Les décisions ayant trait à un accord de coexistence entre des marques sont rares. Cet arrêt nous donne l’occasion d’envisager les effets inattendus qu’il est susceptible de produire.
Les décisions ayant trait à un accord de coexistence entre des marques sont rares ; aussi, cet arrêt nous donne l’occasion d’envisager les effets inattendus qu’il est susceptible de produire.
Dans cette affaire, deux sociétés avaient conclu un accord de coexistence visant certains pays asiatiques. L’une des contractantes était titulaire d’une marque figurative représentant un crocodile la tête tournée à droite, l’autre contractante étant titulaire d’une marque à Singapour représentant un crocodile mais la tête tournée à gauche. La première société déposa ultérieurement des marques figuratives représentant un crocodile la tête tournée à gauche puis, formula une demande d’extension internationale visant la Chine qui fut refusée. Elle procéda sans autre discussion après la demande qui lui avait été formulée par la société cocontractante de l’accord de coexistence, à la radiation de deux des marques ainsi déposées.
En dépit de cette radiation, sa partenaire contractuelle engagea malgré tout une action en responsabilité en raison des dépôts considérés comme frauduleux outre une demande de dommages-intérêts. Le Tribunal considéra que les dépôts avaient été frauduleusement effectués, son analyse est approuvée par la Cour d’appel dans l’arrêt commenté.
En premier lieu, la cour admet que la demanderesse avait, en dépit de la radiation des marques, un intérêt à agir à raison des dépôts qu’elle considérait comme frauduleux, la fraude alléguée lui permettant en effet d’agir en responsabilité.
Quant à l’incidence de la radiation des marques, la Cour la juge sans influence sur le caractère frauduleux en raison de la connaissance par la déposante des marques de la demanderesse ; toutefois, la demande tendant à voir annuler le dépôt frauduleux est sans objet.
Enfin, la Cour approuve l’argument soulevé en défense selon lequel l’accord de coexistence ne s’appliquait pas à la France et se limitait à cinq pays asiatiques. Pour autant, cet accord de coexistence n’est pas sans incidence pour la Cour qui souligne que, bien que dépourvu d’effet sur le litige, il est un fait juridique caractérisant l’existence de négociations prolongées et abouties entre deux sociétés concurrentes qui ne pouvaient ignorer les marques de chacune.
Sans faire application dudit accord, le Tribunal a par conséquent justement décidé que la déposante avait commis une fraude pour se constituer en Chine une antériorité opposable. L’accord de coexistence, bien que non applicable, n’est donc pas totalement dépourvu d’effets.