La réforme du droit de la distribution alimentaire

Commentaire du projet de loi adopté à l’Assemblée Nationale le 11 octobre 2011

A l’heure où l’Assemblée Nationale vient tout juste d’adopter en première lecture, le 11 octobre dernier, le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, il nous faut présenter ce texte dans son ensemble.

A l’heure où l’Assemblée Nationale vient tout juste d’adopter en première lecture, le 11 octobre dernier, le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, il nous faut présenter ce texte dans son ensemble.

Pour s’en tenir à l’essentiel – tout en restant complet –, il convient d’en examiner le champ d’application (I), puis d’envisager ce que le projet de loi modifie successivement dans la phase précontractuelle (II), au cours de l’exécution du contrat (III) et postérieurement à sa terminaison (IV).

I.      Champ d’application du projet de loi

Pour ce qui concerne la question du champ d’application du projet de loi, les choses sont simples (A) en apparence (B).

A/ Les choses sont simples car, à force d’amendements, le législateur a finalement su trouver une certaine cohérence et dissiper l’essentiel des incertitudes liées à la rédaction du texte d’origine.

Désormais, en effet, le Titre IV du Livre III du code de commerce que le projet envisage d’insérer annonce un nouvel article L.340-1, dont le I° est relatif à la notion de « convention d’affiliation », qui constitue un instrument juridique totalement nouveau puisqu’aucune définition juridique n’en était jusqu’à présent donnée, du moins par le législateur. L’article L.340-1-I du code de commerce est (aujourd’hui) rédigé comme suit par le projet de loi : « Est considéré comme une convention d’affiliation un contrat, conclu entre, d’une part, une personne physique ou une personne morale de droit privé réunissant des commerçants, autre que celles mentionnées aux chapitres V et VI du titre II du livre Ier, ou mettant à disposition des services mentionnés au premier alinéa de l’article L. 330-3 et, d’autre part, toute personne exploitant pour son compte ou pour le compte d’un tiers au moins un magasin de commerce alimentaire au sens de l’article L. 340-2. Conclue en sus de tout autre contrat pouvant exister par ailleurs entre les parties, la convention d’affiliation comprend les informations relatives aux engagements des parties susceptibles de limiter la liberté d’exercice par l’exploitant de son activité de commerçant. »

La notion de « magasin de commerce alimentaire » visée par ce texte est elle-même précisée à l’article suivant (L.340-2 du code de commerce), selon lequel : « La convention d’affiliation définie à l’article L. 340-1 est obligatoire lorsque l’exploitant gère au moins un magasin exerçant une activité de commerce de détail non spécialisé en libre-service et dont le chiffre d’affaires hors taxes, hors carburant, provient pour plus du tiers de la vente de produits alimentaires. Un décret, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, définit, en tant que de besoin, les secteurs d’activité pour lesquels et les seuils de surface et de chiffre d’affaires en deçà desquels il peut être dérogé à cette obligation. »

On le voit à la seule lecture de ce texte, les choses sont simples, pour deux raisons essentielles.

En premier lieu, la définition que l’article L.340-1-I précité donne de la « convention d’affiliation » est déconnectée de la nature du réseau dans lequel il s’inscrit ; elle vise toute forme de réseau (franchise ou autre), toute forme de relation contractuelle, sans distinction : sa vocation est générale.

En second lieu, le texte vise la distribution « généraliste ». C’est pourquoi, par suite d’un amendement (n°289), le Titre IV du Livre III annonçant cette réforme s’intitulera « Des réseaux de distribution alimentaire », et non plus « Des réseaux de distribution », comme le proposait le texte d’origine, qui pouvait ainsi donner à penser que tous les secteurs d’activité étaient susceptibles d’entrer dans le champ d’application du texte. Voilà qui est plus clair.

De la même manière, il faut revenir sur la notion même de « libre-service » en faisant observer, à la lumière des discussions ayant eu lieu au sein de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale, qu’un amendement (n°317) avait tenté d’élargir la portée du texte en supprimant le terme « libre-service », afin que la convention d’affiliation s’applique à tous les types de commerce ; cet amendement a été rejeté, à juste titre selon nous, au motif que le projet de loi s’inscrit résolument dans le cadre du périmètre tracé par le rapport de l’ADLC, visant essentiellement la grande distribution.

Voilà qui est plus cohérent.

De plus et surtout, il ressort tant des observations formulées par Monsieur le Secrétaire d’Etat au cours des discussions organisées devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale que des motifs d’un amendement (n°407) ultérieurement adopté que sont exclus du champ d’application du texte les commerces dits « commerces spécialisés »,c’est-à-dire les commerces au détail exerçant des activités spécifiques, comprenant notamment « les commerces de bouche tels que boucheries, boulangeries, confiseries, chocolateries, etc. ». A ce titre, on notera avec intérêt que le consensus sur la rédaction du texte n’a pas été simple puisqu’un précédent amendement (n°288), qui tendait à exclure du champ d’application du texte les exploitations du secteur de la « distribution alimentaire spécialisée », avait été retiré en raison (notamment) de l’absence de toute notion juridique de « distribution alimentaire spécialisée »

B/ Mais, en définitive, si l’on veut bien « aller au bout des choses », cette simplicité n’est qu’apparente, pour deux raisons.

En premier lieu, en effet, le renvoi effectué par l’article L.340-2 du code de commerce à un décret pris après avis de l’Autorité de la concurrence, destiné à définir « les secteurs d’activité pour lesquels et les seuils de surface et de chiffre d’affaires en deçà desquels il pourra être dérogé à cette obligation », suscite plusieurs observations. Pour les uns, le renvoi au décret n’est pas acceptable ; pour d’autres, tel que Monsieur le Secrétaire d’Etat, « le renvoi au décret permet de préciser les secteurs d’activité concernés afin d’éviter une application trop extensive ». Quoi qu’il en soit, il importe de savoir clairement quels secteurs d’activité entreront finalement dans le champ d’application du texte rendant la convention d’affiliation « obligatoire » ; et, il faut bien le dire, sur ce point précis – mais fondamental –, le texte n’est pas stabilisé.

En second lieu, la proportion du « tiers » prévue à l’article L.340-2 du code de commerce, critère essentiel de l’application du régime juridique découlant du projet de loi, sera délicate dans un certain nombre de cas, car l’affilié pourra parfois se trouver lui-même dans une situation tangente ; on le pressent déjà, l’incertitude liée à la détermination du chiffre d’affaires de l’affilié, dont on ne saura pas toujours à l’avance s’il franchit (ou non) ce seuil fatidique, pourra polluer l’appréciation à faire de l’applicabilité (ou non) de ce texte. Ajoutons que le seuil pourra être atteint une année et pas l’autre ; on mesure déjà l’étendue de discussions sans fin se profiler à l’horizon…

II.    Relations pré-contractuelles

Pour ce qui concerne la question des relations pré-contractuelles, ce projet de loi instaure un délai de deux mois se voulant protecteur des intérêts de l’affilié (A), mais qui s’avère assez maladroit (B).

A/ Le projet de loi prévoit que toute convention d’affiliation devra, à peine de nullité, être remise à l’exploitant au moins deux mois avant sa signature ; et,  selon le nouvel article L.340-1-III du code de commerce, ce contrat devra comporter des informations portant sur les conditions de l’affiliation et de la participation au groupement, les conditions d’utilisation des services commerciaux apportés à l’exploitant, le fonctionnement du réseau, les conditions de renouvellement, cession et résiliation des contrats régissant les relations commerciales découlant de l’affiliation, les obligations applicables après rupture des relations contractuelles, ainsi que le terme du contrat, lorsque celui-ci est conclu pour une durée déterminée. L’intention du législateur est donc louable puisqu’il s’agit de protéger les affiliés en leur accordant un délai significatif entre la conclusion du contrat et la date à laquelle il en aura eu connaissance pour leur permettre de disposer d’un temps de réflexion suffisant et adapté au contexte. De ce fait, laratio legis de ce texte n’est pas critiquable.

B/ Mais ce régime novateur s’avère assez maladroit, tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, il faut rappeler que l’instauration d’un délai de deux mois fait écho à l’une des préconisations formulées par l’avis de l’ADLC du 7 décembre 2010 (page 57, §. 214), soulignant que les affiliés pouvaient être amenés en pratique à prendre tardivement connaissance de leur contrat, alors que de nombreuses dépenses avaient été engagées, et qu’il convenait donc de leur transmettre ce contrat d’affiliation suffisamment en amont. S’il se veut protecteur, ce dispositif n’en demeure pas moins maladroit car ce délai de deux mois diffère de celui (de 20 jours) visé à l’article L. 330-3 du code de commerce. Il en résulte une distorsion, totalement injustifiée, entre les secteurs d’activité relevant du champ d’application du projet de loi et les autres (cf. le point I° ci-dessus).

Le législateur ferait donc mieux d’admettre la solution, dénuée de toute confusion, consistant à retenir que le délai applicable pour la remise de la convention d’affiliation soit le même que celui prévu pour la remise des DIP, ainsi que le suggéraient d’ailleurs deux amendements successifs (n°287 et n° 370) trop rapidement rejetés.

Quant au fond, la réforme envisagée est également maladroite. Le contenu même du document tel qu’il résulte de la rédaction de l’actuel article L.340-1-III diffère de celui prévu par l’article R.330-1 du code de commerce. Le premier exige que soient mentionnées les informations portant sur les conditions de l’affiliation et de la participation au groupement, les conditions d’utilisation des services commerciaux apportés à l’exploitant, le fonctionnement du réseau, les conditions de renouvellement, cession et résiliation des contrats régissant les relations commerciales découlant de l’affiliation, les obligations applicables après rupture des relations contractuelles, voire le terme du contrat, lorsque celui-ci est conclu pour une durée déterminée. Or, le second vise quant à lui des informations pour partie différentes, telles que la présentation de l’état général et local du marché des produits ou services devant faire l’objet du contrat, les perspectives de développement de ce marché, ce qui n’est pas rien.

Et c’est sans y parvenir que l’on cherchera la raison pour laquelle les informations diffusées pour tel secteur d’activité ne seraient plus pertinentes pour d’autres secteurs. Cette autre distorsion a de quoi laisser perplexe.

On notera également que l’avis de l’ADLC du 7 décembre 2010, qui préconisait par ailleurs (Avis, page 58, §. 216) la remise en amont par la tête de réseau de l’ensemble de la documentation contractuelle (pouvant notamment comprendre un contrat d’approvisionnement, un contrat de bail ou de location-gérance, un pacte d’associés), propre à éclairer l’affilié, n’a pas été entendu par le législateur sur ce point.

L’article L.340-1-III précité n’exige en effet que la remise de la « convention d’affiliation » dans le délai de deux mois. Or, précisément, cette convention n’est pas le seul contrat pouvant avoir été signé entre les parties, celui-ci pouvant au contraire s’inscrire dans un ensemble contractuel. A cet égard, le projet de loi a par ailleurs abandonné l’idée – qui figurait dans le texte soumis en conseil des ministres le 1er juin dernier et dans l’avis de l’ADLC du 7 décembre 2010 (page 57, §. 213) –, selon laquelle la convention d’affiliation devrait constituer un « document unique », se substituant aux contrats que les opérateurs peuvent avoir conclus par ailleurs ou aux liens d’autres natures éventuellement noués au sein du groupe. En pratique, il sera toutefois recommandé de remettre ces informations, déterminantes du consentement de l’affilié, dans un délai raisonnable.

III.  Relations contractuelles

Le projet de loi instaure un arsenal de mesures nouvelles concernant le contenu même de la convention d’affiliation. A cet égard, il y a lieu de reprendre les trois points particuliers sur lesquels la réforme intervient : le droit d’entrée (A), la durée de la convention d’affiliation (B) et les modalités de son renouvellement (C). Certaines préconisations de l’ADLC, telles que l’interdiction des prises de participation ou la suppression des droits de priorité, n’ont fort logiquement pas été reprises par le projet de loi (D).

A/ Sensible à l’avis de l’ADLC du 7 décembre 2010 (page 60, §. 229), qui préconisait la possibilité d’étaler sur une durée courte le paiement du droit d’entrée plutôt que d’en autoriser le paiement différé jusqu’au terme du contrat, le législateur a inséré un article L.340-5 du code de commerce, auquel il ne peut être dérogé, selon lequel : « lorsqu’une convention d’affiliation prévoit le versement de sommes constituant une condition préalable à l’établissement ou au renouvellement de la relation commerciale, le document unique mentionne la possibilité d’acquitter ces sommes soit en totalité au moment de la signature du contrat, soit en plusieurs versements, les versements dus au titre de la dernière année ne pouvant excéder 20 % du total de ces sommes. En cas de non-respect du présent article, les sommes dues à ce titre ne sont, d’ordre public, exigibles que dans la limite de 10 % par an de leur montant nominal initial, tel qu’il figure dans la convention d’affiliation. »

B/ Pour ce qui concerne la durée de la convention d’affiliation, le projet de texte a fait l’objet de plusieurs modifications successives.

Alors que l’avis de l’ADLC du 7 décembre 2010 (page 59, §. 222) avait encouragé la réduction à 5 ans de la durée des engagements souscrits (durée à juste titre jugée trop courte par de nombreux opérateurs), le texte d’origine avait envisagé qu’un décret pris après avis de l’ADLC fixe la durée maximal de la convention d’affiliation sans que celle-ci ne puisse excéder 10 ans. Ce dispositif a finalement disparu ; désormais, le projet de loi ne prévoit plus de durée maximale, hormis dans un cas particulier.

En effet, le texte retient par ailleurs et surtout une disposition totalement nouvelle : lorsqu’une convention d’affiliation comporte une obligation d’approvisionnement de l’affilié à concurrence de plus de 80% de ses achats, elle ne peut alors jamais être conclue pour une durée supérieure à 5 ans.

Cette disposition, introduite sous couvert du respect du droit communautaire, va en définitive bien au-delà des prévisions de ce droit et nous semble donc tout à fait critiquable ; en effet, selon l’article 5.1.a) du règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, lorsque la durée des contrats dépasse une durée de 5 ans,  de telles clauses d’approvisionnement ne peuvent en principe pas bénéficier de l’exemption automatique prévue par ce règlement ; mais, dans ce cas, ces clauses ne sont pas nécessairement illicites : leur validité est appréciée au cas par cas lors d’un examen (individuel) du caractère restrictif de concurrence de la clause considérée.

C/ Pour ce qui concerne les modalités de renouvellement de la convention d’affiliation, l’article L.340-3-II du code de commerce énonce : « Un décret, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, précise le délai de préavis à respecter pour informer l’autre partie de sa volonté de ne pas renouveler la convention d’affiliation à durée déterminée, au terme de celle-ci. Lorsque la convention d’affiliation stipule une clause de tacite reconduction, la personne physique ou morale mentionnée au I de l’article L. 340-1, à peine de voir cette stipulation privée d’effet, doit obligatoirement adresser à l’affilié, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, six mois au moins avant l’expiration du délai de dénonciation du non-renouvellement de la convention d’affiliation, une notification lui rappelant la date d’expiration de ce délai et les modalités selon lesquelles l’affilié peut exprimer sa décision de non-renouvellement. Un décret, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, précise le délai de préavis dans lequel les conventions d’affiliation tacitement reconduites peuvent être résiliées, selon qu’elles sont conclues à durée déterminée ou indéterminée. »

Deux remarques s’imposent.

En premier lieu, ce texte introduit un mécanisme particulier quant à la décision de non-renouvellement de la convention d’affiliation, quelle que soit la clause de renouvellement stipulée au contrat. Une telle décision doit faire l’objet d’une information préalable au cocontractant, selon un préavis dont la durée est fixée par décret, pris après avis de l’Autorité de la concurrence.

En l’état, le non-respect de ce préavis n’est pas précisé par la loi ; l’on peut raisonnablement penser qu’à défaut de respect de ce délai la convention d’affiliation sera donc renouvelée.

En deuxième lieu, un amendement du rapporteur (n°488) a permis le renouvellement tacite des conventions d’affiliation, alors que cette possibilité était exclue dans la rédaction originelle du projet de loi. Cette modification ne peut être qu’approuvée, tant il est vrai qu’interdire un renouvellement tacite aurait constitué une entrave invraisemblable à la liberté contractuelle, d’autant plus injustifiée qu’elle n’aurait pas pour autant répondu aux objectifs de la réforme. Cependant, un régime particulier est prévu en présence d’une clause de tacite reconduction :

–          d’une part, par suite d’un nouvel amendement (n° 423 rectifié), l’organisation affiliante a l’obligation de fournir à l’affilié une information claire, en temps utile, du délai et des modalités lui permettant d’exprimer sa décision de non-renouvellement, ce dispositif est proche – ainsi que le souligne l’amendement susvisé – de celui institué par l’article L.136-1 du Code de la consommation, selon lequel : « le professionnel prestataire de services informe le consommateur par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu’il a conclu avec une clause de reconduction tacite ») ;

–          d’autre part, un décret est appelé à préciser le délai de préavis dans lequel les conventions d’affiliation tacitement reconduites peuvent être résiliées, selon qu’elles sont conclues à durée déterminée ou indéterminée.

D/ Reste à formuler quelques observations sur deux préconisations importantes de l’ADLC, néanmoins non reprises par la réforme. En premier lieu, l’avis de l’ADLC du 7 décembre 2010 (page 61, §. 230-232) avait exprimé le souhait d’encadrer les prises de participation des groupes de distribution au capital des sociétés d’exploitation de leurs magasins affiliés, en interdisant purement et simplement les « clauses d’enseigne » dans les statuts des sociétés d’exploitation (ou les pactes d’associés), dès lors qu’elles confèrent un droit de veto au groupe de distribution sur toute décision relative au changement d’enseigne du magasin affilié. En second lieu, l’avis de l’ADLC (page 60, §. 225-227) avait également prôné la suppression des droits de priorité (droit de préférence ou droit de préemption), en particulier en l’absence de prise de participation au capital de l’affilié.

IV. Relations post-contractuelles

La réforme satisfait par ses silences (A), mais déçoit par les modifications qu’elle apporte (B).

A/ Précisons tout d’abord, pour être complet, que ce qui vient d’être dit au titre des prises de participation des groupes de distribution au capital des sociétés d’exploitation de leurs magasins affiliés et des droits de priorité (droit de préférence ou droit de préemption) vaut tout aussi bien pour la période post-contractuelle dès lors que ces deux mécanismes peuvent potentiellement s’appliquer une fois la convention d’affiliation expirée.

B/ Le projet de loi, dans sa version première, prévoyait un dispositif spécifique aux clauses de non-concurrence post-contractuelles, en instaurant trois règles nouvelles. Ainsi, était-il envisagé qu’après l’échéance ou la résiliation d’une convention d’affiliation obligatoire en application du premier alinéa de l’article L. 340-2, aucune clause ayant pour effet de restreindre la liberté d’exercice par l’exploitant de son activité commerciale ne pouvait trouver application si elle n’est pas énoncée dans cette convention. Etait-il précisé en outre que, de telles clauses ne pouvaient produire leurs effets plus d’une année après cette résiliation ou cette échéance et qu’enfin de telles clauses ne pouvaient produire leurs effets que relativement aux biens et services objets de la convention d’affiliation et aux terrains et locaux à partir desquels celui qui a souscrit la convention unique d’affiliation a opéré, pendant la durée de cette convention.

Par suite de l’amendement n°406 du rapporteur, adopté à l’occasion des discussions ayant eu lieu en première lecture par l’assemblée nationale, ce dispositif spécifique a été considérablement renforcé, sans doute de manière excessive. Ainsi, le texte de l’article L. 340-6 précité, tel qu’il résulte désormais du projet de loi, prévoit-il ce qui suit :

« I. – Toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’une convention d’affiliation, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit cette convention d’affiliation dans les conditions prévues à l’article L. 340-1 est réputée non écrite.
«  II. – Ne sont pas soumises au I les clauses dont la personne qui s’en prévaut démontre qu’elles remplissent les conditions cumulatives suivantes :
« 1° Elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux objets de la convention d’affiliation ;
« 2° Elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée de la convention d’affiliation ;
« 3° Elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre de la convention d’affiliation ;
« 4° Elles n’excèdent pas un an après l’échéance ou la résiliation de la convention d’affiliation.

Ici encore, la rédaction du projet de loi va bien au-delà des dispositions du droit communautaire ; l’article 5.3 du règlement communautaire précité pose tout au plus les conditions dans lesquelles les clauses de non concurrence ne créent pas de risque concurrentiel et sont donc automatiquement exemptées ; les parties à un accord de distribution sont donc autorisées à prévoir des clauses allant au-delà des conditions que le règlement contient, tant que celles-ci ne créent pas de restriction de concurrence (les clauses font alors l’objet d’une analyse concurrentielle individuelle). En prévoyant une interdiction absolue des clauses d’une durée supérieure à un an, ou géographiquement plus étendues que les locaux du distributeur, le projet de loi interdit donc, au nom du droit communautaire, de nombreux accords qui seraient parfaitement valables au regard … du droit communautaire de la concurrence.

A supposer que ce texte subsiste dans sa version actuelle, les réseaux de franchise devraient donc pouvoir continuer à bénéficier de telles dispositions, ce qui n’est pas le cas d’une quantité importante d’autres formes de réseaux (contrats d’enseigne, contrats de concession) qui, par définition, ne transmette aucun savoir-faire et ne peuvent donc satisfaire à l’une des conditions imposées par l’article L.340-5 précité.

****

Le processus législatif n’est pas terminé. Il appartient désormais au Sénat d’examiner ce projet de loi qui, ainsi qu’on vient de le voir, comporte encore un trop grand nombre d’imperfections à tous les stades de la relation contractuelle qu’il envisage de réformer. De ce fait, il nous semble que la route est encore assez longue.

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