TC Paris, 22 janvier 2018, JurisData n°2018-001472
Le Président du Tribunal de commerce de Paris, par une ordonnance de référé rendue le 22 janvier 2018, réaffirme la primauté absolue de la confidentialité de la procédure du mandat ad hoc face au droit à l’information du public.
Ce qu’il faut retenir : Le Président du Tribunal de commerce de Paris, par une ordonnance de référé rendue le 22 janvier 2018, réaffirme la primauté absolue de la confidentialité de la procédure du mandat ad hoc face au droit à l’information du public.
Pour approfondir : En l’espèce, une entreprise sollicite la désignation d’un mandataire ad hoc, demande à laquelle il est fait droit par le Président du Tribunal de commerce de Paris.
Cette désignation est néanmoins rendue publique par le magazine économique CHALLENGES dans le cadre de son édition numérique du 10 janvier 2018.
L’entreprise saisit alors le Président du Tribunal de commerce de Paris, dans le cadre d’une procédure de référé, aux fins de retrait de cette publication.
Le demandeur se fonde sur les dispositions de l’article L.611-15 du Code de commerce en vertu desquelles toute personne étant appelée à la procédure de mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions en a connaissance, est tenue à la confidentialité.
Face à cette prétention, le magazine économique justifie sa publication par la nécessité d’informer le public sur une question d’intérêt général.
Cette argumentation n’emporte pas la conviction de la juridiction consulaire parisienne, laquelle considère que la diffusion de l’information litigieuse caractérise un trouble manifestement illicite de nature à porter gravement atteinte à l’équilibre économique de l’entreprise.
Le magazine est ainsi condamné au retrait de la publication ainsi qu’à une interdiction de procéder à une nouvelle diffusion sous peine d’astreinte à hauteur de 10 000 euros par infraction constatée.
Cette primauté de la confidentialité du mandat ad hoc sur la liberté de l’information ne peut qu’être approuvée.
En effet, d’une part, il est unanimement admis que toute publicité donnée aux difficultés d’une entreprise aggrave celles-ci. D’autre part, il entre dans l’évidence que les créanciers du débiteur n’ont aucun intérêt à dévoiler aux tiers les remises de dettes et/ou la mise en place de financements adaptés qu’ils concèdent.
Autrement dit, la confidentialité du mandat ad hoc est une garantie nécessaire à son bon déroulement.
Il faut admettre, toutefois, que l’application de la confidentialité à un magazine, en sa qualité tiers au mandat ad hoc, ne va juridiquement pas de soi.
En effet, une lecture stricte des dispositions de l’article L.611-15 du Code de commerce laisse penser que la confidentialité ne vaut qu’à l’égard des parties prenantes au mandat ad hoc.
A cet égard, la juridiction consulaire de Paris ne fait que tenir compte de l’interprétation élargie donnée par la Cour de cassation, dans son arrêt du 15 décembre 2015, n°14-11.500, selon laquelle le respect de la confidentialité s’applique à tous les tiers.
Cette interprétation est salutaire compte tenu de l’objectif de prévention des difficultés recherché par l’instauration d’un mandat ad hoc.
Enfin, il faut relever l’émoi provoqué par cette décision dans le milieu journalistique, lequel considère, qu’une fois de plus, la liberté de la presse est bafouée au bénéfice du secret des affaires.
D’aucuns diront que la transparence, décidément très à la mode, devrait avoir le pas sur la confidentialité du mandat ad hoc.
Fort heureusement, la juridiction consulaire parisienne évite l’écueil d’une assimilation trop rapide et inopportune de la présente affaire à d’autres litiges, dont les enjeux sont totalement étrangers à ceux du mandat ad hoc.
Loin d’être clos, ce litige se poursuit désormais devant la Cour d’Appel de Paris en suite de l’appel interjeté par le magazine CHALLENGES à l’encontre de l’ordonnance de référé rendue le 22 janvier dernier.
Il ne reste qu’à espérer que la décision soit confirmée en appel.
A rapprocher : Article L.611-15 du Code de commerce ; Cass. com., 15 décembre 2015, n°14-11.500 ; Article 873 CPC