CJUE, 7 mars 2018, aff. C-560/16
Un recours ayant pour objet le contrôle du caractère raisonnable d’une contrepartie, dans le cadre d’une procédure d’éviction des actionnaires minoritaires, relève de la compétence exclusive des tribunaux de l’Etat membre sur le territoire duquel cette société est établie.
Ce qu’il faut retenir : Un recours ayant pour objet le contrôle du caractère raisonnable d’une contrepartie, dans le cadre d’une procédure d’éviction des actionnaires minoritaires, relève de la compétence exclusive des tribunaux de l’Etat membre sur le territoire duquel cette société est établie.
Pour approfondir : Par une résolution, l’assemblée générale d’une société de droit tchèque (Jihočeská plynárenská) a décidé le transfert obligatoire de tous les titres à caractère participatif de cette société à son actionnaire principal (la société de droit allemand E.ON). Cette résolution indiquait le montant de la contrepartie que cette dernière était tenue de verser aux actionnaires minoritaires à la suite du transfert.
Un juge tchèque a été saisi d’une demande de contrôle du caractère raisonnable de cette contrepartie.
Au cours de cette procédure, la société allemande E.ON a soulevé une exception d’incompétence des juridictions tchèques, en soutenant que seules les juridictions allemandes jouissaient de la compétence internationale, eu égard au lieu de son siège social.
La Cour tchèque, ainsi que les autres degrés de juridictions, ont rejeté cette exception. La Cour de justice de l’Union européenne a alors été saisie de questions préjudicielles dans ce cadre, au regard de l’article 22 du règlement Bruxelles I n° 44/2001 du 22 décembre 2000 qui établit les cas de compétences exclusives propres au droit des sociétés.
Cet article dispose qu’ « en matière de validité, de nullité ou de dissolution des sociétés ou personnes morales ayant leur siège sur le territoire d’un État membre, ou de validité des décisions de leurs organes, les tribunaux de cet État membre.
Pour déterminer le siège, le juge applique les règles de son droit international privé » (article 22, point 2).
Le problème qui s’est posé à la Cour était qu’il n’apparaissait pas de manière certaine qu’un tel recours relevait bien de cette disposition car la règle de compétence énoncée par celle-ci n’était applicable qu’en matière de validité des décisions des organes des sociétés. Or, en l’espèce, seul était contesté le caractère raisonnable du transfert des actions et non la validité de la résolution ayant décidé du transfert.
Par ailleurs, la Cour de justice a déjà jugé qu’il ne suffisait pas qu’une action judiciaire présente un quelconque lien avec une décision adoptée par un organe d’une société, pour que l’article 22 soit applicable.
Elle souligne que les cas de compétence exclusive prévus par le règlement doivent faire l’objet d’une interprétation stricte et ne doivent donc pas être interprétés dans un sens plus étendu que ne le requiert leur objectif. Elle précise que l’objectif de cet article est de centraliser la compétence pour éviter des décisions contradictoires.
Toutefois, bien que ces éléments auraient dû conduire à l’exclusion de la mise en œuvre de l’article 22, la Cour de justice retient que cet article est bien applicable.
Elle considère que la procédure « trouve son origine dans la contestation du montant de la contrepartie relative à un tel transfert et, d’autre part, a pour objet le contrôle du caractère raisonnable de ce montant » et qu’il s’ensuit qu’ « au regard de l’article 22, cette procédure porte sur le contrôle de la validité partielle d’une décision d’un organe d’une société et est, de ce fait, susceptible de relever du champ d’application de cette disposition ».
Elle considère notamment que l’existence d’un lien étroit entre les juridictions tchèques et le litige est manifeste et que par conséquent, les juridictions tchèques sont les mieux placées pour connaitre de ce litige. Elle admet donc l’attribution d’une compétence exclusive à ces juridictions, ce qui est de nature à faciliter une bonne administration de la justice.