Article 1123 du Code civil réformé par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016
L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, vient consacrer le pacte de préférence, lequel sera désormais défini aux termes de l’article 1123 du Code civil. L’efficacité du pacte de préférence se voit ainsi renforcée et les sanctions de sa violation expressément affirmées.
Ce qu’il faut retenir : L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, vient consacrer le pacte de préférence, lequel sera désormais défini aux termes de l’article 1123 du Code civil. L’efficacité du pacte de préférence se voit ainsi renforcée et les sanctions de sa violation expressément affirmées.
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Pour approfondir : Le pacte de préférence fait partie des contrats dits « préparatoires », auxquels le Code civil ne consacre que très peu d’articles, bien que très fréquents notamment dans les opérations de cession. Aussi la réforme du droit des contrats tente-t-elle de clarifier certaines difficultés rencontrées par les praticiens lors de la période précontractuelle, en consacrant notamment les principes jurisprudentiels guidant jusqu’alors son régime. Le pacte de préférence n’a jamais été défini par le législateur. Néanmoins, la doctrine s’accordait généralement à préciser qu’il s’agissait d’une « convention par laquelle le propriétaire d’une chose s’engage envers une personne à ne pas vendre cette chose sans lui avoir préalablement offert de l’acheter » (H., L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil).
Le nouvel article 1123 alinéa 1 du Code civil, issu de l’ordonnance du 10 février 2016, fait écho à cette définition en l’élargissant à tous les types de contrats : « Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle se déciderait de contracter ». Une fois cette définition clairement établie, laissant la plus grande liberté aux parties dans la détermination du contenu du pacte, l’ordonnance vient fixer le régime juridique applicable.
L’alinéa 2 du nouvel article 1123 dispose en effet que « lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation d’un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi.
Lorsque le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu ».
Le critère de bonne ou mauvaise foi du tiers intervient alors pour déterminer la sanction applicable en cas de violation du pacte.
Ainsi, lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation du pacte, le bénéficiaire peut, sans surprise, obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
Toutefois, si le bénéficiaire évincé par le contrat conclu en violation du pacte de préférence entend se prévaloir de la nullité du contrat ou de sa substitution aux lieu et place du tiers, il sera tenu d’apporter une double preuve : la connaissance par le tiers de (i) l’existence du pacte et (ii) l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir. L’exigence de cette double condition avait d’ores et déjà été affirmée par la jurisprudence en 2006 mais ne semblait pas faire l’unanimité au sein de la doctrine et des praticiens, la seconde condition étant en effet perçue comme une preuve particulièrement difficile à rapporter. Néanmoins, la consécration de cette jurisprudence sur l’option entre nullité du contrat et substitution au tiers de mauvaise foi, outre qu’elle permet l’octroi de dommages et intérêts est, comme l’indique le Président de la République dans son rapport sur l’ordonnance, « de nature à assurer la pleine efficacité de ce type de convention ».
Enfin, le tiers se voit désormais offert la possibilité de mettre fin à une situation d’incertitude, en mettant en demeure le bénéficiaire du pacte de confirmer par écrit, dans un délai raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et son intention de s’en prévaloir ou non.
Il s’agit d’une action interrogatoire facultative permettant au tiers de sécuriser l’opération qu’il s’apprête à conclure. Notons qu’il ne s’agit à ce stade que d’une possibilité, aucune sanction ou conséquence n’étant prévue en cas de non exercice.
Conformément à l’article 9 de l’ordonnance, les dispositions de l’article 1123 entreront en vigueur le 1er octobre 2016. Toutefois, les dispositions relatives à l’action interrogatoire sont quant à elles applicables dès l’entrée en vigueur de l’ordonnance.
A rapprocher : Cass., ch. Mixte, 26 mai 2006, n°03-19376