CA Paris, 3 octobre 2017, n°197/2017
La caractérisation de la contrefaçon d’une marque nécessite d’établir, en premier lieu, que le prétendu contrefacteur fait un usage de la dénomination en tant que marque c’est-à-dire pour désigner des produits et services.
Ce qu’il faut retenir : La caractérisation de la contrefaçon d’une marque nécessite d’établir, en premier lieu, que le prétendu contrefacteur fait un usage de la dénomination en tant que marque c’est-à-dire pour désigner des produits et services.
Pour approfondir : La Cour d’appel de Paris a appliqué cette règle, désormais constante, dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt du 3 octobre 2017.
Le titulaire de la marque Fashion Jobs, qui édite un site internet dédié aux offres d’emploi dans le secteur de la mode, du luxe et de la beauté, reprochait à un concurrent de faire usage de ces termes tant sur son site internet que dans le texte des résultats d’une recherche Google.
Il engagea une action en contrefaçon pour faire cesser ces usages qu’il estimait constitutifs de contrefaçon.
En défense, la validité même de la marque était contestée : la société poursuivie arguait ainsi que la marque était générique et descriptive des services désignés en classe 35 (une seule classe était concernée par la demande de nullité).
Le caractère distinctif d’un signe comme condition de la validité de la marque est posé par l’article L711-2 du code de la propriété intellectuelle « Le caractère distinctif d’un signe s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif : a) les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service (…) ».
Le caractère distinctif d’un signe doit être apprécié en relation avec les produits et services désignés dans le dépôt de la marque ; en l’espèce, la Cour va retenir – à juste titre – que le signe Fashion Jobs qui sera traduit par « travail ou emploi dans le secteur de la mode » ne constitue pas la désignation usuelle des services visés par le dépôt en classe 35 (ici : publicité, gestion des affaires commerciales, administration commerciale, etc) qui concernent globalement l’aide dans l’exploitation ou la direction d’une entreprise mais aucunement l’univers de la mode. Une occasion de rappeler que le caractère distinctif dépend du libellé des produits et services dans le dépôt de la marque : c’est au regard de ceux-ci que les juridictions apprécient si le signe constitue une dénomination générique, usuelle ou descriptive.
La Cour va ensuite examiner le grief de contrefaçon : rappelons qu’en vertu du principe de spécialité, la marque n’est protégée qu’en relation avec les produits et services désignés. Cela implique donc, dans le cadre d’une action en contrefaçon, d’établir que le signe est utilisé par un tiers en relation avec des produits/services identiques ou similaires à ceux désignés dans le dépôt de la marque.
La marque objet de la demande visant tant des services de la classe 35 que de la classe 38 c’est pour chacun de ceux-ci que la demande va être examinée. S’agissant des services de la classe 38 (lesquels portent notamment sur télécommunications), la Cour va rejeter tout acte fautif : en effet, l’usage des termes litigieux n’était pas fait pour désigner des produits et services identiques ou similaires : le seul fait qu’elle utilise des services de télécommunications ou des supports informatiques n’est pas suffisant à caractériser cette identité ou similarité.
S’agissant des services de la classe 35 la Cour va adopter une position encore plus radicale et juger que la société poursuivie a fait usage des termes litigieux dans son annonce paraissant sur le moteur de recherche Google et sur son site internet non pas à titre de marque, mais à titre de désignation nécessaire, générique et usuelle des services offerts dans l’exercice de son activité (offre d’emploi dans le secteur de la mode) ce qui exclut donc tout contrefaçon.
Voici donc l’occasion d’un rappel : la contrefaçon de la marque suppose d’établir, en premier lieu, que l’usage porte atteinte à la fonction essentielle de la marque d’identifier l’origine des produits et services qu’elle désigne : cela implique de prouver que la dénomination est employée par un tiers en tant que marque c’est-à-dire pour désigner l’origine de ses produits ou services et non à d’autres fins. Ici, tel ne pouvait être le cas puisque, de façon générique, il s’agissait de faire référence à des offres d’emplois dans le secteur de la mode étant précisé que la société poursuivie avait précisément pour activité la fourniture d’offres d’emploi dans le secteur de la mode. Le caractère faiblement distinctif de la marque n’est pas étranger à cette solution : en effet, c’est bien parce que les termes composant la marque n’étaient pas totalement arbitraires, que le tiers a dû y recourir pour présenter ses propres activités.
A rapprocher : Article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle