Cass. com., 18 octobre 2017, n°16-18.864, Publié au Bulletin
Les relations entre une société coopérative et ses adhérents échappent aux notions de déséquilibre significatif et de rupture brutale des relations commerciales établies, respectivement prévues aux articles L. 442-6, I, 2° et 5° du code de commerce.
Ce qu’il faut retenir : Les relations entre une société coopérative et ses adhérents échappent aux notions de déséquilibre significatif et de rupture brutale des relations commerciales établies, respectivement prévues aux articles L. 442-6, I, 2° et 5° du code de commerce.
Pour approfondir : Le contexte : Selon l’arrêt objet du pourvoi (CA Paris, 3 févr. 2016), les sociétés S exploitent des points de vente dans la région de Toulouse et sont filiales de la société H. Ces sociétés S sont associées de la société G, coopérative d’achat en commun de commerçants détaillants, dont un règlement intérieur, pris en application de l’une des dispositions de ses statuts :
- régit ses rapports avec les sociétés associées,
- définit les conditions d’implantation et d’ouverture de nouveaux points de vente,
- et prévoit que lorsque les objectifs généraux d’implantation et de couverture de marché fixés par le conseil d’administration pour chaque enseigne du groupe sont atteints, le sociétaire-associé peut alors bénéficier d’une exclusivité d’implantation sur l’ensemble du bassin de consommation.
Les sociétés S sont actionnaires de la société I jouant le rôle de centrale d’achat, de service et de négoce pour les sociétaires. La société G a informé les sociétés S de la décision du conseil d’administration de porter à 20 % le seuil de parts de marché ouvrant droit à l’exclusivité, puis d’agréer une société A dans la région de Toulouse.
Les demandes : C’est dans ce contexte que, faisant reproche aux sociétés G (coopérative) et I France de la modification des seuils et de l’agrément de la société A, les sociétés S (associées de la coopérative) les ont assignées :
- d’une part, sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce :
- en annulation de l’agrément,
- et en réparation de leur préjudice résultant d’un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
- d’autre part, sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, en réparation de leur préjudice résultant du manquement de la société G (coopérative) à l’obligation légale d’accorder un préavis conforme à ces dispositions.
Le pourvoi : Le pourvoi formé part du postulat que ces deux textes sont applicables aux relations entre une société coopérative et ses adhérents.
En premier lieu, le pourvoi soulignait en effet :
- que l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce sanctionnant la rupture brutale totale ou partielle d’une relation commerciale établie s’applique à toute relation commerciale portant sur la fourniture d’un produit ou d’une prestation de service ;
- que le contrat de société qui unit une société coopérative de commerçants détaillants à son adhérent n’est pas de nature à exclure leur relation du champ d’application de ces dispositions dès lors que cette dernière, établie entre personnes morales à caractère commercial et portant sur la vente de produits sous enseigne de la coopérative, constitue une relation commerciale ;
- et qu’en estimant que les décisions des sociétés du groupe de modifier les conditions d’octroi de l’exclusivité dont ses adhérents pouvaient bénéficier dans leur zone et d’agréer un nouveau point de vente dans le bassin des sociétés S, ne pouvaient donner lieu à application de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, aux motifs que ses dispositions étaient « étrangères » aux rapports des parties qui, « issus du contrat de société », relevaient « du seul droit des sociétés », la Cour d’appel a violé les dispositions susvisées, par refus d’application.
En second lieu, le pourvoi soulignait en effet :
- que l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, qui prohibe le fait de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, vise tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ;
- que le contrat de société qui unit une société coopérative de commerçants détaillants à son adhérent n’est pas de nature à exclure leur relation du champ d’application de ces dispositions, dès lors que cette dernière, établie entre personnes morales à caractère commercial, porte sur la vente de produits sous enseigne de la coopérative, et que l’associé est ainsi, à la fois, partenaire commercial de la coopérative ;
- et qu’en estimant que les décisions des sociétés du groupe de modifier les conditions d’octroi de l’exclusivité dont ses adhérents pouvaient bénéficier dans leur zone et d’agréer un nouveau point de vente dans le bassin des sociétés S ne pouvaient donner lieu à application de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, aux motifs que ses dispositions étaient « étrangères » aux rapports des parties qui, « issus du contrat de société », relevaient « du seul droit des sociétés », la Cour d’appel a violé les dispositions susvisées, par refus d’application.
L’arrêt commenté : L’arrêt commenté (Cass. com., 18 octobre 2017, n°16-18.864, Publié au Bulletin) est on ne peut plus clair et catégorique quant à la solution apportée, puisqu’il énonce sans ambages :
« Mais attendu que l’arrêt énonce à bon droit que les dispositions de l’article L. 442-6, I, 2° et 5° du code de commerce sont étrangères aux rapports entretenus par les sociétés en cause, adhérentes d’une société coopérative de commerçants détaillants avec cette dernière ; que le moyen, qui, en ses deux branches, postule le contraire, ne peut être accueilli ».
A rapprocher : Cass.com., 8 févr. 2017, n°15-23.050, Publié au Bulletin