La jurisprudence récente nous offre l’occasion de revenir sur une question parfois négligée par les titulaires de marques mais pourtant essentielle : l’exploitation des signes déposés est nécessaire au maintien de leurs droits.
La jurisprudence récente nous offre l’occasion de revenir sur une question parfois négligée par les titulaires de marques mais pourtant essentielle, celle de l’exploitation des signes qu’ils ont déposés est nécessaire au maintien de leurs droits.
En effet, une fois qu’une marque est déposée et enregistrée, cela ne signifie pas pour autant que son titulaire conservera les droits qu’il a acquis sur le signe du fait du dépôt, s’il ne l’exploite pas. De nombreuses législations prévoient en effet une obligation d’usage des marques déposées, le droit français n’y échappe pas même si l’obligation n’est pas prévue en tant que telle.
L’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose ainsi : « Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans […] ». Cette règle traduit la volonté du législateur de libérer les signes inutilement réservés (puisque non exploités) et de désencombrer ainsi les registres de marques.
La déchéance doit être demandée car elle ne présente pas un caractère automatique ; le plus souvent, elle sera soulevée reconventionnellement dans le cadre d’une action en contrefaçon : le défendeur, pour échapper aux poursuites, tente d’établir la perte des droits fondant l’action. Elle peut aussi être demandée par la voie principale pour « libérer » une marque dont on souhaite faire usage, voire déposer.
L’usage attendu du titulaire de la marque pour maintenir ses droits n’est pas n’importe lequel, il s’agit d’un usage dit « sérieux ». Pour cela, la jurisprudence exige que le signe soit utilisé dans sa fonction d’identifiant de l’origine des produits et services donc pour désigner des produits ou services, que cet usage se traduise par de véritables actes d’exploitation – même minime, un usage peut être considéré comme étant sérieux – cela pour les produits et services visés dans l’enregistrement, à défaut la déchéance peut être encourue, totalement ou partiellement c’est-à-dire uniquement pour les produits et/ou services qui n’ont pas donné lieu à une exploitation.
Pendant un temps, la jurisprudence admettait que l’usage d’un signe sous une forme légèrement modifiée constituait l’usage du signe de nature à échapper à la déchéance des droits si on y retrouvait les éléments distinctifs, et cela que le signe effectivement exploité ait été déposé ou non. Toutefois, la jurisprudence est revenue sur sa position pour s’aligner sur celle de la jurisprudence communautaire : lorsque deux marques voisines ont été déposées, l’exploitation de l’une ne peut établir l’usage de l’autre permettant d’éviter la déchéance des droits. Le fait de procéder à des dépôts distincts sur des signes proches n’est donc pas sans conséquences.
Récemment, la Cour de cassation a rappelé sa jurisprudence (Cass. com., 12 juin 2012, pourvoi n°11-21723) en énonçant « … le titulaire d’une marque ne peut se soustraire à l’obligation qui lui incombe de faire usage de cette marque en invoquant à son bénéfice l’utilisation d’une marque similaire faisant l’objet d’un enregistrement distinct… ». Dans cette affaire, des déclinaisons différentes d’un même signe de base avaient été déposées et l’une d’elle était attaquée en déchéance ; les juges du fond, à bon droit, on estimé que, pour sauver la marque, le titulaire ne pouvait se prévaloir de l’usage d’une autre marque.
C’est également, sans surprise, la position retenue récemment par la Cour d’appel de Paris dans une affaire où le titulaire de la marque, dont la déchéance était demandée, tentait d’échapper à cette demande en établissant l’usage d’une marque très voisine qu’il avait par ailleurs déposée. La Cour d’appel, sans surprise, décide qu’en déposant deux marques, leur titulaire a entendu les distinguer et il lui appartient de prouver l’exploitation de chacune d’entre elles.
On le voit, il convient d’être particulièrement vigilent sur la question de l’exploitation effective des marques et de faire une veille régulière sur son portefeuille de droits afin de contrôler, notamment, les risques de déchéance pour défaut d’usage en particulier en cas de dépôts multiples sur des déclinaisons de signes.