Cass. crim., 25 septembre 2019, F-P+B+I, n°18-83.113
Les statuts d’une société par actions simplifiée peuvent valablement prévoir qu’elle sera régie par les articles du Code de commerce applicables aux sociétés anonymes. Les dispositions relatives à la gouvernance des sociétés anonymes sont alors applicables, notamment la procédure renforcée de contrôle des conventions réglementées, dont le non-respect délibéré peut conduire au délit d’abus de biens sociaux.
La société par actions simplifiée (SAS) est une forme sociale caractérisée par la liberté statutaire. Le fonctionnement d’une SAS dépend en effet en grande partie de ses statuts. Les statuts de la société qui fait l’objet de l’arrêt commenté prévoyaient que cette dernière était régie par les règles applicables aux sociétés anonymes (SA), forme sociale caractérisée au contraire par un encadrement légal strict.
Or, l’article L.227-1 du Code de commerce prévoit que les SAS sont régies seulement partiellement par les règles applicables aux SA, à l’exception d’un certain nombre de dispositions dudit code, en particulier celles relatives à la gouvernance de la société. L’enjeu premier de l’arrêt était donc de savoir si les statuts pouvaient bien prévoir que la société serait assujettie à l’ensemble des dispositions applicables à la SA, en ce compris les articles expressément écartés par la loi. La Cour de cassation répond positivement en retenant l’application des articles en question. Les statuts d’une SAS peuvent donc bien prévoir que les dispositions relatives à la gouvernance des SA lui seront applicables.
Dans une SAS qui a adopté ce fonctionnement, validé par la Cour de cassation, le président du directoire a, en l’espèce, été reconnu coupable du délit d’abus de biens sociaux en signant deux règlements de retraite surcomplémentaire, fixant les conditions d’accès au bénéfice de la retraite, dont les dispositions lui étaient particulièrement favorables, et en organisant son licenciement dans le cadre d’une intégration au plan de sauvegarde pour l’emploi et au dispositif de départ anticipé à la retraite, pour un montant de 4 473 000 euros, ainsi que l’octroi d’une avance sur son indemnité de départ, pour un montant de 1 580 000 euros, sans recueillir l’accord préalable du conseil de surveillance de la société.
A l’appui de son pourvoi, le président du directoire invoquait notamment le fait que les articles L.225-86 et L.225-88 du Code de commerce, qui réglementent la procédure d’approbation des conventions réglementées dans les SA, n’étaient pas applicables car une SAS était en cause. Ce point est important car la procédure d’approbation des conventions réglementées est différente selon la forme de la société. En effet, dans une SA, les conventions réglementées sont soumises à l’autorisation préalable du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, avant d’être ratifiées a posteriori par l’assemblée générale des associés. Or, en SAS, seule l’approbation a posteriori des associés est requise. Surtout, l’absence d’autorisation préalable du conseil d’administration ou du conseil de surveillance peut conduire à la nullité de la convention.
La Cour va au bout de son raisonnement et déclare que la société étant régie par les règles applicables aux SA, les actes et conventions en question devaient être soumis à l’approbation préalable du conseil de
surveillance. La Cour de cassation souligne que l’intéressé s’est « délibérément abstenu » de faire approuver les conventions réglementées en cause par le conseil de surveillance. Par cette formule, elle semble faire allusion au critère de la mauvaise foi, qui est l’une des conditions de caractérisation de l’abus de biens sociaux.
Enfin, cet arrêt est l’occasion pour la Cour de cassation de préciser que l’octroi au dirigeant du bénéfice d’un plan de sauvegarde pour l’emploi ou d’un dispositif de départ anticipé à la retraite constitue une convention réglementée, et nécessite donc de respecter la procédure des conventions réglementées.
A rapprocher : Art. L.225-86 du Code de commerce ; Art. L.225-88 du Code de commerce ; Art. L.227-1 du Code de commerce ; Art. L.227-10 du Code de commerce