L’apposition d’un signe sur des produits mis en vente en France de nature à faire croire, s’ils sont étrangers, qu’ils ont été fabriqués en France ou qu’ils ont une origine française, n’est pas autorisée.
Une société chinoise a déposé une demande d’enregistrement portant sur une marque verbale « Beauvillon PARIS » pour désigner des produits relevant des classes 3, 18, 24 et 25. Le directeur de l’INPI a notifié une objection fondée sur le fait que la marque appliquée notamment aux produits suivants : « parfumerie, cosmétiques, cuir et imitations du cuir, peaux d’animaux ; malles et valises, parapluies, parasols et cannes, tissus et produits textiles, à savoir : linge de bain à l’exception de l’habillement, linge de lit, linge de maison, linge de table, couvertures de voyage, couvertures de lit et de tables, vêtements, chaussures, chapellerie », était de nature à tromper le public. Il proposait en conséquence de préciser le libellé de certains produits en ajoutant la mention « tous ces produits étant fabriqués en France ». La société déposante refusa de modifier le libellé de son dépôt comme le lui suggérait le directeur de l’INPI, ce qui conduit au rejet de la demande d’enregistrement.
Un recours était donc formé devant la Cour d’appel de Paris à l’encontre de cette décision aux motifs qu’elle n’indiquait pas en quoi Paris est réputée pour chacun des produits visés dans le libellé, qu’il n’est pas établi que les titulaires des 8000 marques qui incluent le nom de Paris fasse fabriquer leurs produits à Paris, que la restriction ainsi imposée apparaît discriminatoire et dépourvue d’objectivité, que de nombreuses marques incluant le nom de Paris ont été déposées depuis son dépôt sans que les critères de distinction fondant le rejet ou l’acceptation de telles demandes d’enregistrement soient expliqués, que de nombreux produits comportant le terme « Paris » ne sont pas fabriqués à Paris ni même en France.
Le déposant soutenait également que le risque de tromperie qui lui est opposé par le Directeur de l’INPI doit s’appliquer à tous les déposants qui sollicitent l’enregistrement de signes comportant le mot « Paris » et qu’en réalité la véritable motivation de la décision est moins la protection du public au regard d’une mention pouvant induire en erreur quant à l’origine des produits qu’un protectionnisme économique non assumé.
Par cet arrêt du 21 décembre 2012, la Cour approuve la décision qui lui est soumise.
La Cour affirme que la décision critiquée a, à bon droit, visé les dispositions de l’article L711-3 c) CPI selon lequel ne peut être adopté comme marque un signe « de nature à tromper le public notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ».
La Cour revient ensuite sur la fonction essentielle de la marque de garantir l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque et rajoute, de façon inédite, « au point d’assurer à ce consommateur que les produits revêtus de la marque ont été fabriqués par une entreprise déterminée qui garantira l’origine et les valeurs intrinsèques des produits commercialisés » : il s’agit d’une référence explicite à la garantie de qualité que, pourtant, on refuse d’attribuer aux marques.
Selon la Cour, il ressort de la présentation globale du signe en cause que la mention « Paris » constitue l’information destinée au consommateur lui permettant de déduire que la marque Beauvillon sert à désigner des produits fabriqués à Paris, ou par extension en France, et l’association que fera le consommateur est d’autant plus évidente que le signe à consonance française désigne des produits qui relève de la tradition française.
La Cour approuve également la décision qui lui est soumise en ce qu’elle a visé l’article L.217-6 du Code de la consommation lequel prohibe l’apposition d’un signe sur des produits mis en vente en France de nature à faire croire, s’ils sont étrangers, qu’ils ont été fabriqués en France ou qu’ils ont une origine française.
Selon la Cour cette disposition interdit à une société chinoise d’apposer sur les produits qu’elle vend en France une marque laissant croire au consommateur que les produits sont fabriqués en France de sorte que ne pas exiger qu’elle complète le libellé par la mention « tous ces produits étant fabriqués en France » reviendrait à l’encourager à commettre une infraction pénale ou à l’absoudre d’en avoir commis une.
Cette décision est peut-être un tournant en droit des marques, on attendra donc avec impatience la position que prendra la Cour de cassation éclairant ainsi les praticiens sur les conséquences de la mention d’un nom géographique dans une marque.