CA Paris, 11 janvier 2018, n°16/10056
Dans sa décision en date du 11 janvier 2018, la Cour d’appel de Paris a rappelé la portée de la présomption de propriété des actions fondées sur un ordre de mouvement de titres.
Ce qu’il faut retenir : Dans sa décision en date du 11 janvier 2018, la Cour d’appel de Paris a rappelé la portée de la présomption de propriété des actions fondées sur un ordre de mouvement de titres.
Ainsi, la détention d’un ordre de mouvement de titres contesté n’apparait pas suffisamment probant s’il ne s’accompagne pas d’un faisceau d’indices supplémentaire afin d’étayer la thèse de la possession ; cette présomption réfragable par nature, supporte certes la preuve contraire, mais à charge à celui qui entend revendiquer la propriété des actions de l’apporter.
Pour approfondir : Pour rappel, conformément aux dispositions de l’article L.228-1 du Code de commerce, le transfert de propriété s’opère à la suite d’un ordre de mouvement de titres signé par le cédant ; puis la société émettrice, au vu de cet ordre de mouvement, constate l’opération intervenue et procède au virement des actions du compte du cédant au profit de celui du cessionnaire. C’est donc à compter de la date d’inscription en compte dans les registres de la société émettrice que le transfert de propriété des actions s’opère. Toutefois, la jurisprudence constante de la Cour de cassation accorde à l’inscription en compte la valeur d’une présomption irréfragable de propriété dans le conflit opposant l’inscrit à des tiers et celle d’une préemption simple de propriété dans le conflit opposant l’inscrit à son cocontractant.
La présente affaire concerne un problème de preuve de la propriété d’actions d’une société anonyme contestée entre deux personnes, Monsieur X, valablement inscrit sur les registres de la société, et Madame Y, laquelle prétend être propriétaire des actions inscrites en compte au profit de Monsieur X, en arborant quelques années plus tard, un ordre de mouvement signé en sa faveur par Monsieur X.
Ce dernier conteste la régularité de l‘ordre de mouvement en soutenant que ce document avait été établi en vue d’une éventuelle cession ultérieure, et a été rempli et daté par Madame Y.
Conformément aux règles qui gouvernent le régime général du droit de la preuve, il appartient alors au cessionnaire de rapporter la preuve de l’existence d’une convention régulière au terme de laquelle il aurait acquis les actions litigieuses.
En l’espèce, le Tribunal de commerce a déduit de la seule détention matérielle de l’ordre de mouvement contesté et non inscrit en compte que celle-ci emportait transfert des actions.
La Cour d’appel de Paris, par sa décision en date du 11 janvier 2018, a infirmé le jugement rendu le 22 mars 2016 en 1ère instance, considérant qu’il a été fait une mauvaise application des dispositions des articles 1353, 1359 et 1583 du Code civil sur le régime de la preuve, ainsi que des dispositions de l’article L.211-16 du Code monétaire et financier, lequel énonce la règle importante suivante en matière d’actions de société anonyme :
« Nul ne peut revendiquer pour quelque cause que ce soit un titre financier dont la propriété a été acquise de bonne foi par le titulaire du compte-titres dans lequel ces titres sont inscrits. »
La Cour d’appel a donc jugé que la présomption de propriété résultant de l’écriture du transfert sur le registre ne peut être écartée que par la preuve du droit de propriété faite par un autre associé, et a décidé que Mme. Y, en l’espèce, n’a pas apporté cette preuve.
Notamment, cette dernière n’explique pas pourquoi Monsieur Y lui aurait cédé les actions litigieuses, sans contrepartie financière. Sa décision s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui considère que :
« L’inscription de titres en compte sur le registre de la société constitue une présomption de propriété desdits titres au profit du titulaire du compte ».
A rapprocher : Cass. com., 10 juin 1997, n°95-16.235