Franchise participative et restriction de concurrence

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RICHARD Sandrine

Avocat associée

TC Lyon, 4 juillet 2019, RG n°2018J00298

Le schéma consistant au sein d’une franchise à, d’une part, conclure un contrat de franchise de 5 ans et, d’autre part, à prendre, via une autre société de son groupe, une participation minoritaire dans la société franchisée en prévoyant que l’objet social de celle-ci, modifiable par décision des associés votée au 3/4 des parts sociales, est l’exploitation d’un supermarché sous l’enseigne franchisée à l’exclusion de toute autre enseigne, pose des préoccupations de concurrence qui justifient la saisine de l’Autorité de la concurrence sur la conformité d’un tel montage avec l’article L.420-1 du Code de commerce.

Les faits de l’espèce sont simples : une société franchisée, détenue à 26 % par une société appartenant au groupe du franchiseur, a conclu un contrat de franchise avec une enseigne de la grande distribution alimentaire d’une durée de 5 ans. La société franchisée a notifié à son franchiseur le non-renouvellement du contrat de franchise après son terme, droit le plus strict en application d’une jurisprudence désormais bien connue (Cass. com., 4 septembre 2018, arrêts n° 17-16.532, 17-16.534, 17-16.535, 17-16.536, 17-16.537, 17-16.538, 17-17.891, 17-18.132). Toutefois, l’associé minoritaire de la société franchisée a contesté cette décision, en ce qu’elle est contraire à l’objet social de la société franchisée, l’objet social étant strictement limitée à l’exploitation de l’enseigne franchisée en vertu du contrat de franchise, à l’exclusion de toute autre : tout changement d’enseigne emportant un changement de l’objet social implique une décision unanime des associés de la société franchisée.

L’affaire revenait ici devant de le tribunal de commerce de Lyon après avoir donné lieu à un première épisode judiciaire en référé : le président de tribunal de commerce de Lyon, confirmé par la cour d’appel de Lyon, avait suspendu (anéanti ?) les effets de la dénonciation du contrat de franchise opéré par la société franchisée, considérant que cette dénonciation emportait une violation des statuts de la société franchisée constitutive d’un trouble manifestement illicite.

Portée devant le juge du fond, la société franchisée et son dirigeant, appuyés par une intervention volontaire de Monsieur le ministre de l’Economie et des Finances, ont formé une demande avant dire droit tendant à la saisine de l’Autorité de la concurrence sur la conformité des pratiques mises en œuvre au sein du Groupe de distribution alimentaire avec les dispositions de l’article L.420-1 du Code de commerce, que le juge peut saisir pour avis en application de l’article L.462-3 du Code de commerce.

Pour contester cette demande, l’associé minoritaire de la société franchisée, filiale du groupe du franchiseur, soutenait que les demandes de la société franchisée et de son dirigeant étant nulles, il n’y avait donc pas lieu de saisir l’Autorité de la concurrence. Il considérait que les critiques portées à l’objet social de la société franchisée, limitant l’exploitation du fonds de commerce appartenant à celle-ci à l’exploitation d’une seule enseigne, à l’exclusion de toute autre constituait en réalité une demande de nullité des statuts, enferrant leur action dans un délai de prescription acquis de 3 ans.

Le tribunal de commerce de Lyon ne s’est pas laissé convaincre par cette analyse. Il a considéré que « la prescription triennale de l’article L.235-0 du Code de commerce soulevée par l’associé minoritaire, est impropre à s’appliquer au présent litige, dans la mesure où les moyens de défenses soulevés par la société franchisée ne portent pas sur la nullité de la société ou d’un acte de délibération mais bien sur la nullité de dispositions statutaires spécifiques et détachables : que la sanction encourue ne consiste pas en la nullité de la société, son objet social n’étant pas anéanti, dans la mesure où il consiste en l’exploitation d’un fonds de commerce de supermarché, la référence à l’enseigne ne constituant qu’un accessoire ». Au surplus, le tribunal relève que la demande de la société franchisée et de son dirigeant tend à voir écartées ou réputées non écrites les clauses litigieuses des statuts, en ce que ces clauses sont contraires à l’ordre public économique et « en ce sens de cause illicite », qui ne s’analyse pas en demande de nullité, non soumise en conséquence à la prescription applicable en la matière.

Il appartient désormais à l’Autorité de la concurrence de se prononcer.

Considèrera-t-elle que l’objet social ainsi libellé dans le contexte exposé est en lui-même anticoncurrentiel ? Cela semble a priori peu probable, faute d’intervention du législateur par suite de l’avis déjà rendu par l’Autorité de la concurrence le 7 décembre 2010 (Avis 10 A 26). Toutefois, la pratique pourrait être épinglée sous l’angle des concentrations ou de l’abus de position dominante.

Un autre axe mériterait à notre sens d’être mise en lumière : la question de la violation des dispositions de l’article L.330-1 du Code de commerce qui limite à 10 ans les accords d’exclusivité. En effet, l’effet cumulé des stipulations du contrat de franchise et des statuts de la société franchisée conduit à un engagement de la société franchisée au-delà des 10 ans susvisés, la liberté de la société franchisée de quitter le réseau de franchise étant annihilée par ses statuts rendant indispensable l’accord de son associé minoritaire, filiale du groupe du franchiseur.

A rapprocher : CA Amiens, 28 juin 2018, RG n°15/04797 ; Avis 10 A 26 de l’Autorité de la concurrence du 7 décembre 2010 relatif aux contrats d’affiliation de magasins indépendants et les modalités d’acquisition de foncier commercial dans le secteur de la distribution alimentaire ; Cass. com., 30 mai 2012, n°11-18.024

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