pourvoi contre l’arrêt ayant rejeté sa demande en résiliation démontre cette absence de renonciation.
La Cour d’appel estime que dès lors que le bail commercial a été résilié à compter de l’expiration du délai d’un mois visé par le commandement, tous les actes postérieurs à sa disparition, tels que le congé et l’acte de repentir, sont sans effet ni objet étant donné que le bail ne pouvait pas être valablement renouvelé.
Aux visas des articles L.145-58 et L.145-59 du Code de commerce, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a censuré cette décision pour violation desdits textes.
La Cour considère que l’exercice sans réserve de ce droit implique l’acceptation irrévocable du renouvellement du bail dont la résiliation avait été antérieurement demandée et que, dès lors, un tel exercice « fait obstacle à la poursuite d’une résiliation engagée avant l’exercice de ce droit ».
Autrement dit, le bailleur ayant exercé son droit de repentir afin de se soustraire au paiement de l’indemnité d’éviction n’est pas recevable à demander la constatation de la résiliation du bail en application d’une clause résolutoire.
La Cour de cassation avait déjà retenu une solution identique dans le cas où un bailleur agissait en résiliation du bail renouvelé pour des infractions connues de lui antérieurement à l’exercice du repentir (Cass. civ. 3ème, 19 mai 2015, n°14-13.852).
Dans le même sens, la Cour de cassation avait estimé, dans un arrêt du 9 mars 2011, que le droit de repentir ne peut pas se faire « sous réserve » d’un recours car à défaut, il n’est pas valablement exercé. (Cass. civ. 3ème, 9 mars 2011, n°10-10.409).
On poursuit la résiliation ou on se repent, telle est la question.
A rapprocher : Article L.145-58 du Code de commerce ; Article L.145-59 du Code de commerce ; Cass. civ. 3ème, 19 mai 2015, n°14-13.852 ; Cass. civ. 3ème, 9 mars 2011, n°10-10.409