Demande de délais de paiement par un franchisé

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RICHARD Sandrine

Avocat associée

CA Bordeaux, 31 août 2011, R.G. n°10/02837

Le franchisé est (comme chacun sait) débiteur d’obligations financières vis-à-vis de son franchiseur, à raison de l’exécution de son contrat de franchise et, s’il en est, de son contrat d’approvisionnement.

La décision commentée permet de revenir sur la question du traitement des délais de paiement pouvant être accordées aux franchisés.

Le franchisé est (comme chacun sait) débiteur d’obligations financières vis-à-vis de son franchiseur, à raison de l’exécution de son contrat de franchise et, s’il en est, de son contrat d’approvisionnement. Autrement dit, le franchisé est constamment dans l’obligation de payer une redevance de franchise, une redevance publicitaire et, le cas échéant, les marchandises qu’il acquiert auprès de la centrale d’achats du réseau. La crise aidant, il est de moins en moins rare que le franchiseur se heurte à des retards dans l’encaissement de ces sommes, ou qu’il fasse l’objet d’une procédure judiciaire, initiée par le franchisé, tendant à l’obtention de « délais de paiement », en application de l’article 1244-1 du code civil.

Il faut rappeler en effet que, selon ce texte, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, « en fonction de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier » ; l’on rappellera aussi que, dans le cadre de l’application de ce texte, le juge peut prescrire, par décision spéciale et motivée, que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ; le juge pourra également subordonner ces mesures à l’accomplissement, par le débiteur, d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

Ce rappel nécessaire étant effectué, se pose la question de savoir, concrètement, dans quelle mesure le franchisé peut ainsi (ou non) obtenir les délais de paiement prévus par ce texte.

Une réponse, ou plutôt un rappel intéressant, nous est fourni par l’arrêt rendu le 31 août 2011 par la Cour d’appel de Bordeaux qui, à l’occasion d’une affaire somme toute assez classique, nous conduit à en commenter la substance, à la lumière de l’examen rétrospectif (mais essentiel) de la jurisprudence. Dans cette récente affaire (CA Bordeaux, 2ème ch., 31 août 2011, inédit, RG n° 10/02837), le franchisé avait cessé de régler les factures de redevances, donnant lieu à un arriéré de l’ordre de 26.000 euros, somme qu’après une mise en demeure sans résultat il était condamné à payer au franchiseur par une ordonnance d’injonction de payer à laquelle il avait donc fait opposition ; devant le tribunal de commerce, le franchisé était débouté de sa demande d’obtention de délais de paiement pour n’avoir produit aucun document comptable en justification des difficultés financières invoquées.

Devant la cour d’appel, le franchisé justifiait d’un état d’endettement significatif tout en indiquant que cet endettement résultait, selon lui, d’une part, du désintérêt de son franchiseur pour le sort de son activité et, d’autre part, de l’absence totale de rentabilité de son entreprise, dont le chiffre d’affaires avait d’ailleurs régulièrement chuté et dont les résultats étaient demeurés négatifs depuis plus de 5 ans.

Pour débouter le franchisé de sa demande de délai de paiement et le condamner en conséquence au montant des sommes dues à son franchiseur (entre-temps réactualisées à plus de 45.000 euros), la cour d’appel relève que :

–   « l’endettement apparaît à travers l’en cours fournisseurs considérable au regard du type d’activité et un arriéré de loyer atteignant plus de 15.000 euros en septembre 2010 » ;

–   « la situation de cette entreprise, qui de son propre aveu ne survit que grâce aux apports en compte courant très importants de son gérant, relève d’une procédure collective et (qu’) il serait tout à fait hasardeux et irréaliste de l’aider à la maintenir par des délais de paiement ».

Autrement dit, la situation compromise du franchisé interdit par principe, selon la Cour, l’octroi de tout délai de paiement. L’enseignement à tirer de cette décision peut être complété utilement du rappel de la jurisprudence rendue en la matière qui, dans des circonstances assez différentes les unes des autres, rejette bien souvent de telles demandes de délai de paiement.  Ainsi, notamment, l’application de ce texte doit être écartée :

– lorsque le débiteur a déjà bénéficié de larges délais de paiement (CA Nancy, 10 mars 2011, inédit, RG n°08/00652 ; CA Lyon, 8ème ch., 16 nov. 2010, inédit, RG n°09/05606) ;

– ou qu’il n’est pas démontré que l’octroi d’un délai permettrait au débiteur de s’acquitter des sommes mises à sa charge (CA Montpellier, 4 janvier 2011, inédit, RG n°09/08199).

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