L’assignation en redressement judiciaire par un créancier : une action conditionnée

CA Aix-en-Provence, 26 août 2019, n°2019/398

L’action initiée par un créancier à l’encontre d’un débiteur aux fins d’ouverture d’un redressement judiciaire ne peut prospérer que si l’état de cessation des paiements est démontré. Toutefois, la recevabilité d’une telle action n’est pas soumise à la justification, par le créancier, des procédures ou voies d’exécution engagées pour le recouvrement de sa créance.

En l’espèce, la société UK fait assigner Monsieur Z devant une juridiction consulaire aux fins d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, et ce en raison du non-paiement, par Monsieur Z, d’une somme due en vertu d’une décision judiciaire.

Toutefois, par jugement rendu le 12 novembre 2018, la juridiction saisie rejette la demande de la société UK estimant notamment que l’état de cessation des paiements n’est pas démontré.

A cet égard, les juges précisent que le seul refus de paiement du débiteur ne peut suffire à caractériser l’état de cessation des paiements.

La société UK décide d’interjeter appel.

Dans le cadre de cette instance, Monsieur Z maintient son opposition à l’action initiée par la société UK et se prévaut notamment de l’irrecevabilité de sa demande estimant que celle-ci ne justifie pas de tentatives d’exécution infructueuses préalablement à la délivrance de l’assignation aux fins d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

Monsieur Z maintient également que la société UK ne démontre pas l’état de cessation des paiements.

Par arrêt rendu le 26 août 2019, la cour d’appel d’Aix-en-Provence fait droit à la demande de la société UK.

En effet, les juges du fond rappellent que les dispositions légales applicables au présent litige ne conditionnent aucunement la recevabilité de l’action initiée par un créancier en ouverture de redressement judiciaire, à la justification des procédures ou voies d’exécution engagées pour le recouvrement de sa créance.

En effet, depuis le décret n°94-910 du 21 octobre 1994 (pris pour application de la loi n°94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés), et jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, l’article 7 du décret du 27 décembre 1985 disposait que :

« L’assignation d’un créancier doit préciser la nature et le montant de la créance et contenir l’indication des procédures ou voies d’exécution engagées pour le recouvrement de la créance.

La demande tendant à la liquidation judiciaire doit être accompagnée des éléments de nature à établir que l’entreprise a cessé toute activité ou que le redressement est manifestement impossible. Lorsqu’il s’agit d’une exploitation agricole, le créancier joint à sa demande une attestation, délivrée par le greffier, de la saisine du président du tribunal de grande instance aux fins de désignation d’un conciliateur.

La demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est à peine d’irrecevabilité qui doit être soulevée d’office, exclusive de toute autre demande ».

Or, la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005, dite de sauvegarde des entreprises, a précisément supprimé cette condition de recevabilité.

Par conséquent, la recevabilité de l’action initiée par un créancier en ouverture de redressement judiciaire ne peut être soumise à l’indication des procédures ou voies d’exécution engagées pour le recouvrement de sa créance.

Par ailleurs, les juges du fond estiment également qu’en l’espèce, l’état de cessation des paiements se déduit de l’absence de contestation par Monsieur Z de la créance litigieuse ainsi que son absence de paiement, et ce malgré une décision rendue à son encontre.

Il en résulte que si l’action du créancier reste soumise à la démonstration d’un état de cessation des paiements, en revanche, sa recevabilité ne saurait être conditionnée à la justification des procédures ou voies d’exécution engagées pour le recouvrement de sa créance.

A rapprocher : Articles L.631-1 et R.631-2 du Code de commerce ; Cass. com., 28 juin 2017, n°16-10.025

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