L’article 95 de la loi Macron ou le chaos dans les attestations d’assurance construction

Loi n°2015-990 du 6 août 2015, art. 95

Les attestations d’assurance responsabilité civile décennale doivent désormais être jointes aux factures et devis des professionnels et respecter le modèle d’attestation d’assurance établi par le gouvernement qui fixera « des mentions minimales ».

Ce qu’il faut retenir : Les attestations d’assurance responsabilité civile décennale doivent désormais être jointes aux factures et devis des professionnels et respecter le modèle d’attestation d’assurance établi par le gouvernement qui fixera « des mentions minimales ».

Le contrôle du rédacteur d’un acte de transfert de propriété d’une construction achevée depuis moins de 10 ans est complexifié par l’introduction d’une obligation d’annexion de l’attestation d’assurance responsabilité civile décennale.

Pour approfondir : Le 6 août dernier, la loi pour la croissance, l’activité  et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », a, en matière  de construction, modifié les modalités de justification de souscription aux assurances obligatoires. L’article L.243-2 du Code des assurances oblige les personnes qui y sont soumises, à justifier qu’elles ont bien souscrit une assurance « responsabilité civile décennale » et « dommage-ouvrage ». La loi Macron est venue apporter quelques modifications à cet article en énonçant que ces justifications « prennent la forme d’attestations d’assurance, jointes aux devis et factures des professionnels assurés » et qu’un « arrêté du ministre chargé de l’économie fixe un modèle d’attestation d’assurance comprenant des mentions minimales ».

Elle a par ailleurs ajouté, lorsqu’un bien immobilier fait l’objet d’une cession, l’obligation de mentionner non seulement l’existence (ou l’absence) d’une assurance « dommage-ouvrage » et d’une assurance « responsabilité civile décennale » (ce qui était déjà le cas auparavant), mais également l’obligation d’annexer à l’acte de cession l’attestation d’assurance de responsabilité civile décennale du constructeur.

Cette reconsidération des dispositions du Code des assurances, dont l’objectif affiché était le renforcement de la protection des maîtres d’ouvrage et acquéreurs, appelle quelques remarques :

1. Auparavant, en l’absence de précision quant à la police d’assurance dont il devait être fait mention dans l’acte de transfert de propriété ou de jouissance (ou en annexe) d’un bien édifié depuis moins de dix ans ou sur lequel des travaux d’importance avaient été réalisés dans un tel délai, la pratique et la logique exigeaient de faire référence à la police « dommage-ouvrage »,  souscrite par le vendeur, en sa qualité de maître d’ouvrage du bien. L’adjonction de l’obligation selon laquelle  « l’attestation d’assurance mentionnée au deuxième alinéa y est annexée [c’est-à-dire l’assurance  responsabilité civile décennale] » sème le trouble et semble montrer davantage de sévérité dans la justification d’une assurance « responsabilité civile décennale » que dans celle de l’assurance « dommage-ouvrage », pourtant essentielle à la protection de l’acquéreur lors de la cession.

Par ailleurs, comme le souligne Pascal Dessuet, « le doute s’installe sur l’identité des personnes visées par ces polices d’assurance de responsabilité, puisque [les articles sur la responsabilité civile décennale] concernent aussi bien l’obligation d’assurance responsabilité civile décennale des constructeurs réalisateurs que celle des vendeurs assujettis à l’obligation d’assurance de responsabilité » (P. DESSUET, L’article 95 de la loi Macron sur la modélisation des attestations en assurance construction : de Charybde en Scylla ?, RDI 2015    p.427).

L’on croyait que cette obligation concernait l’assurance souscrite par le vendeur en tant que maître d’ouvrage, et finalement elle est susceptible de concerner tant l’assurance du vendeur (pour autant qu’il ait agi comme constructeur non réalisateur), que l’assurance du constructeur réalisateur !

Dans l’attente de précisions législatives, il conviendra, dans la mesure du possible, d’annexer toutes les attestations que le vendeur pourra produire.

2. En outre, il apparaît surprenant que le législateur ait souhaité transformer l’arrêté du Ministre de l’économie « fixant les mentions minimales devant figurer dans [les attestations] », par un arrêté fixant «  un modèle d’attestation d’assurance comprenant des mentions minimales », la sécurité juridique aurait en effet exigé l’établissement d’un modèle-type d’attestation d’assurance énumérant limitativement les mentions la composant, sans laisser de marge de manœuvre aux assureurs.

Ce modèle-type, fiable et fort pratique, aurait également permis d’éviter des difficultés liées notamment aux mentions sur le paiement des primes d’assurance, sources de difficultés : ces primes sont en effet parfois facturées par trimestre ou par mois, alors que l’attestation d’assurance est annuelle. Des constructeurs ont ainsi pu se voir résilier leur contrat d’assurance pour non-paiement d’une prime d’assurance à son échéance, alors qu’ils disposaient d’une attestation d’assurance toujours valable.

Il sera donc vivement conseillé, dans la rédaction d’une attestation d’assurance, de s’en tenir aux mentions inscrites dans le modèle attendu et d’y ajouter simplement une mention relative aux modalités de paiement de la prime d’assurance, tout en alignant les échéances de son paiement avec la durée de validité de l’attestation.

3. Enfin, les dispositions de la loi apportent toutefois une nouveauté heureuse : alors qu’auparavant les professionnels assurés au titre de la police responsabilité civile décennale devaient seulement être en mesure de produire l’attestation de cette assurance à la demande du maître d’ouvrage, désormais, le professionnel doit systématiquement joindre ce justificatif à ses devis et factures.

Cette mesure vise à améliorer la confiance que les maîtres d’ouvrage portent dans les professionnels assujettis à l’obligation d’assurance et profitera probablement aux petites entreprises de construction auxquelles certains rechignent à confier des travaux, faute de connaître leurs garanties.

Partant, bien que les mesures créées par la loi Macron s’avèrent sources d’incertitudes, voire de complications pour les professionnels assujettis aux obligations d’assurance « dommage-ouvrage » et « responsabilité civile décennale », elles ont à tout le moins le mérite de rassurer les maîtres d’ouvrage et acquéreurs qui, on l’espère, concluront plus aisément avec ces professionnels.

A rapprocher : article L.243-2 du Code des assurances

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