Loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable »
La loi dite « EGALIM » pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous est désormais publiée.
A la suite de sa validation partielle par le Conseil constitutionnel (décision n°2018-771 du 25 octobre 2018), la loi n°2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « EGALIM » a été publiée le 1er novembre dernier.
Parmi ses dispositions définitives, figurent celles relatives à la distribution des produits alimentaires, qui influeront sur les rapports entre fournisseurs et distributeurs.
Malgré le souhait des sénateurs de préciser le contenu du texte, les dispositions finales de la loi sur ces aspects conservent l’esprit de la rédaction initiale du projet de loi soumis au Parlement. En effet, la loi EGALIM se contente, sur plusieurs points structurants et susceptibles d’avoir des impacts majeurs dans les rapports entre fournisseurs et distributeurs, de fixer des règles larges assimilables à de simples objectifs, et s’en rapporte à des ordonnances devant être prises par le Gouvernement pour la mise en œuvre des textes. Tel est notamment le cas des dispositions relatives au rehaussement du seuil de revente à perte, au plafonnement des promotions, ou encore à la refonte de diverses règles du code de commerce pour plus de clarté.
Parmi les dispositions de la loi, peuvent être signalées certaines strictement relatives aux rapports de distribution et aux promotions.
1. Les modifications relatives aux promotions
- Le plafonnement des promotions en valeur et en volume
Dans sa version définitive, la loi maintient le principe du plafonnement des promotions en valeur et en volume portant sur des denrées alimentaires (pour la consommation humaine ou pour les animaux de compagnie), en laissant le soin au Gouvernement de préciser par ordonnance les conditions de ce plafonnement.
Le texte finalement adopté couvre largement tous les types d’opérations promotionnelles destinées aux consommateurs, en précisant qu’il peut s’agir d’opérations financées par le distributeur ou par le fournisseur.
L’ordonnance qui fixera les conditions de cet encadrement devrait – même si cela reste à confirmer au vu du texte qui sera définitivement adopté – plafonner les promotions :
- en valeur, à hauteur de 34% du prix de vente consommateur (ce qui permettra notamment de conserver les mécaniques de 2+1 gratuit) : pour évaluer le taux de réduction accordé au consommateur, seront alors pris en compte cumulativement tous les avantages accordés au consommateur ;
- en volume, à hauteur de 25% du chiffre d’affaires prévisionnel qui devrait être réalisé entre le fournisseur et le distributeur pour l’année en cause (demeure une inconnue à ce jour sur l’assiette exacte de ce chiffre d’affaires : chiffre d’affaires total réalisé entre le fournisseur et le distributeur, chiffre d’affaires réalisé sur la référence de produit en cause, sur sa catégorie, par marque, etc. ? Ces éléments seront capitaux pour la définition de la stratégie promotionnelle 2019 et pour les années suivantes).
Ce double plafonnement sera mis en application pour une durée de deux ans. A l’issue de cette période, selon l’efficacité de la mesure, celle-ci pourrait être pérennisée par un nouveau texte.
- L’interdiction d’utiliser le terme « gratuit »
Pour les promotions relatives aux produits alimentaires, l’utilisation du terme « gratuit » est désormais interdite, l’article L.441-2 du code de commerce prohibant l’usage du mot « gratuit » « comme outil marketing et promotionnel dans le cadre d’une relation commerciale ».
L’article 16 de la loi EGALIM qui prévoit cette interdiction ne faisant l’objet d’aucun aménagement quant à sa date d’entrée en vigueur, l’interdiction est d’application immédiate, ce qui contraint les opérateurs à adapter rapidement leurs opérations promotionnelles et plus généralement leur communication produit.
On notera cependant que, contrairement aux propositions initiales, le texte définitif circonscrit l’interdiction au seul terme « gratuit », laissant ainsi la possibilité aux opérateurs d’utiliser des termes alternatifs et, dès lors, de poursuivre des mécanismes de gratuité dans le cadre de la vente aux consommateurs (dans la limite du plafonnement des promotions en valeur prévu par la loi EGALIM, évoqué précédemment).
2. L’augmentation du seuil de revente à perte
L’article 15 de la loi EGALIM autorise le Gouvernement à rehausser le seuil de revente à perte de 10% pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie. Ainsi, le seuil de revente à perte serait affecté d’un coefficient de 1,1 pour ces produits.
Sans exclure la possibilité d’une pérennisation ultérieure de la mesure, la loi prévoit pour l’instant une limitation de son application à 2 ans.
En tout état de cause, la mesure demeure soumise à l’interrogation plus générale relative à la conformité de l’interdiction per se de la revente à perte au regard du droit communautaire, qui pourrait d’autant plus être remise en cause par les distributeurs du fait du rehaussement du seuil impliqué par la réforme EGALIM.
3. Les clauses de renégociation de prix
Les clauses de renégociation des prix obligatoires en application de l’article L.441-8 du code de commerce sont également modifiées par la loi EGALIM.
On le sait, l’une des premières difficultés pour les opérateurs était l’identification des produits entrant dans le champ de cet article, pour lesquels ils étaient tenus d’insérer dans leurs contrats une clause de renégociation de prix, la liste des produits étant déterminés par le biais de renvois multiples d’articles du code de commerce, qui ne facilitaient pas la lisibilité et donc l’application du texte.
Désormais, en application de l’article 9 de la loi EGALIM, la liste des produits agricoles et alimentaires sera fixée par décret, ce qui devrait renvoyer à un texte unique définissant les types de produits justifiant l’insertion de la clause de renégociation de prix.
Outre le prix des matières premières agricoles et alimentaires, seront désormais prises en compte parmi les causes de fluctuations les hausses des produits agricoles et alimentaires (et non plus seulement des matières premières), ainsi que celles des coûts de l’énergie.
La clause de renégociation de prix définira les conditions et les seuils de déclenchement de la renégociation de prix, prenant en compte des indicateurs déterminés (soit ceux mentionnés à l’article L.631-24 du code rural et de la pêche maritime, soit des indicateurs constatés sur le marché en cause).
Le délai maximum de renégociation est divisé par deux, passant de deux mois à un mois.
Au-delà de ce délai d’un mois, si la négociation n’a pas abouti à un accord entre le fournisseur et le distributeur sur le prix du (ou des) produit(s) concerné(s), les parties seront tenues de recourir à une médiation menée par le médiateur des relations commerciales agricoles, sauf si les parties ont prévu le recours à un arbitrage.
4. La possibilité octroyée au Gouvernement de réformer par ordonnance les articles relatifs notamment aux conditions générales de vente, aux conventions entre fournisseurs et distributeurs, à la facturation et aux pratiques restrictives de concurrence
L’article 17 de la loi EGALIM autorise le Gouvernement à procéder par ordonnances, dans un délai de 6 mois (soit jusqu’au 1er mai 2019), à la modification du Titre IV du Livre IV du code de commerce, notamment pour :
- clarifier les dispositions du code (renvois, etc.) ;
- clarifier les règles de facturation, en les harmonisant avec les dispositions du code général des impôts, et modifier en conséquence les sanctions relatives aux manquements à ces règles : cette disposition est attendue de longue date par les praticiens, les divergences entre le texte du code général des impôts et le code de commerce rendant difficile la conformité des factures aux dispositions légales, outre qu’elles complexifient la compréhension de leurs obligations en la matière par les entreprises ;
- préciser les dispositions relatives aux conditions générales de vente, en imposant notamment la formalisation par écrit, par le distributeur, des motifs de son refus d’acceptation de celles-ci (et de mettre en cohérence les dispositions relatives aux produits agricoles et alimentaires, notamment en ce qui concerne les références applicables aux critères et modalités de détermination des prix, avec les dispositions du code rural et de la pêche maritime) ;
- simplifier et préciser les dispositions relatives aux conventions fournisseurs-distributeurs et fournisseurs-grossistes (visées aux articles L. 441‑7 et L. 441‑7‑1 du code de commerce), et notamment :
- pour les conventions conclues entre les fournisseurs et les distributeurs ou les prestataires de service ainsi qu’entre les fournisseurs et les grossistes, le régime des avenants à ces conventions
- pour les conventions conclues entre les fournisseurs et les distributeurs ou les prestataires de services, la prise en compte des obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties afin de déterminer le prix ainsi que la définition du plan d’affaires et du chiffre d’affaires prévisionnel ;
- simplifier et préciser les définitions des pratiques restrictives (L. 442‑6 du code de commerce), en ce qui concerne notamment la rupture brutale des relations commerciales, les voies d’action en justice et les dispositions relatives aux sanctions civiles ;
- modifier les dispositions de l’article L. 442‑9 du code de commerce pour élargir l’interdiction de céder à un prix abusivement bas aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, tout en supprimant l’exigence tenant à l’existence d’une situation de crise conjoncturelle, et préciser notamment les modalités de prise en compte d’indicateurs de coûts de production en agriculture.
5. Un encadrement plus strict des regroupements à l’achat dans le commerce de détail
La loi EGALIM renforce la procédure de notification préalable des regroupements à l’achat dans le commerce de détail (qui vise notamment les rapprochements des centrales d’achats et de référencement de la grande distribution alimentaire), à double titre :
- d’une part, en doublant le délai de notification préalable, qui passe de 2 à 4 mois de tout regroupement à l’achat entrant dans le champ de l’article L.462-10 du code de commerce ;
- d’autre part, en prévoyant la réalisation d’un bilan concurrentiel de ces rapprochements. Ce bilan est effectué par l’Autorité de la concurrence, cependant cette dernière peut demander aux parties à l’accord de lui transmettre un rapport présentant l’effet de l’accord de regroupement à l’achat sur la concurrence.
6. Les précisions à venir par voie d’ordonnances
La mise en œuvre précise de plusieurs des textes de la loi EGALIM sera effectuée par les ordonnances prises par le Gouvernement, qui devraient paraître dans les prochaines semaines, et qui fourniront aux acteurs du marché des détails sur l’application pratique des règles prévues par la loi.
Le Gouvernement dispose :
- d’un délai de 4 mois à compter de la publication de la loi (c’est-à-dire jusqu’au 1er mars 2019) pour la mise en œuvre des dispositions relatives au seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions ;
- d’un délai de 6 mois (c’est-à-dire jusqu’au 1er mai 2019) pour celles relatives à la modification du titre IV du livre IV du code de commerce (règles de facturation, conditions générales de vente, etc.).
Il est cependant probable – et souhaitable – que les ordonnances paraissent plus tôt, au regard de l’avancement de la rédaction des textes et de la nécessité pour les acteurs d’être fixés rapidement pour mener les négociations annuelles qui ont débuté pour plusieurs d’entre eux, notamment s’agissant des plans d’actions promotionnelles de l’année à venir.
Parmi les informations attendues par le secteur de la distribution pour mener les négociations 2019, figurent les précisions relatives aux éléments suivants :
- les seuils arrêtés pour l’encadrement des promotions (seuil de volume et seuil de valeur) ;
- les assiettes des seuils d’encadrement des promotions (volume global / à la référence / à la catégorie, etc.) ;
- les produits qui bénéficieront d’une dérogation à ces seuils ;
- les sanctions administratives applicables ;
- les modifications apportées aux règles de facturation et à leurs sanctions ;
- les conditions générales de vente ;
- les conventions récapitulatives annuelles, biennales ou triennales entre fournisseurs et distributeurs ou grossistes (notamment concernant leur date de signature, les avenants, le chiffre d’affaires prévisionnel, etc.) ;
- les évolutions des règles applicables aux pratiques restrictives de concurrence et notamment celles relatives à la rupture brutale des relations commerciales ;
- l’interdiction de cession des produits agricoles et denrées alimentaires à un prix abusivement bas (article L.442-9 du code de commerce).