Cass. com., 10 novembre 2015, pourvoi n°14-14.820
Le mandant ne peut modifier unilatéralement les termes du contrat conclu avec l’agent commercial sans l’accord de son partenaire. L’agent commercial est quant à lui tenu […] à l’égard du mandant, à une obligation de non-concurrence…
Ce qu’il faut retenir : Le mandant ne peut modifier unilatéralement les termes du contrat conclu avec l’agent commercial sans l’accord de son partenaire. L’agent commercial est quant à lui tenu, en application de l’article L.134-3 du Code de commerce, à l’égard du mandant, à une obligation de non-concurrence, ce qui ne l’empêche pas de commercialiser des produits dits complémentaires et non concurrents de ceux de son mandant.
Pour approfondir : Une célèbre société spécialisée dans les couverts, la société G., était en relation avec la société S., avec laquelle elle avait conclu un contrat d’agent commercial ; la société S., en qualité de mandataire, était ainsi chargée de la distribution des produits de la société G. (mandant) dans plusieurs pays du Maghreb, du Moyen-Orient et de l’Inde. Le mandant a rompu le contrat et la société S. l’a assigné aux fins d’obtenir le paiement d’indemnités de cessation de contrat, de préavis et des commissions.
Le mandant, quant à lui, a formulé une demande reconventionnelle et réclamé l’indemnisation du préjudice subi du fait de la violation par le mandataire de la clause de non-concurrence, ce dernier ayant représenté des sociétés qui, selon le mandant, étaient concurrentes puisqu’elles commercialisaient de la porcelaine de table et de cuisine. S’agissant de la rupture de leur relation, la société G. avance que, dès la fin de l’année 2007, une rupture partielle du contrat d’agent commercial était intervenue entre les parties. Le mandant se réfère ainsi à une réunion qui s’est tenue entre les parties et au compte-rendu qui s’en est suivi et dont il ressort que le mandant a entendu modifier l’étendue du territoire d’intervention confié à l’agent. Les juges du fond ont toutefois considéré que la modification du contrat d’agent commercial qui avait été effectuée par le mandant était équivoque, qu’aucun accord écrit n’avait été formalisé entre le mandant et le mandataire afin d’acter des modifications proposées par le mandant et enfin que le mandataire avait poursuivi son activité conformément à l’accord initial conclu entre les parties. Les juges du fond ont ainsi relevé que le mandant avait commis une faute grave, rejetant toute idée de rupture partielle du contrat d’agent commercial à partir de décembre 2007, considérant ainsi que le contrat d’agent s’était poursuivi jusqu’en 2009 pour condamner la société G. au paiement d’indemnités et commissions. La Cour de cassation a confirmé la position retenue par les juges du fond.
S’agissant de la clause de non-concurrence, le mandant soutient qu’un agent commercial ne peut représenter une entreprise concurrente à celle de son mandant sans accord de ce dernier – accord qui en l’espèce faisait défaut – et que, en effectuant une telle représentation de produits concurrents en violation de la clause de non-concurrence, la société S avait nécessairement subi un préjudice. La société G. se fondait ainsi sur le non-respect par l’agent des dispositions de l’article L.134-3 du Code de commerce qui dispose : « L’agent commercial peut accepter sans autorisation la représentation de nouveaux mandants. Toutefois, il ne peut accepter la représentation d’une entreprise concurrente de celle de l’un de ses mandants sans accord de ce dernier ». Les juges du fond ont cependant relevé que les produits commercialisés par le mandant et ceux commercialisés par les sociétés pour le compte duquel était ensuite intervenue la société S. n’étaient pas interchangeables, le mandant ayant par ailleurs accepté la représentation de ces produits complémentaires, et non concurrents, par le mandataire qui lui avait indiqué l’intérêt commercial que cela pouvait représenter.
La société S. n’a donc pas violé la clause de non-concurrence à laquelle elle est tenue.
Cet arrêt revient ainsi sur l’une des obligations essentielles de l’agent commercial. Ce dernier est en effet tenu pendant la durée du contrat à une obligation de non-concurrence à l’égard du mandant, ce qui suppose, s’il souhaite représenter une entreprise exerçant une activité concurrente à celle de son mandant, de recueillir au préalable l’autorisation de ce dernier, sous peine de manquer à son obligation de loyauté.
A rapprocher : Cass. com., 15 mai 2007, pourvoi n°06-12.282