Cass. com., 13 septembre 2017, n°16-15.049, Publié au Bulletin
Le propriétaire d’un fonds de commerce concluant un contrat de location-gérance doit, à peine de nullité dudit contrat, réitérer sa demande de dispense fondée sur l’article L. 144-4 du code de commerce pour chacun des contrats de location-gérance successifs…
Ce qu’il faut retenir : Le propriétaire d’un fonds de commerce concluant un contrat de location-gérance doit, à peine de nullité dudit contrat, réitérer sa demande de dispense fondée sur l’article L. 144-4 du code de commerce pour chacun des contrats de location-gérance successifs, aussi longtemps que la condition prévue à l’article L. 144-3 du même code n’est pas remplie.
Pour approfondir : Le 4 juin 2003, Mme. G et M. B consentent un bail commercial autorisant le preneur, la société X, à donner en location-gérance le fonds de commerce exploité dans les locaux.
Aux termes de l’article L. 144-3 du code de commerce, « Les personnes physiques ou morales qui concèdent une location-gérance doivent avoir exploité pendant deux années au moins le fonds ou l’établissement artisanal mis en gérance ».
A défaut d’avoir exploité personnellement le fonds de commerce pendant une période de deux ans, le contrat de location-gérance encourt la nullité.
L’article L. 144-4 du même code de commerce prévoit en effet : « Le délai prévu par l’article L. 144-3 peut être supprimé ou réduit par ordonnance du président du tribunal de grande instance rendue sur simple requête de l’intéressé, le ministère public entendu, notamment lorsque celui-ci justifie qu’il est dans l’impossibilité d’exploiter son fonds personnellement ou par l’intermédiaire de préposés ».
Se prévalant de l’état de santé de sa gérante, la société X sollicite une dispense d’exploitation du fonds de commerce. Par ordonnance du 6 novembre 2003, la société X est dispensée de la condition d’exploitation personnelle de deux ans posée à l’article L. 144-3 du code de commerce, et est autorisée en conséquence à procéder à « cette location-gérance ». Par la suite, la société X donne son fonds de commerce en location-gérance à différentes reprises et, en dernier lieu, courant novembre 2011, à Messieurs Y et Z et à Mme A …, sans solliciter préalablement une nouvelle dispense.
Les bailleurs assignent la société X en nullité du contrat de location-gérance consenti à Messieurs Y et Z et à Mme A … au motif que ce contrat a été conclu en violation de l’article L. 144-3 du code de commerce.
La Cour d’appel de Grenoble, par un arrêt du 28 janvier 2016, se prononce sur deux points de droit :
- le premier est classique : la nullité de la convention de location-gérance conclue en méconnaissance des délais prévus à l’article L.144-3 du code de commerce et sans autorisation judiciaire est une nullité absolue et d’ordre public, qui peut donc être invoquée par tout intéressé. La nullité sanctionnant le non-respect des dispositions d’ordre public relatives à la location-gérance étant d’ordre public, les bailleurs sont par conséquent recevables à agir, alors même ces derniers sont des tiers au contrat ;
- le second est plus rare en pratique : la dispense d’exploitation personnelle du fonds de commerce accordée est valable pour le seul contrat de location-gérance, et ne peut donc s’appliquer aux contrats de location-gérance conclus postérieurement.
Par l’arrêt commenté (Cass. com., 13 sept. 2017, n°16-15.049, Publié au Bulletin), la chambre commerciale de la Cour de cassation retient :
« Qu‘après avoir constaté que la dispense de la condition d’exploitation exigée par l’article L. 144-3 du code de commerce avait été accordée à la société [preneuse], qui s’était prévalue de l’état de santé de sa gérante, pour « cette location-gérance », et relevé que cette dispense qui avait été ainsi donnée en considération d’éléments factuels rendant alors impossible l’exploitation personnelle du fonds, n’était pas définitive de sorte qu’il appartenait à la société [preneuse] d’en réitérer la demande avant la conclusion de chaque contrat de location-gérance, la cour d’appel a pu en déduire qu’en l’absence de dispense obtenue pour le contrat en cours, celui-ci était nul ».
Il ressort de la décision de la Cour de cassation qu’une ordonnance de dispense d’exploitation personnelle ne s’applique que pour le contrat de location-gérance au titre duquel la dispense a été demandée. Toutefois, il convient de relever que, par l’arrêt commenté, la Cour de cassation vise spécifiquement les termes de l’ordonnance qui précisait « cette location-gérance » ; autrement dit, en l’espèce, l’ordonnance de dispense d’exploitation personnelle limitait sa portée à l’unique contrat de location-gérance objet de la demande de dispense. Ainsi, si les termes de l’ordonnance avaient été plus généraux, en visant par exemple « toute location gérance », alors la solution eût été sans doute différente.
A rapprocher : CA Grenoble, 28 janv. 2016, n°12/05441