Réforme du droit des contrats
Parmi les nombreuses dispositions qu’elle contient, la réforme du droit des contrats introduit les nouveaux articles 1112, 1112-1 et 1112-2 au code civil, relatifs aux négociations.
Parmi les nombreuses dispositions qu’elle contient, la réforme du droit des contrats introduit les nouveaux articles 1112, 1112-1 et 1112-2 au code civil, relatifs aux négociations. L’ampleur de cette réforme oblige les acteurs du monde de la distribution à une réflexion d’ensemble ; c’est pourquoi un événement exceptionnel concernant « les impacts de la réforme du droit des contrats sur les réseaux de distribution » aura lieu le mardi 28 juin 2016 à la Maison de l’Amérique Latine, réunissant des spécialistes de ces questions.
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Contexte : Traditionnellement, le code civil demeure muet sur la question des négociations qui précèdent la formation du contrat. C’est pourquoi la jurisprudence est venue combler ce vide en élaborant peu à peu les principes régissant la phase précontractuelle. Les nouveaux articles 1112 et suivants du code civil codifient en partie les solutions jurisprudentielles établies :
- principe de liberté des négociations précontractuelles jusque dans leur rupture, fondé sur le principe de liberté contractuelle ;
- principe de bonne foi devant gouverner ces négociations précontractuelles (et rappel de son caractère d’ordre public) ;
- sanction de la faute commise dans l’initiative, le déroulement ou la rupture des négociations par l’engagement de la responsabilité de son auteur.
Il convient de reprendre sur ce point les trois nouveaux articles issus de la réforme du droit des contrats.
1/ Le nouvel article 1112 du code civil dispose :
« L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres.
Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.
En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu ».
Par principe, la faute commise dans les négociations suscite une responsabilité de nature extracontractuelle ; par exception, cette responsabilité est de nature contractuelle lorsque les parties ont convenu d’aménager cette phase de négociation et les conditions qui président à sa rupture.
Au regard des divergences – pour ne pas dire des flottements – observés à travers la jurisprudence des juridictions du fond, il est apparu préférable, dans un souci de « sécurité juridique », de préciser par ce texte l’étendue des préjudices réparables ; c’est la raison pour laquelle le nouvel article 1112 alinéa 3 du texte consacre désormais la jurisprudence de la Cour de cassation en excluant du préjudice réparable les avantages que la conclusion du contrat permettait d’espérer, y compris la perte de chance de réaliser les gains attendus du contrat. Les juges du fond n’auront donc plus le loisir de se départir de la règle ainsi posée par la Cour de cassation, celle-ci étant désormais figée dans la loi elle-même. Selon le rapport adressé au Président de la République, une telle solution se justifierait par trois types de considération :
- sur le terrain de la causalité car la faute sanctionnée est la faute dans l’exercice du droit de rupture et non la rupture en elle-même ;
- le principe de liberté contractuelle, dont le corollaire est la liberté de ne pas contracter ;
- indemniser le profit escompté de la conclusion du contrat, même sous la forme atténuée d’une perte de chance, conduirait à donner indirectement effet à un contrat qui n’a pas été conclu.
2/ Le nouvel article 1112-1 du code civil dispose :
« Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants ».
Est ainsi consacré, dans le code civil, indépendamment du devoir de bonne foi, l’obligation précontractuelle d’information, essentielle à l’équilibre des relations contractuelles, d’ordre public, et d’en fixer le cadre général. Ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (alinéa 2). Il est en outre subordonné à plusieurs conditions : l’importance déterminante de l’information pour le consentement de l’autre partie (la notion d’information déterminante étant définie à l’alinéa 3) ; la connaissance de l’information par le créancier ; l’ignorance de l’information par l’autre partie, cette ignorance devant être légitime et pouvant tenir aux relations de confiance entre les cocontractants (ainsi le devoir de s’informer fixe-t-il la limite de l’obligation précontractuelle d’information). La règle de preuve posée au quatrième alinéa correspond à la solution dégagée en jurisprudence, les praticiens souhaitant consacrer explicitement dans la loi ce rappel du droit commun de la preuve. Le cinquième alinéa précise que le devoir d’information est une règle d’ordre public. Les parties ne pourront donc y déroger. Le dernier alinéa précise que le manquement à ce devoir est sanctionné par l’engagement de la responsabilité de celui qui en était tenu, et qu’il peut également entraîner la nullité du contrat s’il a provoqué un vice du consentement. Cet alinéa permet de faire le lien avec les vices du consentement, et en particulier la réticence dolosive consacrée à l’article 1137 du texte. L’exigence que l’information retenue ait été d’une importance déterminante pour le consentement de l’autre partie, rapproche les conditions du devoir précontractuel d’information de celles du dol par réticence, mais s’en distingue par un élément essentiel : ainsi, ce n’est que si la violation de l’obligation d’information a été faite intentionnellement pour tromper l’autre contractant, qu’elle sera constitutive d’un dol entraînant la nullité du contrat, comme le prévoit l’article 1137 alinéa 2. En l’absence d’intention de tromper, le défaut d’information, qui peut ne résulter que d’une simple négligence, ne sera sanctionné que par l’octroi de dommages et intérêts. A l’inverse, le texte fait le choix de ne pas subordonner la réticence dolosive à l’existence d’un devoir d’information, conformément à une conception plus solidaire du contrat qui met l’accent sur la sanction de l’intention de tromper (l’erreur provoquée étant toujours excusable).
3/ Le nouvel article 1112-2 du code civil dispose enfin :
« Celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité dans les conditions du droit commun ».
Il est apparu important de poser une obligation de confidentialité pesant sur les parties négociatrices (article 1112-2), en s’inspirant des projets d’harmonisation européens. La jurisprudence l’admet d’ailleurs dans certaines circonstances, et une clarification textuelle était sollicitée (notamment afin de viser la divulgation, c’est-à-dire l’hypothèse où l’information est en réalité utilisée par un tiers à qui le négociateur a transmis l’information).