Procédés déloyaux utilisés pour justifier la rupture de relations commerciales – CA Paris, 27 juin 2012, RG n°10/04245

TOUSSAINT-DAVID Gaëlle

Avocat

Dans cette affaire, l’examen des faits et des pièces a conduit la Cour d’appel de Paris à considérer que la rupture brutale des relations était établie sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.

En l’espèce, quatre célèbres sociétés de parfums fabriquent et vendent du parfum par l’intermédiaire d’un réseau de distribution sélective et sont à ce titre en relation avec la société N.P., distributeur agréé. Les parties étaient en relations depuis de nombreuses années et, aux termes des différents contrats qui les liaient, la société N.P. était tenue de ne vendre les produits qu’à des consommateurs directs et sur son point de vente agréé exclusivement et les ventes aux comités d’entreprises étaient soumises au respect de conditions particulières.

Le distributeur souhaite créer un site internet pour vendre ses articles en ligne et, conformément à ses obligations contractuelles, il demande l’agrément de ses partenaires mais aucune réponse ne lui est apportée ; il reçoit en revanche des courriers rédigés en termes identiques de la part de chacun des parfumeurs, pour lui indiquer qu’ils résilient leurs contrats en raison des différents manquements commis par le distributeur à ses obligations contractuelles (ventes réalisées hors du point de vente agréé, ventes par correspondance et à des comités d’entreprises ne respectant pas les termes des contrats). Les parfumeurs se fondaient sur différents procès-verbaux.

Le distributeur a assigné ses partenaires, soulevant le caractère anticoncurrentiel de leur refus et la rupture brutale et abusive de leurs relations. La Cour d’appel revient sur la position des premiers juges. Le silence gardé par les parfumeurs suite à la réception de la maquette du site du distributeur équivaut à un refus d’autorisation.

Or, dans le cadre d’un système de distribution sélective, de tels refus ayant pour conséquence l’interdiction d’utiliser Internet pour les ventes de produits constituent des pratiques restrictives de concurrence par objet au sens des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce, ces interdictions n’étant pas justifiées eu égard aux propriétés des produits en cause (aucune demande indemnitaire n’est cependant demandée par le distributeur sur ce fondement). Les juges du fond relèvent ensuite que les constats d’huissier avaient en réalité été effectués, non pas par un huissier, mais par une tierce personne, laquelle s’est faussement présentée comme un acheteur, ce qui constitue une provocation à enfreindre les contrats de distribution sélective et, par conséquent, une manœuvre déloyale.

Les constats étant ainsi écartés, aucune pièce ne permet de justifier la résiliation des contrats intervenue sans préavis : la rupture brutale des relations est donc établie sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce. Le distributeur a ainsi été indemnisé en raison du préjudice subi mais les juges du fond n’ont pas ordonné sa réintégration au sein des réseaux de distribution des parfumeurs, considérant « qu’il appartient au fabricant d’apprécier, au cas par cas, si les critères de sélection sont satisfaits par le postulant, au regard de critères diversifiés ».


Sommaire

Autres articles

some
Black Friday : les 3 règles indispensables à respecter en matière tarifaire
Black Friday : les 3 règles indispensables à respecter en matière tarifaire Le « Black Friday » (ou « vendredi noir » en français) est une tradition venant des Etats-Unis qui est pratiquée en France depuis quelques années. Il s’agit d’une journée (le dernier…
some
La résiliation en trois clics c’est désormais possible !
La résiliation en trois clics c’est désormais possible ! Ce qu’il faut retenir : Afin de respecter les exigences de la réglementation relative à la résiliation en trois clics et ainsi, éviter toute sanction à ce titre, vous devez notamment :…
some
Le cumul des sanctions administratives validé par le Conseil constitutionnel
Cons. const., décision n°2021-984 QPC, 25 mars 2022 Le Conseil constitutionnel déclare conformes à la Constitution les dispositions de l’article L. 470-2 VII du Code de commerce relatif au cumul de sanctions administratives relevant de pratiques anticoncurrentielles. Partant, une même…
some
Clause de non-concurrence et justification du savoir-faire du franchiseur
CA Paris, Pôle 5, Chambre 4, 30 mars 2022, n°20/08551 La Cour d’appel de Paris est venue préciser la jurisprudence antérieure relative à l’application d’une clause de non-concurrence au sein d’un contrat de franchise. Elle a considéré que la clause…
some
Validité de l’acte de cautionnement comportant des termes non prévus par la loi
Cass. com., 21 avril 2022, n°20-23.300 Le fait que la mention manuscrite apposée sur l’acte de cautionnement comporte des termes non prescrits par l’article L.341-2 du Code de la consommation dans son ancienne rédaction n’affecte aucunement de manière automatique la…
some
Le règlement d’exemption, quel impact pour les réseaux ?
Retrouvez François-Luc Simon dans le podcast "Le Talk Franchise" lors de Franchise Expo Paris.