Risque de sanction d’une interdiction de revente sur les marketplaces – Autorité de la concurrence, décision n°14-D-07, 23 juillet 2014

TOUSSAINT-DAVID Gaëlle

Avocat

L’Autorité de la concurrence considère que les restrictions de vente sur les marketplaces imposées par un fournisseur sont susceptibles de constituer des infractions au droit de la concurrence.

Une société de distribution d’appareils électriques et électroniques de loisir (téléviseurs, lecteurs DVD, matériel Hi-fi, etc.) – également dénommés « produits bruns » – désormais familière des procédures initiées devant les autorités de la concurrence, a introduit une action à l’encontre notamment d’un de ses anciens fournisseur de produits bruns devant l’Autorité de la concurrence. Elle sollicitait le prononcé de mesures conservatoires dans l’attente des suites de l’instruction.

Elle reprochait au total six pratiques à son ancien fournisseur :

–        un abus de dépendance économique,
–        une entente verticale avec ses distributeurs en vue de restreindre les ventes actives et passives,
–        des ententes verticales sur les prix entre plusieurs fabricants et distributeurs du marché,
–        des ententes horizontales sur les prix avec d’autres fournisseurs du marché,
–        un refus de vente ou un boycott de certains fournisseurs et grossistes,
–        une rupture brutale des relations commerciales.

En définitive, l’Autorité de la concurrence a choisi de ne poursuivre l’instruction que pour une seule de ces pratiques.

En effet, dans un premier temps, l’Autorité de la concurrence a écarté le grief d’abus de dépendance économique. Bien que les produits du fournisseur constituent 80% à 90% du chiffre d’affaires du distributeur en téléviseurs, l’Autorité de la concurrence relève que le distributeur dispose de sources alternatives d’approvisionnement. Par ailleurs, reprenant l’analyse menée par la Cour d’appel de Paris dans une décision du 10 décembre 2013 (procédure dans laquelle le distributeur avait agi en référé contre le fournisseur), l’Autorité constate que la situation financière du distributeur relève d’un choix de stratégie commerciale et ne peut pas être imputée au fournisseur.

L’Autorité précise que le refus de vente ne constitue pas une infraction susceptible d’être, per se, poursuivie par elle.

Il en va de même pour la pratique de rupture brutale des relations commerciales. Faute de preuve, elle rejette également les griefs d’ententes verticales et horizontales sur les prix.

En revanche, l’Autorité de la concurrence retient à ce stade de la procédure le grief portant sur l’entente verticale visant à restreindre les ventes actives et passives, en rappelant en préambule que si un fabricant est libre d’organiser le mode de distribution de ses produits, c’est sous réserve que ce mode de distribution n’ait pas pour objet ou pour effet de porter atteinte à la concurrence.

Elle relève que tous les contrats de distribution du fournisseur contiennent une interdiction générale des ventes sur les sites internet non agréés et/ou sur tout site tiers, notamment de marketplaces.

Sur cette dernière interdiction, l’Autorité renvoie aux lignes directrices de la Commission européenne de 2010 qui prévoient que « le fournisseur peut exiger que ses distributeurs ne recourent à des plateformes tierces pour distributeur les produits contractuels que dans le respect des normes et conditions qu’il a convenues avec eux pour l’utilisation d’internet par les distributeurs » et rappelle que l’Autorité de la concurrence a déjà considéré que les marketplaces avaient la capacité de satisfaire aux critères qualitatifs des produits.

Le distributeur a produit différents éléments de preuve de l’interdiction de vente sur les marketplaces, dont les clauses contractuelles et les tableaux de relevés d’infractions à la clause de prohibition des ventes sur marketplaces. L’Autorité considère que ces éléments constituent des indices de restrictions verticales sur les ventes actives et passives et poursuit donc l’instruction à l’encontre du fabricant sur ce seul fondement.

Elle refuse en revanche l’octroi de mesures conservatoires, considérant notamment que le distributeur n’établit pas d’atteinte grave à son encontre (ou au secteur), en particulier car la baisse de son chiffre d’affaires est antérieure aux pratiques dénoncées et qu’il dispose de sources alternatives d’approvisionnement.

Sommaire

Autres articles

some
Black Friday : les 3 règles indispensables à respecter en matière tarifaire
Black Friday : les 3 règles indispensables à respecter en matière tarifaire Le « Black Friday » (ou « vendredi noir » en français) est une tradition venant des Etats-Unis qui est pratiquée en France depuis quelques années. Il s’agit d’une journée (le dernier…
some
La résiliation en trois clics c’est désormais possible !
La résiliation en trois clics c’est désormais possible ! Ce qu’il faut retenir : Afin de respecter les exigences de la réglementation relative à la résiliation en trois clics et ainsi, éviter toute sanction à ce titre, vous devez notamment :…
some
Le cumul des sanctions administratives validé par le Conseil constitutionnel
Cons. const., décision n°2021-984 QPC, 25 mars 2022 Le Conseil constitutionnel déclare conformes à la Constitution les dispositions de l’article L. 470-2 VII du Code de commerce relatif au cumul de sanctions administratives relevant de pratiques anticoncurrentielles. Partant, une même…
some
Clause de non-concurrence et justification du savoir-faire du franchiseur
CA Paris, Pôle 5, Chambre 4, 30 mars 2022, n°20/08551 La Cour d’appel de Paris est venue préciser la jurisprudence antérieure relative à l’application d’une clause de non-concurrence au sein d’un contrat de franchise. Elle a considéré que la clause…
some
Validité de l’acte de cautionnement comportant des termes non prévus par la loi
Cass. com., 21 avril 2022, n°20-23.300 Le fait que la mention manuscrite apposée sur l’acte de cautionnement comporte des termes non prescrits par l’article L.341-2 du Code de la consommation dans son ancienne rédaction n’affecte aucunement de manière automatique la…
some
Le règlement d’exemption, quel impact pour les réseaux ?
Retrouvez François-Luc Simon dans le podcast "Le Talk Franchise" lors de Franchise Expo Paris.