Dans cette affaire, l’examen des faits et des pièces a conduit la Cour d’appel de Paris à considérer que la rupture brutale des relations était établie sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.
En l’espèce, quatre célèbres sociétés de parfums fabriquent et vendent du parfum par l’intermédiaire d’un réseau de distribution sélective et sont à ce titre en relation avec la société N.P., distributeur agréé. Les parties étaient en relations depuis de nombreuses années et, aux termes des différents contrats qui les liaient, la société N.P. était tenue de ne vendre les produits qu’à des consommateurs directs et sur son point de vente agréé exclusivement et les ventes aux comités d’entreprises étaient soumises au respect de conditions particulières.
Le distributeur souhaite créer un site internet pour vendre ses articles en ligne et, conformément à ses obligations contractuelles, il demande l’agrément de ses partenaires mais aucune réponse ne lui est apportée ; il reçoit en revanche des courriers rédigés en termes identiques de la part de chacun des parfumeurs, pour lui indiquer qu’ils résilient leurs contrats en raison des différents manquements commis par le distributeur à ses obligations contractuelles (ventes réalisées hors du point de vente agréé, ventes par correspondance et à des comités d’entreprises ne respectant pas les termes des contrats). Les parfumeurs se fondaient sur différents procès-verbaux.
Le distributeur a assigné ses partenaires, soulevant le caractère anticoncurrentiel de leur refus et la rupture brutale et abusive de leurs relations. La Cour d’appel revient sur la position des premiers juges. Le silence gardé par les parfumeurs suite à la réception de la maquette du site du distributeur équivaut à un refus d’autorisation.
Or, dans le cadre d’un système de distribution sélective, de tels refus ayant pour conséquence l’interdiction d’utiliser Internet pour les ventes de produits constituent des pratiques restrictives de concurrence par objet au sens des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce, ces interdictions n’étant pas justifiées eu égard aux propriétés des produits en cause (aucune demande indemnitaire n’est cependant demandée par le distributeur sur ce fondement). Les juges du fond relèvent ensuite que les constats d’huissier avaient en réalité été effectués, non pas par un huissier, mais par une tierce personne, laquelle s’est faussement présentée comme un acheteur, ce qui constitue une provocation à enfreindre les contrats de distribution sélective et, par conséquent, une manœuvre déloyale.
Les constats étant ainsi écartés, aucune pièce ne permet de justifier la résiliation des contrats intervenue sans préavis : la rupture brutale des relations est donc établie sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce. Le distributeur a ainsi été indemnisé en raison du préjudice subi mais les juges du fond n’ont pas ordonné sa réintégration au sein des réseaux de distribution des parfumeurs, considérant « qu’il appartient au fabricant d’apprécier, au cas par cas, si les critères de sélection sont satisfaits par le postulant, au regard de critères diversifiés ».