Le contrat de franchise répond à une double logique – d’ordre juridique et économique –, qui en fait le contrat de distribution le plus abouti. Logique juridique, qui résulte de ses caractères propres et des aménagements contractuels dont il peut faire l’objet (I). Logique économique, qui en fait un outil de développement résolument orienté vers le profit du franchiseur et du franchisé (II).
I. Caractéristiques juridiques de contrat de franchise
I.1. Caractères du contrat de franchise – Le contrat de franchise est une convention par laquelle une partie (le franchiseur) transmet à une autre partie (le franchisé) :
Tels sont les trois caractères dont la réunion permet la qualification de contrat de franchise. Et tout contrat qui ne permettrait pas la transmission de ces trois éléments (savoir-faire, assistance et signes distinctifs) ne pourrait être valablement qualifié de contrat de franchise.
Savoir-faire : le savoir-faire constitue le premier élément caractéristique du contrat de franchise. Le savoir- fait l’objet – contrairement à une idée trop souvent répandue – d’une définition propre, autonome ; en effet, il ne s’agit pas du savoir-faire au sens courant du terme, au sens que le dictionnaire de la langue française lui attribue. En définitive, le « savoir-faire » (au sens juridique du terme donc) est un ensemble d'informations pratiques non brevetées devant nécessairement regrouper trois critères : « secret », « substantiel » et « identifié ». Issue de l’article 1 g°) du règlement n°330/2010 du 20 avril 2010 relatif aux restrictions verticales, la réunion de ces trois critères est régulièrement exigée par la Cour de cassation dans les quelques occasions où la Haute juridiction envisage de définir ce type de contrat (v. par ex. : Cass. com., 8 juin 2017, n°15-22.318). Cette jurisprudence est constante et l’exigence du cumul de ces trois critères n’est remise en cause, ni par les juridictions du fond, ni par la doctrine. Que faut-il alors entendre – concrètement – par « secret », « substantiel » et « identifié » ?
L’article 1 g°) précité définit le terme « substantiel » en ces termes : « se réfère au savoir-faire qui est significatif et utile à l'acheteur aux fins de l'utilisation, de la vente ou de la revente des biens ou des services contractuels » ; de prime abord, le terme de substantiel peut avoir un sens équivoque : il suggère tout d’abord une substantialité quantitative – quoique la définition qu’en donne le texte ne l’indique pas – ; il vise aussi et surtout substantialité qualitative, soulignée par l’expression « utile à l’acheteur ». Sous l’angle de ce critère, la transmission du savoir-faire s’apprécie donc par l’avantage concurrentiel qu’elle confère à son bénéficiaire, le franchisé, ce qui doit pouvoir se traduire par une augmentation de son chiffre d’affaires et/ou de sa marge. Il n’est donc pas étonnant que l’exigence de ce critère soit fréquemment rappelée par la Cour de cassation (Cass. com., 10 mai 1994, n°92-15.834) ; lorsque ce critère fait défaut, il ne peut s’agir de savoir-faire au sens juridique du terme et, partant, le contrat considéré ne peut entrer dans la catégorie de contrat de franchise.
L’article 1 g°) précité définit également le terme « secret » : « signifie que le savoir-faire n'est pas généralement connu ou facilement accessible ». Ce critère est décisif car il revient à exiger que le savoir-faire apporte au franchisé un enseignement supplémentaire par rapport aux règles de l’art. Dit autrement, l’accumulation (même prolifique) de méthodes facilement accessible ne saurait répondre à ce critère. Il n’est donc pas étonnant que l’exigence de ce critère soit également rappelée par la Cour de cassation (Cass. com., 10 mai 1994, n°92-15.834) ; ici encore, lorsque ce critère fait défaut, il ne peut s’agir de savoir-faire au sens juridique du terme et, partant, le contrat considéré ne peut entrer dans la catégorie de contrat de franchise.
L’article 1 g°) précité définit enfin le terme « identifié » : « signifie que le savoir-faire est décrit d'une façon suffisamment complète pour permettre de vérifier s'il remplit les conditions de secret et de substantialité » ; il s’agit donc moins d’un critère à part entière que d’une exigence tendant à vérifier la réunion des critères de substantialité et de secret. En pratique, les franchiseurs prennent donc le soin d’établir une bible du savoir-faire (ou manuel opératoire) dont la fonction est double : au plan opérationnel, permettre la transmission du savoir-faire, ce qui explique que cette bible soit rendue accessible au franchisé dès la signature du contrat de franchise ; au plan juridique aussi, pour justifier du caractère « identifié » du savoir-faire et, à travers lui, de ses caractères « secret » et substantiel ».
On le voit, l’exigence d’un savoir-faire (au sens juridique, qui vient d’être rappelé) impose la conjugaison de deux critères essentiels : il doit être secret et substantiel. On mesure alors la différence qui peut séparer cette définition juridique de celle du langage courant. On mesure aussi le danger qui consisterait à qualifier de contrat de franchise un contrat qui, en réalité, ne transmettrait pas à son bénéficiaire, le franchisé, de véritable savoir-faire ; dans cette hypothèse, en effet, le contrat qualifié de franchise peut faire l’objet d’une action en nullité, imposant le retour au statu quo ante, c’est-à-dire à la restitution par le franchiseur du droit d’entrée et des redevances de franchise (encore que nous préconisions des conséquences plus nuancées). Au regard de ce risque, certains réseaux craignent de ne pouvoir justifier de méthode répondant à l’exigence d’un savoir-faire « secret », « substantiel » et « identifié », et préfèrent alors recourir à des contrats ne transmettant pas un tel savoir-faire ; le contrat qui en constitue le support est alors le plus souvent qualifié de contrat de partenariat ; d’autres qualifications sont naturellement possibles.
La transmission du savoir-faire implique, d’une part, l’accès à une bible du savoir-faire et, d’autre part, l’obligation pour le franchiseur de procéder à une formation initiale du franchisé (et parfois de certains membres de son équipe), à laquelle ce dernier est tenu de participer.
La mise en œuvre du savoir-faire par le franchisé est elle-même liée à l’obligation d’assistance, autre obligation essentielle du contrat de franchise, qui en est le prolongement naturel.
Assistance : l’assistance constitue un autre élément caractéristique du contrat de franchise. Les lignes directrices sur les restrictions verticales indiquent : « le franchiseur fournit normalement au franchisé, pendant la période d'application de l'accord, une assistance commerciale ou technique ». L’assistance technique et commerciale découle directement de l’obligation de transmettre le savoir-faire : une fois ce savoir-faire originel transmis, le franchiseur doit aider le franchisé à le mettre en œuvre. En pratique, le franchiseur transmet au franchisé une assistance dite « initiale », puis une assistante dite « continue ». L’assistance initiale démarre le plus souvent dans les jours qui précédent le démarrage de l’activité, pour se terminer quelques jours après. La durée de cette assistance initiale est habituellement précisée par le contrat de franchise. L’assistance continue a lieu pendant toute la durée du contrat de franchise ; elle se traduit de différentes manières : visites régulières programmées, visite de clients mystères, échanges organisés ou informels, transmission d’informations sur les produits et/ou services, sur le marché et ses évolutions, préconisations des services de l’animation du franchiseur, aide à la prospection, à la publicité, à la PLV, etc.
La responsabilité du franchiseur ne saurait être engagée du seul fait que l’assistance qu’il a apportée au franchisé n’a pas entraîné la réussite de ce dernier : l’obligation d’assistance du franchiseur n’est que de moyens.
Signes distinctifs : la transmission de signes distinctifs (enseigne, marque) constitue le troisième et dernier élément caractéristique du contrat de franchise. Afin de remplir son obligation de transmettre au franchisé des droits sur les signes distinctifs, le franchiseur doit être titulaire de droits exclusifs sur la marque, c’est-à-dire propriétaire originaire, cessionnaire ou licencié exclusif.
I.2. Aménagements du contrat de franchise – La réunion des trois caractères qui viennent d’être évoqués qualifie un contrat de franchise.
Toutefois, en pratique, l’efficacité de la relation franchiseur-franchisé commande d’enrichir le contrat de franchise d’un grand nombre de dispositions qui définissent les droits et obligations respectives des parties. Ce faisant, les aménagements contractuels peuvent être nombreux.
Voir, plus généralement, sur le contrat de franchise, F.-L. Simon, Théorie et Pratique du droit de la Franchise (Ed. Joly - Février 2009) et, en particulier :
II. Caractéristiques économiques du contrat de franchise
II.1. Au bénéfice du franchisé – Le franchisé tire le bénéfice de son contrat de franchise par les services offerts par le franchiseur, le gain qu’il réalise dans son approvisionnement, l’augmentation de son chiffre d’affaires du fait de l’appétence de la marque et de l’efficacité conférée par le savoir-faire et, le cas échéant, le développement de plusieurs unités franchisés.
Achats : La centrale d’achats ou de référencement a vocation à permettre au franchisé de bénéficier de prix d’achats plus attractifs que ceux dont il aurait bénéficié s’il n’avait pas appartenu au réseau. Dans l’hypothèse d’une centrale d’achats, le franchisé règle ses achats en produits et/ou services entre les mains du franchiseur ; dans l’hypothèse d’une centrale de référencement, le franchisé règle ses achats en produits et/ou services entre les mains des fournisseurs référencés.
CA et marge : La notoriété de la marque et l’efficacité conférée par le savoir-faire ont pour effet d’augmenter le CA et/ou la marge du franchisé.
Multi-franchise : La Multi-franchise désigne la situation selon laquelle un acteur, appelé multi-franchisé, dirige plusieurs franchises sous la même enseigne. Le plus souvent, l’attribution par le franchiseur de plusieurs points de vente au multi-franchisé est progressive : généralement, le franchiseur et le franchisé apprécient leurs qualités respectives à travers l’expérience acquise pour l’exploitation d’un premier point de vente ; en particulier, le franchiseur apprécie à ce stade l’aptitude du franchisé à pouvoir respecter son concept et son savoir-faire et, le cas échéant, décide de poursuivre son développement avec ce franchisé, qui devient alors multi-franchisé. Certains réseaux demandent un droit d’entrée réduit (voire n’en demandent pas) pour l’ouverture d’un nouveau point de vente.
II.2. Au bénéfice du franchiseur – Le franchiseur tire sa rémunération de trois sources : le droit d’entrée, la redevance de franchise, les achats réalisés par le franchisé.
Droit d’entrée : le droit d’entrée permet au franchiseur de financer le développement. Il est donc traditionnellement calculé par celui-ci en considération des différents frais qu’il engage pour permettre le développement pérenne du réseau ; le droit d’entrée peut donc permettre de couvrir les frais suivants : la conception de la marque, le transfert du savoir-faire, la formation initiale, l’assistance à l’installation, l’assistance à l’aménagement du local, l’assistance à l’ouverture, la sélection de nouveaux candidats. En pratique, ce montant est de l’ordre de 10.000 € pour les activités de services et de distribution ; il peut atteindre plus de 50.000 € pour une activité de restauration rapide. Ce montant est généralement identique pour les franchisés d’un même réseau. Il arrive toutefois qu’il soit diminué en présence de « multi-franchisés ». En présence d’un renouvellement du contrat, l’usage le plus fréquent veut qu’aucun droit d’entrée ne soit demandé, mais il arrive, en particulier dans les réseaux en croissance, qu’une clause de droits d’entrées successifs soit prévue. Il ne peut jamais être réclamé à la remise du DIP ; l’usage veut que le droit d’entrée soit payé en une fois, à la signature du contrat voire au démarrage de l’activité ; il peut aussi être payé en plusieurs fois, par exemple une partie à la signature du contrat, une partie à l'entrée en formation initiale, et le solde à l'ouverture du point de vente. En cas de signature d’un contrat de réservation, une partie du droit d’entrée pourra être payée 20 jours après la remise du DIP, à la signature du contrat de réservation. Le montant du droit d’entrée constitue un produit d'exploitation et relève du champ d'application de la TVA. Le droit d’entrée a vocation à augmenter au fur et à mesure que la taille du réseau augmente.
Redevance de franchise : Les redevances, parfois désignées « royalties », sont les sommes versées à un rythme régulier (par exemple une fois par mois) par le franchisé au franchiseur, en contrepartie des prestations rendues tout au long de la durée du contrat de franchise (droit d’utiliser le savoir-faire, droit d’utiliser la marque, l’assistance, etc.). Le plus souvent assise sur le chiffre d’affaires du CA, la redevance peut également être assise sur d’autres critères (nombre de chambres, dans le cas de l’hôtellerie, par exemple) ou être fixe. La redevance de franchise a vocation à augmenter au fur et à mesure que la taille du réseau augmente.
Achats : Le franchiseur perçoit enfin une rémunération par suite des achats réalisés par ses franchisés. La « centrale d’achats » est une forme de regroupement à l’achat qui, pour le franchiseur, vise à approvisionner les franchisés en acquérant elle-même, en amont, les produits auprès des fournisseurs, profitant ainsi en principe du volume engendré par les achats des adhérents pour obtenir des prix plus avantageux que ceux obtenus par un adhérent isolé. La rémunération de la centrale d’achats peut prendre différentes formes, mais elle est généralement constituée au moins pour partie de la marge réalisée par la centrale d’achats lors de la revente des produits à ses adhérents. Le recours à ce système implique pour le franchiseur de prendre garde à deux points essentiels. Primo, en constituant une véritable centrale d’achats, le franchiseur engage des frais parfois lourds (salariés dédiés aux achats, entrepôts, gestion du stock, etc.). Deuxio, le franchiseur doit veiller à gérer les délais de paiement accordés aux franchisés et à eux négociés avec les fournisseurs, si possible, pour ne pas augmenter dangereusement son BFR. Ces inconvénients peuvent conduire le franchiseur à préférer le recours une « centrale de référencement », qui a pour objet la sélection des fournisseurs et la négociation des conditions d’achats de ses franchisés auprès des fournisseurs sélectionnés. La centrale de référencement se charge de dresser simplement une liste de fournisseurs intéressants et la transmet aux franchisés. Pour être référencés dans cette liste, les fournisseurs doivent proposer aux franchisés des prix et des conditions particulièrement avantageux qu'ils s'engagent à respecter pendant la durée du contrat de référencement conclu avec la centrale. La centrale de référencement peut être chargée de missions complémentaires, comme la perception et la redistribution des réductions de prix, mais n’est généralement pas impliquée dans le processus d’achat des membres du réseau qui est en principe réalisé directement par les adhérents auprès des fournisseurs. Ici, le BFR est bien plus réduit. Dans les deux cas – centrale de référencement ou centrale d’achats – le franchiseur a vocation à dégager un profit. La compétitivité des tarifs de la centrale a vocation à être optimisée au fur et à mesure que la taille du réseau augmente.
Synonyme(s) :
Antonyme(s) :