Il est désormais acquis de longue date que le manquement d’une tête de réseau à l’obligation d’information précontractuelle et/ou sa responsabilité au regard de la fourniture de comptes prévisionnels dépend essentiellement de la question de savoir si le consentement du distributeur a été vicié.
Très récemment, le Tribunal de commerce de Chambéry a rendu un jugement le 30 octobre 2013 sur ce point, au sujet d’une situation particulière dans laquelle un franchisé était devenu master franchisé.
Dans ce cas bien précis où le contrat de franchise s’est exécuté pendant plusieurs années avant la conclusion du contrat de master franchise, les juges consulaires se sont montrés particulièrement exigeants quant à la démonstration d’un vice du consentement.
Le franchisé, devenu master franchisé après 30 mois d’exploitation du savoir-faire en franchise, faisait grief au franchiseur, devenu master franchiseur, de lui avoir fourni des comptes prévisionnels inexacts, de lui avoir présenté des perspectives de rentabilité irréalistes concernant l’opération de master franchise, et d’avoir ainsi vicié son consentement en provoquant une erreur sur la rentabilité. Le franchisé s’engouffrait ainsi dans la brèche ouverte en 2011 par la Cour de cassation (Cass. com., 4 octobre 2011, n°10-23012 et 10-20956). Or, le franchiseur lui répliquait, à raison selon le Tribunal de commerce de Chambéry, qu’il n’avait pas pu commettre une erreur, ni se méprendre sur la rentabilité du contrat de master franchise, étant donné qu’il avait été franchisé du réseau pendant 30 mois auparavant, et que l’exécution du contrat de franchise lui avait nécessairement permis d’apprécier la rentabilité de l’opération.
Le Tribunal de commerce a d’abord constaté que le contrat de master franchise s’inscrivait dans le prolongement du contrat de franchise.
Cette expérience a donc nécessairement permis au franchisé de mesurer l’implantation de l’enseigne sur le territoire concédé et d’évaluer le savoir-faire et la politique commerciale du franchiseur. Au surplus, les comptes prévisionnels transmis par le master franchiseur dataient de cinq mois après la conclusion du contrat. Une telle expérience, conjuguée au fait que les comptes prévisionnels n’avaient pas été communiqués avant le contrat, devait exclure tout vice du consentement.
Ainsi, il a été considéré, à juste titre selon nous, que le franchisé devenant master franchisé n’est pas un contractant comme un autre. De par sa connaissance du réseau et son expérience de chef d’entreprise, il dispose d’informations qui lui permettent d’apprécier au plus près la rentabilité du projet de master franchise et d’évaluer la pertinence des objectifs fixés pour ce projet. Il est donc parfaitement cohérent d’être d’autant plus exigeant, en jurisprudence, sur la démonstration du vice du consentement allégué.