Recours au juge des loyers commerciaux pour la fixation d’un loyer binaire de renouvellement

DEPOIX Cyril

Avocat

DEPOIX Cyril

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Cass. civ. 3ème, 3 novembre 2016, n°15-16.826 et 15-16.827

La stipulation selon laquelle un loyer d’un bail commercial est composé d’un loyer minimum et d’un loyer calculé sur la base du chiffre d’affaires du preneur n’interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le loyer minimum garanti à la valeur locative.

Ce qu’il faut retenir : La stipulation selon laquelle un loyer d’un bail commercial est composé d’un loyer minimum et d’un loyer calculé sur la base du chiffre d’affaires du preneur n’interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le loyer minimum garanti à la valeur locative.

Pour approfondir : Par deux arrêts de censure partielle en date du 3 novembre 2016, la Cour de cassation redistribue les cartes en matière de fixation judiciaire de la partie fixe d’un loyer binaire à l’occasion du renouvellement du bail. Le loyer binaire, également appelé « loyer clause-recettes », notamment utilisé au sein des centres commerciaux, se caractérise par l’existence d’un loyer minimum garanti et d’un loyer variable additionnel calculé sur la base du chiffre d’affaires du locataire. Néanmoins, parce que le statut des baux commerciaux envisage un prix unique et non un loyer composite, la jurisprudence considère que ce mode de fixation du loyer échappe aux dispositions statutaires (et donc à la compétence du juge des loyers commerciaux) et n’est régi que par la convention des parties (Cass. civ. 3ème, 15 mai 1991, n°89-20.847). En l’espèce, deux locaux commerciaux situés dans un centre commercial avaient été donnés à bail pour une durée de dix ans, moyennant un loyer de base minimum ainsi qu’un loyer additionnel représentant 8 % du chiffre d’affaires du preneur. Les baux prévoyaient notamment, en cas de renouvellement que, « dans les termes et conditions de la législation en vigueur, le loyer de base sera fixé selon la valeur locative telle que déterminée par les articles 23 à 23-5 du décret du 30 septembre 1953 ou tout autre texte qui lui sera substitué » et qu’ « à défaut d’accord, le loyer de base sera fixé judiciairement selon les modalités prévues à cet effet par la législation en vigueur ».

La Cour d’appel d’Aix en Provence avait rejeté les deux demandes de saisine du juge des loyers commerciaux en fixation de la valeur du loyer minimum garanti formées par le bailleur au motif que l’existence d’une clause de loyer binaire induit une incompatibilité avec les règles statutaires relatives à la fixation du loyer puisque celui-ci, dans un tel bail, n’est pas fixé selon les critères définis à l’article L. 145-33 du Code de commerce que le juge des loyers commerciaux a l’obligation d’appliquer. Le bailleur a alors formé un pourvoi en cassation contre chacune de ces décisions de rejet. Aux termes de deux attendus identiques dénués d’ambiguïté, la Haute juridiction a estimé que « la stipulation selon laquelle un loyer d’un bail commercial est composé d’un loyer minimum et d’un loyer calculé sur la base du chiffre d’affaires du preneur n’interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative » et que « le juge statue alors selon les critères de l’article L. 145-33 du Code de commerce, notamment au regard de l’obligation contractuelle du preneur de verser, en sus du minimum garanti, une part variable, en appréciant l’abattement qui en découle ». A travers ces deux décisions, la Haute juridiction énonce que le juge des loyers commerciaux, saisi d’une telle demande, peut se prononcer sur la fixation de la partie fixe d’un loyer binaire lors du renouvellement du bail, conformément à la volonté des parties, tout en tenant compte de la stipulation concernant la part variable du bail. 

A rapprocher : Article L. 145-33 du Code de commerce ; Cass. civ. 3ème, 15 mai 1991, n°89-20.847

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