Cass. com., 13 février 2019, n°17-14.785
Le manquement d’une banque à son obligation de mise en garde de l’emprunteur non averti sur le risque d’endettement excessif prive cet emprunteur d’une chance d’éviter le risque qui s’est réalisé.
Le 6 mars 2008, la banque B. a consenti à Madame A. un prêt destiné à financer l’acquisition d’un bien immobilier destiné à la location, remboursable le 15 avril 2020 et garanti par le nantissement d’un contrat d’assurance vie souscrit par son intermédiaire. Madame A. a assigné en responsabilité la banque B. pour avoir manqué à son obligation de mise en garde sur le risque d’endettement excessif lors de l’octroi du prêt.
Par un arrêt du 15 décembre 2016, la cour d’appel de Caen a condamné la banque B. à payer à Madame A. la somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts, les juges du fond ayant retenu que si Madame A. ne disposait pas des fonds nécessaires au remboursement du prêt à la date d’échéance de celui-ci, Madame A. s’exposerait à la vente de l’appartement financé sans avoir l’assurance qu’elle en tirerait un prix suffisant pour apurer sa dette. Au visa de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 et applicable au présent litige, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel. La Haute Cour retient que le manquement d’une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d’endettement excessif né de l’octroi d’un prêt, prive l’emprunteur d’une chance d’éviter le risque qui s’est réalisé. Le risque supposant que l’emprunteur ne soit pas en mesure de faire face aux sommes exigibles au titre du prêt, ce risque ne saurait être réalisé alors que le terme du contrat n’est pas encore échu, de sorte que le préjudice est éventuel et ne saurait donc être indemnisé.
Par cet arrêt, la Cour de cassation semble abandonner la solution précédemment retenue, selon laquelle le préjudice né du manquement d’une banque à son obligation de mise en garde s’analysait en la perte d’une chance de ne pas contracter (Cass. com., 20 octobre 2009, n°08-20.274).
La Cour considère en effet aujourd’hui que le préjudice né du manquement d’une banque à son obligation de mise en garde s’analyse en la perte d’une chance d’éviter le risque qui s’est réalisé. Pour rappel, l’obligation de mise en garde est subordonnée à deux conditions cumulatives, à savoir :
- la qualité de l’emprunteur non averti, et
- l’existence d’un risque d’endettement.
Lorsque ces deux conditions sont réunies et que la banque ne rapporte pas la preuve de ce qu’elle a satisfait à son devoir de mise en garde, sa responsabilité pourra être engagée, la sanction consistant alors selon l’arrêt commenté à la réparation de la perte de chance d’éviter le risque qui se serait réalisé.
A rapprocher : Quelques évidences sur le devoir de mise en garde de la banque dispensatrice de crédit (CA Rennes, 9 déc. 2016, n°12-05738)