Comment la rédiger ?
La clause de force majeure, laquelle peut aménager tant les conditions que les effets de la force majeure, est souvent une clause reléguée en fin d’acte et à laquelle les parties n’ont pas toujours prêté une suffisante attention lors de sa rédaction. Et pourtant, par la répartition des risques qu’elle opère, elle peut s’avérer cruciale.
Depuis la réforme du droit des contrats, la « force majeure » en matière contractuelle est définie comme « un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur » (art. 1218 al. 1 C. civ.) ; « si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations (…) » (art. 1218 al. 2 C. civ.).
Il en ressort quatre conditions, deux conditions relatives à l’événement, qui doit être en substance inévitable et imprévisible, et deux conditions relatives aux conséquences de l’événement, qui doivent être elles aussi inévitables et rendre impossible l’exécution du contrat. Quant aux effets de la force majeure, ils ne sont pas les mêmes suivant que l’impossibilité d’exécution est temporaire ou définitive : dans le premier cas, le contrat est suspendu, à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat ; dans le second, il est résolu de plein droit.
La clause de force majeure, laquelle peut aménager tant les conditions que les effets de la force majeure, est souvent une clause reléguée en fin d’acte et à laquelle les parties n’ont pas toujours prêté une suffisante attention lors de sa rédaction. Et pourtant, par la répartition des risques qu’elle opère, elle peut s’avérer cruciale.
1. Envisager l’impossibilité de recevoir le paiement de sa créance
Traditionnellement, la force majeure libère le débiteur qui est dans l’impossibilité d’exécuter l’obligation dont il est tenu des conséquences de son inexécution en obtenant l’anéantissement du contrat. La Cour de cassation a refusé, par symétrie, de libérer le créancier de l’exécution de son obligation (souvent, le paiement d’une somme d’argent) en obtenant l’anéantissement du contrat, lorsqu’il est dans l’impossibilité de recevoir le paiement de sa créance (Cass. 1ère civ., 25 nov. 2020, n°19-21060, pub. Bull. : « le créancier qui n’a pu profiter de la prestation à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat en invoquant la force majeure »). Ainsi, la partie à un contrat qui est dans l’impossibilité de bénéficier de la prestation qu’elle devait recevoir (ex. une prestation de service ne peut être reçue, en raison d’une impossibilité de se déplacer pour la recevoir) en devra néanmoins le prix.
Si les parties souhaitent retenir la solution contraire, une stipulation, précise et circonstanciée, est nécessaire.
2. Envisager le risque d’inexécution pour cas de force majeure
La crise sanitaire de la covid-19 a mis en pleine lumière la situation délicate dans laquelle (1) les obligations d’une partie au moins ne sont pas encore exigibles, (2) la possibilité d’exécuter ces obligations au terme prévu est incertaine, (3) l’exécution de ces obligations suppose en tout état de cause, malgré l’incertitude qui plane, l’accomplissement dès à présent d’actes préparatoires. » Le secteur de l’événementiel n’a que trop illustré cette hypothèse. S’il est probable qu’un salon devant se tenir dans trois mois ne pourra se tenir (par exemple, en raison d’une grave crise sanitaire), est-il raisonnable d’exiger de l’organisateur qu’il expose des frais importants si ceux-ci le sont, au moins pour partie, à fonds perdus (par exemple, des dépenses de communication) ? Si l’article 1218 n’instaure pas un mécanisme d’« exception de risque de force majeure », on sait que l’article 1220 prévoit un mécanisme d’« exception de risque d’inexécution », qui pourrait être invoqué à profit, dans notre exemple, par un exposant du salon pour refuser de payer ce qu’il doit. Là encore, la recherche d’une solution équilibrée suppose que cette question soit envisagée par les parties.
3. Réputer des cas de force majeure qui n’en sont pas (ou inversement) ?
Il n’existe pas de manière absolue des événements (phénomène climatique, maladie, etc.) qui sont ou ne sont pas des cas de force majeure. Tout dépend des circonstances de fait et des obligations contractuelles en cause.
Parce que la qualification d’un événement en cas de force majeure, par le juge, a posteriori, est source d’une certaine insécurité, il peut être opportun de « réputer » (le terme est important : si les parties peuvent réputer certains cas comme étant de force majeure, elles ne peuvent elles-mêmes les qualifier comme tels, la qualification étant de l’office du juge) certains événements comme étant ou n’étant pas des cas de force majeure.
Les parties auront pris le soin d’établir une liste circonstanciée et raisonnée (réputer une « épidémie » comme étant un cas de force majeure apparaît aujourd’hui très insuffisant : quoi de commun entre une épidémie de grippe et l’épidémie de la covid-19 ?) On observera que si la liste est favorable au débiteur, il faudra veiller à ce qu’elle ne le soit pas excessivement et vide ainsi de leur substance ses obligations (art. 1170 C. civ.) et que, inversement, si elle est favorable au créancier, le débiteur sera en quelque sorte tenu d’obligations de garantie, puisqu’il ne répondra pas des seules inexécutions qui lui sont imputables…
4. Préciser le caractère temporaire ou définitif de l’empêchement
On sait que les effets de la force majeure ne sont pas les mêmes suivant que l’empêchement est temporaire ou définitif (art. 1218 al. 2 C. civ.) : le contrat est en principe suspendu dans le premier cas et résolu dans le second. Pourtant, il n’est pas toujours aisé de distinguer l’empêchement temporaire de l’empêchement définitif, dès lors que dans la plupart des cas l’exécution du contrat sera un jour possible… Sans rentrer ici dans les détails, deux variables devraient être prises en compte : les facultés du débiteur à reporter l’exécution de sa prestation, mais aussi et surtout l’utilité que conserverait pour le créancier une exécution tardive : l’empêchement ne devrait être considéré comme temporaire que si et seulement si l’exécution de la prestation présente encore une utilité pour le créancier au moment où l’empêchement a cessé et si le débiteur est encore en mesure de s’exécuter, compte tenu des contraintes qui pèsent sur lui.
Compte tenu de ces incertitudes, une fois encore, les parties auront intérêt à stipuler, notamment en précisant si le moment prévu pour l’exécution est ou non de rigueur.
5. Aménager les restitutions en cas de résolution
Au cas où le contrat serait résolu, il conviendrait de procéder aux restitutions, dans les conditions prévues aux articles 1352 et suivants du Code civil. Ces règles sont-elles adaptées ? Tout dépend évidemment des circonstances. Mais on peut dire que lorsque le contrat dont la conclusion est envisagée s’inscrit dans une opération complexe dans laquelle plusieurs contrats sont imbriqués et plusieurs personnes impliquées, il convient de s’interroger avec une particulière attention sur les éventuelles restitutions consécutives à une résolution pour force majeure de ce contrat, lesquelles peuvent avoir des conséquences au regard des autres contrats.