Résolution législative du Parlement européen du 14 février 2019 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union Européenne
Le 14 février 2019, le Parlement Européen a largement approuvé un règlement européen (« Cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union européenne »), qui doit renforcer la coopération entre les pays de l’Union Européenne (« UE »), avec l’appui de la Commission européenne, lorsque des investisseurs étrangers s’intéressent à des secteurs européens sensibles.
Pour mémoire : L’UE est la principale destination des investissements directs étrangers (« IDE ») dans le monde : les stocks d’investissements directs étrangers détenus par des investisseurs de pays tiers dans l’UE s’élevaient à 6.295 milliards d’euros à la fin de 2017.
Pendant ces vingt dernières années, la structure et la provenance des IDE ont radicalement changé, avec plus d’IDE en provenance d’économies émergentes.
Les investissements chinois ont été multipliés par six, avec pour cible récemment des secteurs de haute technologie et souvent des entreprises détenues par l’État ou ayant un lien avec les gouvernements.
Les préoccupations suscitées par la multiplication des acquisitions dans des secteurs stratégiques par des IDE, notamment chinois, ont conduit l’UE à réfléchir à un cadre pour le filtrage dans l’UE.
Actuellement au niveau national, 14 États membres disposent de mécanismes nationaux de filtrage, parfois très différents (Allemagne, Autriche, Danemark, Espagne, Finlande, France, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, Portugal et Royaume-Uni). Plusieurs États membres (dont la France) sont en train de réformer leurs mécanismes de filtrage ou d’en adopter de nouveaux.
Petit à petit, mais à grands pas, la politique européenne de contrôle des IDE se concrétise :
- l’approbation du projet de règlement par le Parlement Européen (500 voix pour, 49 contre et 56 abstentions) en date du 14 février 2019,
- l’accord politique européen sur un dispositif de filtrage des investissements étrangers du 20 novembre 2018,
- la proposition de créer le premier cadre à l’échelle de l’UE pour l’examen des IDE, par le président Juncker lors de son discours en date du 14 septembre 2017.
Pour approfondir :
I. Le projet du cadre européen pour les IDE
Ce cadre constitue le premier outil européen de filtrage des IDE pour des motifs de sécurité et d’ordre public (le « Nouveau Cadre »).
Le Nouveau Cadre :
- crée un mécanisme de coopération grâce auquel les États membres et la Commission Européenne seront en mesure d’échanger des informations, en temps réel, et de faire état de leurs préoccupations concernant des investissements spécifiques ;
- permet à la Commission Européenne d’émettre des avis lorsqu’un investissement constitue une menace pour la sécurité ou l’ordre public de plus d’un État membre, ou lorsqu’un investissement risque de porter atteinte à un projet ou un programme présentant un intérêt pour l’ensemble de l’UE ;
- encourage la coopération internationale en matière de filtrage des investissements, y compris le partage d’expériences, de bonnes pratiques et d’informations sur des questions d’intérêt commun ;
- fixe certaines exigences pour les États membres qui souhaitent maintenir ou adopter un mécanisme de filtrage au niveau national ;
- prend en compte la nécessité d’agir en respectant des délais courts répondant aux impératifs des entreprises ainsi que des conditions strictes de confidentialité ;
- seuls les États membres décideront s’il convient d’autoriser ou non une opération d’investissement spécifique sur leur territoire.
Le Nouveau Cadre protège les secteurs stratégiques suivants :
- énergie ;
- transport ;
- télécommunications ;
- données ;
- espace ;
- finance ;
- semi-conducteurs ;
- intelligence artificielle ;
- robotique ;
- eau ;
- santé ;
- défense ;
- média ;
- biotechnologie ;
- sécurité alimentaire.
La portée de ce texte reste cependant limitée : la Commission Européenne n’aura pas elle-même la possibilité de bloquer un IDE, le dernier mot revenant dans tous les cas aux Etats membres.
II. Le cadre, en France
Le projet de loi PACTE, voté en première lecture par le Sénat le 12 février 2019 (TA Sénat, n° 60, 2018-2019, art. 55), modifie profondément le contrôle des IDE, en mettant en place, notamment, un contrôle parlementaire.
Ce projet de loi doit maintenant être examiné en commission mixte paritaire le 13 mars 2019.
III. Quelles sont les prochaines étapes ?
En parallèle, les services de la Commission Européenne achèvent une analyse détaillée des IDE dans l’UE, et un groupe de coordination avec les États membres a été mis en place pour mieux cerner les préoccupations et solutions stratégiques communes.
Le Conseil Européen devrait approuver formellement ce règlement le 5 mars 2019. Le règlement entrera ensuite en vigueur 18 mois après sa publication au Journal officiel.
A rapprocher : Communiqué de presse du Parlement Européen