Déchéance des droits sur la marque : conditions et mise en œuvre

CA Paris, 17 mai 2019, RG n°18/06796

Le titulaire d’une marque encourt la déchéance de ses droits s’il n’en a pas fait un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans sauf à pouvoir établir que ce défaut d’usage tient à un juste motif qui doit rendre l’usage de la marque impossible.

Le titulaire d’une marque est soumis à une obligation d’exploiter celle-ci au risque, sinon, de perdre ses droits. En effet, l’article L.714-5 du Code de la propriété intellectuelle prévoit : « Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans », cette déchéance peut être demandée par tout tiers intéressé.

Tout tiers intéressé peut demander la déchéance d’une marque, toutefois, s’agissant d’une demande en justice, il doit justifier d’un intérêt à agir conformément à l’article 31 du Code de procédure civile lequel prévoit : « L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».

La cour d’appel de Paris, dans son arrêt rendu le 17 mai 2019, va rechercher cet intérêt à agir en déchéance de la marque désignant divers produits des classes 20, 21, 24, 25, 28, 29 et 30, et notamment des tissus et linge de maison, des vêtements, des jouets, des fruits et légumes conservés, des conserves de viandes ou de poisson, du café et des gâteaux. Les juges relèvent que le demandeur exploite au moins depuis 2005, sous l’enseigne et le nom commercial « Maxxilot » (i.e., dénomination de la marque), des magasins dans lesquels sont vendus à bas prix une large gamme de produits, et notamment des textiles, du linge de maison, des jouets, et des produits d’alimentation tels que des produits frais, des conserves, des gâteaux et du café. Aussi, il en résulte qu’il justifie d’un intérêt à agir en déchéance de la marque.

La déchéance des droits sur la marque est encourue lorsque son titulaire n’en a pas fait un usage sérieux sur une période de cinq ans sauf à pouvoir justifier d’un juste motif. En l’espèce, le titulaire de la marque tentait de se prévaloir du fait qu’une procédure en concurrence déloyale tendant à l’empêcher d’exploiter l’enseigne et le nom commercial identiques à la marque avait été exercée à son encontre. Selon la cour :

« Un obstacle à l’exploitation de la marque ne peut toutefois constituer un juste motif au sens de l’article L.714-5 précité, que si les trois conditions suivantes sont réunies :

    • l’obstacle doit présenter une relation directe avec la marque,
    • il doit être indépendant de la volonté du titulaire de la marque,
    • il doit rendre l’usage de celle-ci impossible ou déraisonnable. »

Or, selon les juges, la procédure dont il est fait état porte exclusivement sur l’atteinte à l’enseigne et au nom commercial et non sur la marque litigieuse. Cette action judiciaire, qui n’a donc pas trait à l’usage de la marque pour désigner les produits pour lesquels elle est enregistrée, ne rend pas ledit usage impossible ou déraisonnable. En conséquence, le « juste motif » au sens de l’article L.714-5 du Code de la propriété intellectuelle n’est pas établi et, compte tenu de l’absence d’usage de la marque, la déchéance de celle-ci est confirmée.

A rapprocher : Article L.714-5 du Code de la propriété intellectuelle ; Article 31 du Code de procédure civile

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