TA Lyon, 17 novembre 2015, n°1303301
Un recours contre un permis de construire doit être considéré comme abusif si plusieurs critères, dégagés par la décision présentée, sont remplis : faible intérêt pour agir, attitude dilatoire lors de l’instruction, faiblesse des moyens soulevés, contexte d’animosité personnelle…
Ce qu’il faut retenir : Un recours contre un permis de construire doit être considéré comme abusif si plusieurs critères, dégagés par la décision présentée, sont remplis : faible intérêt pour agir, attitude dilatoire lors de l’instruction, faiblesse des moyens soulevés, contexte d’animosité personnelle.
Un recours déclaré abusif permet au pétitionnaire d’obtenir l’indemnisation des surcoûts induits par le recours (coût du portage financier de l’opération durant l’instance, indemnisation des aléas excédant ceux auxquels ils pouvaient être exposés dans le cadre du projet …).
Pour approfondir : Evénement rare en la matière, le tribunal administratif de Lyon a reconnu, en application de l’article L.600-7 du Code de l’urbanisme, le caractère abusif de la contestation d’un permis de construire, et a alloué des dommages et intérêts aux bénéficiaires du permis de construire contesté.
En l’espèce un permis de construire portant sur l’édification de deux bâtiments collectifs comportant sept logements avait fait l’objet d‘un recours de la part de plusieurs voisins.
Pour ceux des requérants dont l’intérêt à agir contre ce permis de construire a été admis, le juge a estimé que le recours revêtait un caractère abusif, se fondant sur un faisceau d’indices :
- la fragilité de l’intérêt à agir des requérants : absence de gêne réelle causée par le projet aux requérants, faute pour eux de résider effectivement à proximité du terrain d’assiette du projet (le préjudice était donc minime, voire non établi),
- la qualité des moyens invoqués par les requérants, qui, pour la plupart étaient irrecevables, inopérants ou manifestement infondés,
- l’attitude dilatoire des requérants durant la procédure,
- le contexte politique communal, ayant manifestement mu les requérants dans cette action.
L’intérêt de ce jugement réside également dans la grille d’analyse retenue par le juge pour déterminer le montant des dommages et intérêts alloués aux bénéficiaires du permis de construire pour chaque type de préjudice allégué.
Le juge insiste sur le fait que seuls les surcoûts effectivement induits par le recours et l’instance doivent être pris en compte au titre du préjudice excessif créé par le recours, lesdits surcoûts devant pouvoir être justifiés par des estimations réalistes et précises.
C’est ainsi que, faute pour les titulaires du permis de construire de produire « une estimation fiable » permettant de prouver que sans le recours ils auraient effectivement été en mesure de livrer ou de louer les biens à compter d’une certaine date, le surcoût du portage financier de l’opération induit par le recours, n’a été indemnisé que pour la période ayant couru entre la mise en location initialement prévue des biens, jusqu’à la date de lecture du jugement (soit entre le 1er décembre 2014 et le 17 novembre 2015), et non entre la date initialement prévue de mise en location et la nouvelle date estimée (à savoir entre le 1er décembre 2014 et le 1er mars 2018).
Le juge a suivi la même méthode pour la détermination du montant des dommages et intérêts liés à la perte de revenus locatifs.
La hausse de la TVA après la date initiale de mise en location a quant à elle été admise, car elle constituait, selon le juge, un aléa excédant les aléas normaux auxquels les pétitionnaires pouvaient être exposés dans la conduite de leur projet.
Au contraire, ne revêtaient pas un tel caractère le préjudice moral lié au contexte politique du recours, ni les surcoûts occasionnés par la hausse du coût de la construction, dans la mesure où, dans cette affaire, le projet autorisé répondait par anticipation à des normes plus sévères. Là encore, le juge s’est attaché à statuer en se fondant sur les éléments concrets de l’espèce.
Le montant total de dommages et intérêts finalement alloués aux bénéficiaires du permis de construire s’est élevé à plus de 80 000 euros.
Ce jugement, très didactique, constitue donc un appel à la prudence pour les éventuels contestataires d’un permis de construire : leur recours doit avoir effectivement pour objet de contester une autorisation de construire illégale.
Il appelle également les constructeurs à prévoir la production de pièces estimatives comptables réalistes et précises du préjudice subi consécutivement à un recours abusif, pour que le montant de l’indemnisation soit suffisant.
A rapprocher : Article L.600-7 du Code de l’urbanisme