CA Paris, 3 avril 2019, n°17/12787
La décision rendue par la cour d’appel de Paris le 3 avril 2019 vient rappeler les principes applicables en matière de prescription, et plus particulièrement en ce qui concerne le point de départ du délai de prescription, lorsqu’il s’agit d’un contrat écrit et signé, et lorsqu’il s’agit d’un contrat tacite, non écrit.
La société B. et la société E., tête de réseau, ont conclu, le 30 septembre 2005, un contrat de concession d’enseigne concernant l’exploitation d’un magasin sous l’enseigne E. situé à Bourgoin Jallieu, prenant effet au 1er février 2006 pour une durée déterminée de 3 ans renouvelable. Fin 2009, la société E. a autorisé implicitement la société T. à exploiter un magasin sous l’enseigne E. situé à Tignieu-Jameyzieu. En contrepartie des engagements pris par la société E., les sociétés B. et T. étaient tenues au paiement de redevances à l’égard de la tête de réseau. Celles-ci ont cependant rencontré des difficultés dans l’exécution de leurs engagements et ont laissé des factures impayées.
Par courrier recommandé du 18 février 2013, la société B. a informé la société E. de sa décision de mettre un terme au contrat. La société E. a donc interrompu les livraisons à compter du 19 avril 2013.
De son côté, la société E. a informé la société T., par courrier du 19 février 2013, qu’en raison du non-paiement des factures, elle résiliait le contrat et interrompait donc les livraisons.
Après avoir été placées en liquidation judiciaire, le liquidateur des sociétés T. et B. a assigné la société E. par assignation du 30 avril 2014, aux fins de solliciter, à titre principal, la nullité pour dol (défaut de communication du document d’information précontractuelle), des contrats conclus avec la société E. et obtenir sa condamnation au paiement de dommages et intérêts et, à titre subsidiaire, la résiliation des contrats aux torts et griefs exclusifs de la tête de réseau.
La société E. a soulevé la prescription des demandes formées par les sociétés B. et T. : selon elle, les concessionnaires avaient connaissance dès la signature des contrats, soit le 30 septembre 2005, du défaut de communication du DIP et le délai de prescription avait commencé à courir dès cette date ; or, ce n’est que le 30 avril 2014 que la société E. a été assignée, de sorte que la prescription quinquennale était déjà acquise.
Le liquidateur des sociétés T. et B. affirmait que l’action en nullité des contrats n’était pas prescrite : le délai de prescription n’avait commencé à courir qu’à la découverte du dol, soit au cours de l’exécution du contrat. Concernant la société T., il était soulevé le fait que, faute de signature d’un contrat écrit, le contrat devait être réputé avoir été conclu, soit à la date de la lettre d’intérêt pour l’ouverture du magasin (le 29 décembre 2009), soit à la date d’ouverture du magasin (le 24 avril 2010), de sorte que la prescription quinquennale n’était pas acquise lors de l’assignation.
Les juges du fond rappellent que « la prescription quinquennale de l’action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert le dol qu’il allègue ». S’agissant du contrat « signé », le grief tiré du défaut de remise du DIP était donc connu lors de la conclusion du contrat, soit le 30 septembre 2005. La demande de nullité du contrat, intentée le 30 avril 2014, était donc prescrite lorsqu’elle a été invoquée. S’agissant du contrat « tacite », non signé, les juges du fond relèvent que le point de départ de la prescription pour défaut de remise du DIP pourrait se situer à la date d’ouverture du point de vente, soit le 24 avril 2010 ; le grief tiré du défaut de remise du DIP n’était donc pas prescrit lors de l’assignation.
Concernant la demande de résiliation des contrats, les juges du fond relèvent, pour l’exécution des deux contrats, que tous les manquements commis antérieurement à la date du 30 avril 2009 – soit 5 ans avant la date de l’assignation – sont prescrits.
Il convient de noter que, quand bien même l’action en nullité en dol n’est pas prescrite, encore faut-il, pour obtenir la nullité d’un contrat pour dol, pouvoir démontrer que la méconnaissance par la tête de réseau de son obligation d’information précontractuelle, est constitutive d’un dol, d’une réticence dolosive ou d’une erreur, de nature à vicier le consentement du co-contractant.
A rapprocher : CA Paris, 17 janvier 2018, n°15/17647