Cass. civ. 3ème, 21 novembre 2019, n° 18-23.251, Publié au bulletin
Un diagnostic de performance énergétique erroné entraine, pour les acquéreurs d’un bien immobilier, un préjudice s’analysant en une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente.
En l’espèce, une maison d’habitation a été vendue. Consécutivement à cette vente, une expertise a révélé que le diagnostic de performance énergétique (DPE) était erroné.
Les acquéreurs ont assigné les vendeurs, le diagnostiqueur et son assureur en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés ou encore en indemnisation de leurs préjudices à raison du coût des travaux rendus nécessaires pour atteindre la performance énergétique visée au DPE erroné.
Ces derniers font grief à la cour d’appel de déclarer le diagnostiqueur responsable de la seule perte de chance tandis qu’elle relève qu’il a commis une faute dans l’accomplissement de sa mission à l’origine d’une mauvaise appréciation de la qualité énergétique du bien.
La Cour de cassation rejette le pourvoi en retenant que selon l’article L.271-4, II du Code de la construction et de l’habitation, le DPE n’ayant qu’une valeur informative à la différence des autres documents constituant le dossier de diagnostic technique. Il prévoit que « L’acquéreur ne peut se prévaloir à l’encontre du propriétaire des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique qui n’a qu’une valeur informative ».
La Haute juridiction estime dès lors que c’est à bon droit que la cour d’appel en a déduit que le préjudice subi par les acquéreurs du fait de cette information erronée consistait en une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente et non dans le coût des travaux utiles pour l’isolation.
Cette décision peut surprendre car la troisième chambre civile a pour habitude de condamner le diagnostiqueur fautif à supporter le coût des travaux. Notamment, elle a jugé le 21 mai 2014 de la certitude du préjudice résultant de la faute du diagnostiqueur dans l’accomplissement de sa mission, impliquant que le préjudice de l’acquéreur corresponde au coût des travaux de désamiantage.
D’ailleurs, cette position a été appuyée par un arrêt de chambre mixte du 8 juillet 2015 où il a été jugé que les préjudices causés par la faute d’un diagnostiqueur étaient certains et que donc, les acquéreurs devaient être indemnisés du coût des travaux de réparation des dégâts causés. En l’occurrence, il s’agissait d’un état parasitaire incomplet et la présence de termites non détectée.
Néanmoins, ici, le choix de la perte de chance semble logique à raison de l’inopposabilité (d’origine légale) du diagnostic.
Si le préjudice égal à la perte de chance de négocier une réduction du prix de vente s’apprécie logiquement vis-à-vis du montant des travaux à prévoir pour obtenir l’isolation promise, il ne peut y être égal dans la mesure où l’impact de la faute du diagnostiqueur sur la négociation ne peut être mesuré aussi précisément.
Sur le fondement de l’article L.271-4 du code précité, la jurisprudence a donc élaboré un régime de réparations qui distingue le DPE des autres diagnostics techniques.
Néanmoins, cette décision ne sera probablement plus d’actualité à raison de la réforme issue de la loi Elan du 23 novembre 2018 puisqu’à partir du 1er janvier 2021, l’article L.271-4 du Code de la construction et de l’habitation disposera que « L’acquéreur ne peut se prévaloir à l’encontre du propriétaire des recommandations accompagnant le diagnostic de performance énergétique qui n’ont qu’une valeur informative » et rendrait dès lors le reste du contenu du DPE opposable.
Enfin, le plan de rénovation énergétique des bâtiments envisagé par le législateur participera (et c’est heureux) à l’augmentation de la fiabilité des diagnostics notamment par la mise à jour et l’unification de la méthode de calcul utilisée, ainsi que par le renforcement de la formation et du contrôle des diagnostiqueurs.
Le sujet nous donnera donc encore l’occasion de rédiger des commentaires de jurisprudence.
A rapprocher : CA Grenoble, 1ère chambre civile, 12 juin 2018, n°16/01395 ; Cass. civ. 3ème, 21 Mai 2014, n°13-14.891 ; Ch. mixte, 8 juillet 2015, n°13-26.686 ; L.271-4 du Code de la construction et de l’habitation ; Loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique