Point sur les textes adoptés par la législature sortante
Issu des urnes en 2014 sous le slogan « Cette fois c’est différent » en raison des pouvoirs accrus qui lui était conférés par le Traité de Lisbonne (entré en vigueur le 01/12/2009), le Parlement européen (le « Parlement ») a adopté sous la 8ème législature (2014-2019) une série de textes qui ont déjà un impact sur la vie des citoyens européens.
Suite aux élections européennes du 23 au 26 mai 2019 pour la 9ème législature, faisons le point sur quelques textes adoptés par la législature sortante.
Pour mémoire :
Au cours de la 8ème législature européenne, les 751 députés européens, travaillant dans un contexte de bouleversements mondiaux et de crises internes à l’Union européenne (« l’UE »), ont légiféré sur des sujets divers au cœur des interrogations des citoyens, comme la sécurité, la protection des données ou l’environnement, tout en exploitant leur statut de seuls représentants directement élus à l’échelle européenne, pour se saisir de sujets de débat comme le commerce ou la fiscalité.
Pour approfondir :
Reflet des priorités de la Commission européenne (la « Commission ») et de mesures imposées par les événements internationaux et les évolutions de plus long terme, l’activité législative du Parlement a été principalement consacrée à (i) l’affirmation de l’UE comme une puissance commerciale ouverte mais ferme, à (ii) la protection des citoyens et des consommateurs, à (iii) la convergence sociale dans le marché unique, à (iv) la régulation des activités financières et des pratiques fiscales, à (v) la transition énergétique et environnementale, et à (vi) la sécurité et la protection des frontières de l’UE.
1. Commerce : accords économiques et filtrage des investissements étrangers
Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Parlement dispose d’un pouvoir d’approbation des traités commerciaux internationaux négociés par la Commission.
Au cours de la 8ème législature, le Parlement a approuvé l’Accord économique et commercial global avec le Canada (« CETA ») (février 2017), l’Accord de partenariat économique avec le Japon (décembre 2018), ainsi que les accords économiques et de protection des investissements avec Singapour (février 2019).
En parallèle, le Parlement a adopté plusieurs mesures destinées à défendre les intérêts de l’Union face à des puissances commerciales plus agressives, en particulier la Chine. C’est le cas de la définition de nouvelles règles anti-dumping (Défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de l’UE) (novembre 2017) afin de ne pas reconnaître à la Chine le statut d’économie de marché et de mettre l’accent sur les distorsions de marché dues aux subventions. Dans cette discussion, le Parlement a défendu des dispositions en faveur des PME et la prise en compte des normes sociales et environnementales dans les mesures antidumping. C’est le cas également de l’introduction d’un mécanisme européen de filtrage des investissements étrangers (Règlement (UE) 2019/452 du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2019 établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union). Le Parlement a élargi les secteurs concernés par le filtrage et renforcé les moyens de coordination entre Etats membres et avec la Commission.
2. Protection des citoyens et consommateurs : Règlement RGPD
L’une des mesures les plus importantes de la 8ème législature est le règlement général sur la protection des données (Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données) (« RGPD »), adopté en avril 2016 après 4 années de discussions.
Le RGPD vise à protéger tous les citoyens européens contre toute violation de leur vie privée et de leurs données tout en créant un cadre plus clair et plus cohérent pour les entreprises.
Le RGPD introduit la notion d’information de l’utilisateur sur l’utilisation des données et son consentement, un droit à l’oubli ainsi que des sanctions accrues.
En même temps que le RGPD, les députés ont adopté une directive sur la protection des données personnelles dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale (Directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données). Les députés ont introduit une définition du profilage et renforcé les garanties des personnes visées en la matière, ainsi que le pouvoir des autorités de contrôle.
3. Convergence sociale : directive sur les travailleurs détachés
L’adoption de la révision de la directive sur les travailleurs détachés en mai 2018 (Directive (UE) 2018/957 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018 modifiant la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services), a entériné le principe de salaire égal pour un travail égal quelle que soit la nationalité du travailleur. Le Parlement a accepté une limitation du détachement à 1 an plus 6 mois sous conditions, et non pas de 2 ans, et la non-inclusion du secteur du transport dans la directive.
La révision de cette directive a été complétée en avril 2019 par l’adoption du Paquet mobilité (en cours de publication), qui couvre le secteur du transport et encadre de manière plus stricte la rémunération et le temps de repos des chauffeurs routiers ainsi que la pratique du cabotage, limitée à trois jours.
En fin de législature, les députés ont également approuvé une directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants de personnes malades, qui harmonise, en particulier, le congé paternité fixé à 10 jours minimum, ainsi que la création d’une Autorité européenne du travail pour lutter contre le dumping social.
4. Régulation financière et fiscale
Le Parlement, qui ne dispose que d’un pouvoir de consultation, a globalement approuvé les grandes lignes fixées par la Commission dans le domaine de l’harmonisation fiscale européenne :
- La fiscalité restant très largement dépendante de la bonne volonté des Etats membres, les progrès sont restés limités hormis pour la TVA : marché unique numérique de la TVA, directive fixant le taux normal minimal de la TVA à 15 %, directive fixant un taux réduit pour les publications électroniques, règlement mettant en place les mécanismes d’autoliquidation de la TVA et de réaction rapide.
- Les députés ont également approuvé l’échange automatique d’informations sur les décisions en matière fiscale (octobre 2015) moyennant plusieurs amendements. En novembre 2016, les députés ont approuvé une modification de la directive sur l’échange automatique de données entre Etats membres, en demandant à ce que les informations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux y soient intégrées et mises à la disposition de la Commission.
- Liés aux questions de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, le statut des lanceurs d’alerte et le cadre dans lequel ils peuvent être reconnus ont été traités par le Parlement. La directive sur le secret des affaires (Directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites) introduit une définition commune des informations secrètes à valeur commerciale tout en garantissant la liberté des médias et la protection de leurs sources. Une seconde directive (avril 2019, en cours de publication) garantit que les lanceurs d’alerte signalant des infractions à la législation de l’Union dans des domaines comme la fraude fiscale, le blanchiment de capitaux ou la protection des consommateurs ne pourront être l’objet de représailles. Cette directive faisait partie des recommandations des commissions spéciales du Parlement « TAXE » et « TAX2 ».
5. Energie et environnement
Durant la 8ème législature, la mise en œuvre de l’accord de Paris de 2015 sur le climat et la réduction des pollutions de tous types ont engendré une activité intense du Parlement, comme l’adoption du paquet économie circulaire pour réduire les déchets (avril 2018) ou la définition de nouvelles limites pour les polluants atmosphériques (novembre 2016).
Les députés ont joué un rôle moteur dans les politiques climatiques, en particulier dans la définition des objectifs de l’efficacité énergétique. La directive (Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables) fixe à 32 % l’objectif d’énergies renouvelables d’ici à 2030 et à 32,5 % l’amélioration de l’efficacité énergétique – des seuils plus élevés que ceux proposés par la Commission (27% et 30%).
En février 2018 a été adoptée la révision du système européen des quotas d’émissions (SEQE) visant à réduire le prix du quota pour rendre le marché plus efficace, après de longues discussions avec le Conseil et la Commission pour limiter les allocations gratuites pour les entreprises. En novembre 2017, il avait été étendu au secteur de l’aviation.
6. Sécurité et frontières
Entre 2014 et 2018, 2 millions de migrants sont arrivés en Europe et presque 18 000 personnes sont décédées ou ont disparu en tentant de le faire.
En réponse à cette crise, le Parlement a notamment adopté la création du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (février 2016) et son renforcement (avril 2019), la révision du Code Schengen (février 2017), un renforcement du Système d’information Schengen (SIS) dans le domaine des contrôles aux frontières et du retour des ressortissants de pays tiers en séjour illégal (octobre 2018), la révision du mandat de l’agence eu-LISA, qui gère les systèmes d’information à grande échelle au sein de l’Union européenne (juillet 2018) et la création du système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS) qui renforce les procédures de contrôle pour les ressortissants des pays tiers exemptés de visas (juillet 2018).
Les attentats, qui ont touché plusieurs Etats membres en 2015-2017, ont conduit le Parlement à adopter des mesures de lutte contre le terrorisme et la radicalisation et, en particulier, le registre européen des données des passagers aériens (PNR), en avril 2016 après 5 ans de négociations.
A rapprocher : « Bilan de la 8ème législature du Parlement européen » de la Fondation Robert Schuman