CA Paris, 2 juin 2015, RG n°14/01233
Le droit d’auteur et des modèles est un allié de l’industrie de la mode permettant de protéger les créations et de réagir en cas de contrefaçon comme l’illustre l’affaire commentée.
En 2000, la maison Louis Vuitton a sollicité un célèbre créateur américain pour la création d’un imprimé revisitant le motif dit léopard. Le modèle ainsi crée a fait l’objet d’un dépôt à l’INPI, il apparaîtra quelques années plus tard sur des articles de mode à l’occasion d’un défilé. Dans le courant de l’année 2012, Louis Vuitton a constaté la commercialisation d’étoles dans les magasins sous enseignes Jennyfer reproduisant les caractéristiques de son imprimé. C’est dans ces conditions qu’elle fit procéder à une saisie contrefaçon au cours de laquelle il a pu être établi que les étoles avaient été vendues par une société tierce également visée par une saisie contrefaçon.
Au vu de ces éléments, la société Louis Vuitton assigna donc les deux sociétés en contrefaçon avant de transiger avec la société Jennyfer. C’est donc uniquement à l’encontre du fournisseur que la procédure a été suivie devant le TGI de Paris puis devant la Cour d’appel de Paris.
Classiquement et pour contester la recevabilité de l’action, la titularité des droits était contestée aux motifs que l’auteur du modèle était identifié et que le contrat fourni ne comportait pas la preuve de la cession des droits. Or, en l’espèce, Louis Vuitton se prévalait de la présomption de titularité des droits d’origine prétorienne permettant à une personne morale d’être présumée titulaire des droits à l’encontre du prétendu contrefacteur, même dans les cas où l’auteur est identifié, à condition que l’œuvre soit clairement identifiée et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation. En l’espèce, la Cour retient que l’enregistrement à l’INPI ainsi que les éléments versés aux débats (revues de presse, défilés de mode, visuels publicitaires, extraits de look book notamment) justifient de la commercialisation sous son nom et de façon non équivoque par la société Louis Vuitton du modèle revendiqué.
L’originalité – condition à laquelle une création fait l’objet de droits d’auteur – était également contestée. La Cour justifie dans cet arrêt les motifs pour lesquels elle retient l’originalité de l’imprimé. Les juges mettent tout d’abord en exergue les éléments caractéristiques, à savoir : un fond uni et contrastant sur lequel s’inscrivent des motifs répartis de manière assez irrégulière mais dense dont certains ont la forme de lettres ou de points, présentant la particularité d’être bicolores en ce qu’ils combinent systématiquement une couleur sombre et une couleur claire, cette réalisation créant un effet d’ombre porté en raison du contracte et de l’agencement des couleurs. La Cour relève également que si le modèle léopard classique qui reproduit une peau de léopard est devenu banal et courant, l’imprimé léopard stylisé s’en démarque largement. La Cour conclu donc au fait que l’imprimé est original au sens du droit d’auteur.
La titularité des droits et l’originalité de la création étant vérifiées, la Cour s’attache ensuite à caractériser la contrefaçon. La Cour rappelle en premier lieu la méthode d’appréciation de la contrefaçon au vu des ressemblances et non des différences, puis établit que les produits litigieux reproduisent dans la même combinaison l’imprimé léopard stylisé dont elles reprennent les motifs en forme de lettres ou de points répartis de manière relativement dense présentant la particularité d’être bicolores de nature à créer un effet de relief du motif sur un fond uni et contrastant décliné en quatre coloris, la seule différence tenant au caractère moins dense de la répartition des motifs qui n’est qu’une différence de détails non significative.
Outre les mesures d’interdiction, de confiscation et de destruction des stocks, l’indemnisation est évaluée, par application de l’article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle selon lequel il convient de tenir compte des conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, des bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte et le préjudice moral causé. La cour relève que le préjudice au titre du gain manqué a déjà a été réparé dans le cadre de la transaction intervenue avec la société ayant vendue une partie des produits fournies. Néanmoins, cette transaction n’ayant pas pris en compte les bénéfices réalisés par le fournisseur (lequel était seul poursuivi), la Cour alloue une indemnité à ce titre calculé sur la base de la marge brute réalisée. En outre, elle répare également le préjudice moral résultant de la banalisation, la dévalorisation et la vulgarisation de l’imprimé.