Cass. com., 8 juin 2017, n°15-26.755
La tête d’un réseau de distribution a l’obligation de faire respecter l’exclusivité territoriale consentie et sa passivité pour mettre fin à la violation de l’exclusivité territoriale est de nature à entraîner sa responsabilité et l’octroi de dommages et intérêts.
Ce qu’il faut retenir : La tête d’un réseau de distribution a l’obligation de faire respecter l’exclusivité territoriale consentie et sa passivité pour mettre fin à la violation de l’exclusivité territoriale est de nature à entrainer sa responsabilité et l’octroi de dommages et intérêts.
Pour approfondir : Une société de droit néerlandais, la société Kawasaki Motors Europe NV (la société Kawasaki), importe et distribue en France des motos de la marque Kawasaki dans le cadre d’un réseau de distribution. La société Kawasaki a conclu avec la société Motoworld un contrat de concession exclusive pour les « arrondissements » de Nancy, Toul et Lunéville. La société Motoworld a assigné les sociétés Kawasaki et PC Moto en paiement de dommages et intérêts. La société Motoworld reproche à la société PC Moto, qui exerce à Nancy une activité indépendante de vente de motocycles, d’avoir en commercialisant des motocycles de la marque Kawasaki, participé à la violation d’une interdiction de revente hors réseau. La société Motoworld reproche à la société Kawasaki d’avoir quant à elle manqué à ses obligations en ne veillant pas à l’étanchéité de son réseau.
La société Kawasaki reproche à la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt rendu sur renvoi après cassation, de « dire qu’elle a engagé sa responsabilité en ne garantissant pas l’exclusivité qu’elle avait assurée à la société Motoworld et de la condamner au paiement de dommages-intérêts ».
La société Kawasaki soutient ainsi « qu’il ne peut être reproché à un fournisseur de ne pas avoir fait respecter l’exclusivité concédée à l’un de ses distributeurs que s’il était en mesure d’intervenir pour assurer ce respect ». La société Kawasaki soutient par ailleurs que la Cour d’appel ne s’est pas expliquée « sur la manière dont elle aurait pu, entre fin 2007 et le 19 février 2008, identifier le concessionnaire ayant commercialisé les motocyclettes de marque Kawasaki revendues sur le territoire exclusivement réservé à la société Motoworld ». Selon la société Kawasaki, le délai d’intervention de la société Kawasaki correspondait au temps qui lui était nécessaire « pour retracer avec certitude l’historique de la commercialisation ».
La Cour de cassation ne suit pas ce raisonnement et valide l’arrêt de la Cour d’appel. En effet, la Cour de cassation rappelle que le concédant a l’obligation de faire respecter l’exclusivité qu’il a pu consentir et relève que la société Kawasaki a été « destinataire d’un constat d’huissier établi le 27 novembre 2007, mentionnant les numéros de série des motocycles neufs de marque Kawasaki en vente dans le magasin de la société PC Moto » et « que ces numéros lui permettaient de connaître l’historique de la commercialisation des véhicules ».
La Cour de cassation relève également que malgré la communication de ce constat d’huissier à la société Kawasaki, la société Kawasaki a attendu le 20 août 2008 pour mettre fin, avec effet au 1er janvier 2009, au contrat de concession qui la liait à la société City-2-roues, qui avait vendu les véhicules à une société de droit belge qui elle-même avait vendu les véhicules à la société PC Moto. La Cour de cassation énonce enfin que la société Motoworld est d’autant plus fondée à demander l’octroi de dommages et intérêts qu’un précédent avertissement avait déjà été donné en 2007 à la société City-2-roues.
La Cour de cassation rappelle ainsi l’obligation pesant sur le concédant de faire respecter l’exclusivité qu’il a pu consentir, et la responsabilité du concédant, qui par sa passivité et son inaction, n’a pas mis fin à la violation de l’exclusivité territoriale concédée.
La Cour de cassation valide enfin le raisonnement de la Cour d’appel quant à l’indemnisation du préjudice subi retenant que « la défaillance de la société Kawasaki à faire respecter l’exclusivité consentie à la société Motoworld avait permis à la société PC Moto d’acquérir douze motocycles de marque Kawasaki et retenu que cette défaillance avait causé un préjudice commercial certain à la société Motoworld ».
Cette décision, classique en matière d’obligation pour le concédant de faire respecter l’exclusivité territoriale accordée, rappelle néanmoins que la responsabilité de la tête de réseau ne peut être mise en jeu qu’à la condition où il avait connaissance de cette violation d’exclusivité territoriale et qu’il peut être considéré que la tête de réseau a eu un comportement passif pour faire cesser cette violation.
A rapprocher : Cass. com., 22 octobre 2013, n°12-22.281