Cass. civ. 3ème, 8 février 2018, n°16-24.641
Pour apprécier le bien-fondé de la résiliation unilatérale d’un contrat par l’un des cocontractants, les juges du fond doivent rechercher si la résiliation était justifiée par les manquements du cocontractant d’une gravité telle que la partie à l’initiative de la rupture pouvait déroger aux dispositions contractuelles relatives à la rupture du contrat.
Ce qu’il faut retenir : Pour apprécier le bien-fondé de la résiliation unilatérale d’un contrat par l’un des cocontractants, les juges du fond doivent rechercher si la résiliation était justifiée par les manquements du cocontractant d’une gravité telle que la partie à l’initiative de la rupture pouvait déroger aux dispositions contractuelles relatives à la rupture du contrat.
Pour approfondir : La Cour de cassation considère que les juges du fond ne peuvent condamner à des dommages-intérêts la société ayant résilié unilatéralement la convention à laquelle elle était partie, sans avoir recherché si les fautes reprochées à l’autre partie justifiaient cette résiliation.
Dans cet arrêt, une société Clinique P avait confié la maitrise d’œuvre d’une opération d’extension de ses bâtiments à un groupement de sociétés composé notamment de la société S. Face à la défaillance grave de la société S, la Clinique P a résilié le contrat les liant et refusé de régler une note d’honoraires. En conséquence, la société S a assigné la Clinique P afin d’obtenir des dommages-intérêts pour rupture abusive.
Par un arrêt du 27 juin 2016, la Cour d’appel de Toulouse a condamné la Clinique P à payer des dommages-intérêts à la société S, considérant que celle-ci ne pouvait pas résilier le contrat mais pouvait seulement, en application des dispositions contractuelles prévues entre les parties du contrat, solliciter l’exclusion de la société S, et ce après l’avoir mise en demeure de satisfaire à ses obligations dans les délais impartis. Les juges du fond ont donc considéré que, les dispositions contractuelles n’ayant pas été respectées, le bien-fondé de la résiliation unilatérale ne pouvait être établi.
La Haute juridiction censure l’arrêt au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 considérant :
« Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si la résiliation ne trouvait pas sa justification dans la gravité des manquements de la société SLH, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
En statuant ainsi, la Cour de cassation ne fait qu’appliquer le principe selon lequel la gravité des manquements d’une partie à ses obligations contractuelles peut justifier que l’autre partie au contrat y mette fin de façon unilatérale, indépendamment des dispositions contractuelles prévues entre les parties. Cette gravité peut ainsi justifier l’absence de mise en demeure préalable (Cass. civ. 1ère, 13 oct. 1998, n°96-21.485 ; Cass. civ. 1ère, 20 février 2001, n°99-15.170 ; Cass. civ. 1ère, 4 février 2004, n°99-21.480).
Pour mémoire, il convient de rappeler que l’état du droit positif, tel qu’il ressort de l’article 1224 du Code civil, issu de la réforme du droit des obligations, offre trois techniques permettant à une partie de mettre fin au contrat, à savoir :
- la résiliation judiciaire – laquelle intervient sur décision du juge ce qui nécessite sa saisine ;
- la mise en œuvre de la clause résolutoire – la résiliation devra donc respecter les modalités prévues par celle-ci ;
- la rupture unilatérale du contrat en raison de la gravité du comportement du cocontractant – option qui concerne le présent arrêt.
Cet article consacre ainsi l’autonomie de la résiliation unilatérale du contrat par l’une des parties par rapport à la clause résolutoire en cas de manquement grave de son cocontractant. Au cas d’espèce, la solution de la Cour de cassation s’inscrit ainsi dans le courant jurisprudentiel actuel, codifié par la réforme du droit des obligations, selon lequel la rupture unilatérale du contrat en raison de la gravité du comportement du cocontractant est exclusive de toute modalité formelle de résiliation contractuelle (Cass. com., 10 février 2009, n°08-12415 ; Cass. com., 1er octobre 2013, n°12-20.830).
A rapprocher : CA Nîmes, 7 mai 2015, RG n°14/02593