CE, 13 avril 2016, déc. n°391431
Alors qu’on la croyait disparue sous l’effet de l’entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publiques, le 1er juillet 2006, le Conseil d’Etat fait renaître la théorie dite de la domanialité virtuelle de ses cendres.
Ce qu’il faut retenir : Alors qu’on la croyait disparue sous l’effet de l’entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publiques, le 1er juillet 2006, le Conseil d’Etat fait renaître la théorie dite de la domanialité virtuelle de ses cendres.
Pour approfondir : Antérieurement à l’entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), le 1er juillet 2006, sauf si le bien était directement affecté à l’usage du public, un bien n’appartenait au domaine public que s’il remplissait la double condition d’être affecté à un service public et d’être spécialement aménagé en vue du service public auquel il est destiné.
Par un arrêt en date du 6 mai 1985, le Conseil d’Etat avait posé le principe de la théorie de la domanialité publique virtuelle aussi appelée la domanialité publique par anticipation.
Le Conseil d’Etat avait considéré qu’un bien était soumis au principe de domanialité publique, lorsqu’une personne publique prévoyait de façon certaine, l’aménagement du bien pour le service public auquel se destinait (CE, 6 mai 1985, Association EUROLAT, n° 41589).
En d’autres termes, un bien pourrait être considéré comme faisant partie du domaine public, dès lors que la personne publique avait prévu avec certitude de l’affecter à l’usage du public ou à un service public.
Néanmoins, l’article L.2111-1 du CGPPP, entré en vigueur le 1er juillet 2006, n’a pas repris cette théorie et a fixé les critères d’appartenance d’un bien au domaine public. Cela marquait la fin de la domanialité publique virtuelle.
Plus encore, le rapport joint à l’ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du CGPPP précisait que « C’est désormais la réalisation certaine et effective d’un aménagement indispensable pour concrétiser l’affectation d’un immeuble au service public, qui déterminera de façon objective l’application à ce bien du régime de la domanialité publique. De la sorte, cette définition prive d’effet la théorie de la domanialité publique virtuelle ».
Un arrêt du Conseil d’Etat du 8 avril 2013 l’a confirmé : en l’absence de toute disposition en ce sens, l’entrée en vigueur du CGPPP n’a pas eu pour effet d’entrainer le déclassement de dépendances qui n’ayant pas encore fait l’objet d’aménagement, appartenaient antérieurement et par anticipation au domaine public, alors même qu’en l’absence de réalisation de l’aménagement prévu, elles ne rempliraient pas l’une des conditions fixées à l’article L. 2111-1 du CGPPP ; soit posée (CE, 8 avril 2013, Association ATLALR, n°363738).
La théorie de la domanialité publique disparaissait donc avec l’entrée en vigueur de l’article L. 2111-1 du CGPPP.
Or, l’arrêt en date du 13 avril 2016, rendu par le Conseil d’Etat, a infirmé cette analyse et opéré un revirement de jurisprudence, dont l’importance est démontrée par sa publication au Recueil Lebon.
En l’espèce, la Commune de Baillargues avait décidé de procéder à l’aménagement d’un plan d’eau artificiel destiné à la pratique d’activités sportives et de loisirs mais cela était sans compter sur une action en bornage introduite par des propriétaires expropriés, devant le Tribunal d’instance.
Celui-ci a alors prononcé un sursis à statuer dans l’attente de savoir si les parcelles objets de l’expropriation faisaient ou non parties du domaine public. La commune s’est pourvue en cassation après que le Tribunal administratif de Montpellier ait considéré que les parcelles ne faisaient pas partie du domaine public. Le Conseil d’Etat a alors considéré que : « quand une personne publique a pris la décision d’affecter un bien qui lui appartient à un service public et que l’aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public peut être regardé comme entrepris de façon certaine, eu égard à l’ensemble des circonstances de droit et de fait, telles que, notamment, les actes administratifs intervenus, les contrats conclus, les travaux engagés, ce bien doit être regardé comme une dépendance du domaine public » (CE, 13 avril 2016, Commune de Baillargues, n°391431). En conséquence, si la personne publique a entrepris de façon certaine, par l’intervention notamment d’actes administratifs d’affectation et de contrats, l’aménagement indispensable à l’exécution d’un service public d’un bien, ce dernier peut être regardé comme incorporé au domaine public.
A rapprocher : Rapport joint à l’ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du CGPPP