L’application du droit français est retenu comme résultant des précisions apportées dans les CGV, la Cour relaye en second rang l’application qu’elle fait des dispositions supplétives de l’article 4 de la Convention de Rome.
A l’occasion de son développement en Egypte, la société Lactalis (groupe laitier français) a confié à la société Soudanco l’importation et la distribution des produits de la marque française Bridel ; les relations commerciales, commencées courant 1996, se sont poursuivies pendant 12 ans sans donner lieu à l’établissement d’un contrat écrit. Le 12 mai 2008, la société Lactalis a informé son partenaire de ce que les produits Bridel seraient distribués par sa filiale à compter de la fin du mois de mai 2008.
La société Soudanco a demandé à la société Lactalis, au titre de la rupture abusive des relations commerciales, la somme de 800 000 euros à titre de dommages et intérêts. La société Soudanco a assigné la société Lactalis devant le Tribunal de commerce de Créteil aux fins d’obtenir sa condamnation au paiement de dommages et intérêts pour rupture brutale et abusive.
Par jugement du 18 janvier 2011, le Tribunal de commerce de Créteil a dit la loi française applicable et qu’il statuerait en faisant application de l’article L.442-6 du code de commerce ; il devait alors condamner les deux sociétés et ordonner la compensation entre lesdites condamnations.
La société Soudanco formait appel de cette décision tout en sollicitant la confirmation du jugement, notamment en ce qu’il avait dit la loi française applicable au litige. A ce titre, la société Soudanco faisait successivement valoir, en premier lieu, que la loi de police du for s’impose au juge quelle que soit la loi applicable ; et il vrai que la Convention de Rome à laquelle la France est partie énonce en son article 7 que « Les dispositions de la présente convention ne pourront porter atteinte à l’application des règles de la loi du pays du juge qui régissent impérativement la situation quelle que soit la loi applicable » ; elle ajoutait, en deuxième lieu, que seule la loi française pouvait régir le présent litige, porté devant les juridictions françaises, étant donné que son action était fondée sur une loi de police, l’article L.442-6 du Code de commerce et, enfin, au surplus, que le contrat présentait les liens les plus étroits avec la France.
En revanche, la société Lactalis concluait de son côté à l’infirmation du jugement entrepris du chef du droit applicable, pour voir dire et juger qu’en application de la règle de droit international privé, le droit applicable à la solution du litige était le droit égyptien.
Dans ses conclusions d’appel, elle faisait essentiellement valoir, non sans une certaine finesse, que « le fait de rompre brutalement une relation commerciale établie engage la responsabilité délictuelle de son auteur et qu’il doit être fait application des règles de droit du territoire sur lequel la rupture de la relation a produit ses effets, principe auquel il ne peut être dérogé qu’à la condition de démontrer l’existence d’un lien suffisant entre le préjudice allégué et l’exécution des relations commerciales avec le territoire français ».
Par l’arrêt commenté, la Cour d’appel de Paris confirme le jugement dont appel aux motifs que :
– « l’article 4 de la Convention de Rome dispose « Dans la mesure où la loi applicable au contrat n’a pas été choisie conformément aux dispositions de l’article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits » ;
– « de tels liens existent avec le pays où le débiteur qui doit la prestation a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle » ;
– « à l’occasion d’un contrat de distribution, la prestation caractéristique du contrat est la distribution du produit » ;
– « en l’espèce, la distribution a porté sur des produits Bridel, marque française dont la distribution a été réalisée par la société Lactalis, société ayant son siège social en France de sorte que les relations contractuelles présentent les liens les plus étroits avec la France ; qu’au surplus il résulte de l’article VII des conditions générales de vente figurant au verso des factures établies par la société Lactalis qu’en cas de litige, seule la loi française est applicable ».
On le voit, la solution est doublement motivée.
La précision, résultant en l’espèce des conditions générales de vente, que la loi française était seule applicable constitue assurément le fondement premier de cette décision, que la Cour relaye volontairement en second rang, comme pour mieux mettre en valeur, par voie d’obiter dictum, l’application qu’elle fait, à juste titre selon nous, des dispositions supplétives de l’article 4 de la Convention de Rome.