CA Versailles, 3 décembre 2020, n°19/01184
La nullité d’un contrat de franchise pour dol du fait de la défaillance du franchiseur à son devoir d’information précontractuelle suppose la démonstration de deux éléments cumulatifs : l’existence de manœuvres et l’intention de tromper son co-contractant.
Les époux M envisagent l’ouverture d’une boulangerie sous l’enseigne H. La société C, à la tête du réseau de franchise de boulangerie exploité sous l’enseigne H, remet ainsi un document d’information précontractuelle aux époux M et un contrat de franchise est ensuite signé entre les parties.
Deux ans après la signature du contrat de franchise, les époux M assignent la société C et sollicitent la nullité du contrat pour dol, invoquant avoir été victimes d’un défaut d’information précontractuelle de la part du franchiseur.
En première instance, le tribunal fait droit à la demande des époux. Le franchiseur interjette alors appel du jugement et demande à la Cour de dire et juger que le contrat de franchise n’est ni caduc, ni nul. De leur côté, les époux M forment un appel incident et demandent à la Cour de prononcer la nullité du contrat pour dol en raison de la violation par le franchiseur des exigences qui s’imposent en matière d’information précontractuelle, et particulièrement au titre, d’une part, de l’absence de présentation de l’état du marché local et, d’autre part, de la présentation d’un dossier prévisionnel fantaisiste.
S’agissant de l’absence de présentation de l’état du marché local, les juges du fond rappellent que « le manquement à une information précontractuelle d’information ne peut suffire à caractériser le dol par réticence si ne s’y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d’une erreur déterminante provoquée par celui-ci ». En l’espèce, les juges du fond retiennent que les époux M se contentent de soulever le défaut d’information, mais sans préciser en quoi ce défaut d’information a eu pour objet de les tromper et de les amener à contracter.
Les juges du fond constatent ainsi que le DIP ne contient pas d’information sur le marché local – le franchiseur a donc bien manqué à son devoir – mais pour autant ils relèvent que les époux M ne démontrent pas que ce défaut les aurait induits en erreur, ni qu’ils n’auraient pas contracté s’ils avaient disposé d’une telle information.
Par ailleurs, les juges du fond relèvent que les époux M ne justifient pas de leur côté avoir réalisé une étude de marché socio-économique, ce qui leur aurait pourtant permis de prendre connaissance des spécificités du marché local. Les époux M ont donc été défaillants dans leur devoir de se renseigner.
Les juges du fond en déduisent donc qu’il n’est pas établi que le défaut de présentation du marché local par le franchiseur dans le DIP ait été déterminant dans la décision prise par les époux M de conclure le contrat de franchise.
S’agissant du dossier prévisionnel prétendument fantaisiste, selon les intimés, présenté par le franchiseur, les juges du fond retiennent que le franchiseur n’a pas remis un « compte prévisionnel » mais un tableau intitulé « hypothèses » adressé par un mail intitulé « premier jet de prévisionnel ».
Ils considèrent ainsi que l’intitulé du document et du mail suffit à démontrer qu’il ne peut en aucun cas s’agir d’un véritable budget prévisionnel.
Par ailleurs, ils relèvent que les différentes hypothèses de chiffres d’affaires présentées par le franchiseur dans son tableau intitulé « hypothèses » (celui-ci contenant en effet des chiffres d’affaires retenus en hypothèses basse, moyenne, et haute) sont toutes inférieures aux chiffres d’affaires figurant dans un document intitulé « document prévisionnel », produit par les époux M, et dont il n’est pas contesté qu’il n’a pas été réalisé par le franchiseur.
Ainsi, la seule fourniture par le franchiseur d’un document intitulé « hypothèses » est insuffisant pour retenir un défaut de fourniture d’une information sincère et loyale et établir que sans la remise de ce document les époux M n’auraient pas contracté.
Il est donc rappelé, au travers de cette décision, que le seul fait pour le franchiseur d’être défaillant dans l’information précontractuelle délivrée, ne permet pas de ce seul fait pour le franchisé d’obtenir la nullité du contrat de franchise pour dol.
A rapprocher : Cass. com., 14 juin 2005, n°04-13.947 et n°04-13.948