ADLC, 11 mars 2015, décision n°15-D-03
L’Autorité de la concurrence a prononcé 192,7 millions d’euros d’amende à l’encontre de fournisseurs de produits laitiers sous marques de distributeur, pour s’être entendus sur les prix de vente de leurs produits aux distributeurs de la grande distribution alimentaire.
Dans une décision n°15-D-03 du 11 mars 2015, et après les imposantes sanctions prononcées à la fin de l’année 2014 à l’encontre de fournisseurs de produits d’entretien, d’insecticides, d’hygiène et de soin pour le corps (plus de 950 millions d’euros), l’Autorité de la concurrence sanctionne cette fois, pour les mêmes types de motifs, des fournisseurs de produits laitiers vendus sous marques de distributeur (MDD) aux distributeurs du secteur de la grande distribution alimentaire. Cette décision mérite qu’on s’y attarde pour en dégager les principaux enseignements.
L’entente, qui s’est déroulée entre 2006 et 2012 (avec une durée variable selon les entreprises concernées), impliquait au total 11 fournisseurs de produits laitiers et avait pour objet de coordonner les demandes de hausses tarifaires des fournisseurs auprès de la grande distribution. Ainsi, les fournisseurs concurrents s’échangeaient secrètement des informations sur les hausses de prix qu’ils avaient pratiquées, et fixaient ensemble les hausses à venir, ainsi que les arguments qu’ils évoqueraient pour les justifier (notamment en évoquant des hausses de matières premières).
En dehors de la fixation des augmentations tarifaires, les fournisseurs avaient également conclu des accords sur les volumes (sous formes de récupération ou de compensation de volumes, d’accords de gel de volumes, ou encore d’accords sur les cotations lors de certains appels d’offres initiés par les distributeurs). Ces accords avaient pour objet de permettre à un fournisseur qui perdait des volumes, de les récupérer par un autre biais.
Cette entente a été dénoncée par l’un de ses participants – comme c’est de plus en plus souvent le cas –, l’entreprise étant à l’origine de la dénonciation ayant pu ainsi bénéficier d’une exonération totale de sanction, en contrepartie de sa coopération avec l’Autorité de la concurrence, et ce en application de la procédure de clémence (elle a ainsi évité une sanction de 44,7 millions d’euros d’amende).
Une autre entreprise a bénéficié du programme de clémence en se présentant comme demandeur de clémence de second rang après les opérations de visites et saisies menées suite à la dénonciation de l’entente par la première entreprise, et a ainsi vu sa sanction non pas écartée mais réduite (de 101,3 millions à 46 millions d’euros d’amende, ce qui représente tout de même l’amende la plus lourde prononcée dans la décision).
Considérant que les pratiques des fournisseurs étaient particulièrement graves, compte tenu de leur ampleur (puisqu’elles couvraient tout le territoire national et représentaient plus de 90% du marché), et du fait qu’elles portaient sur des produits de consommation courante, l’Autorité de la concurrence a entendu faire preuve de sévérité.
Cette sévérité a d’ailleurs été aggravée, selon l’Autorité de la concurrence, par le fait que l’entente était demeurée secrète et avait fait l’objet d’une mise en œuvre sophistiquée (notamment au moyen de rencontres dans des lieux différents, y compris aux domiciles privés des participants, par l’utilisation de téléphones personnels, sur des lignes pour certaines souscrites par des tiers, etc.).
Si l’Autorité de la concurrence a tenu compte des difficultés financières de certaines entreprises pour adapter ses sanctions, l’Autorité de la concurrence a néanmoins prononcé un total de 192,7 millions d’euros d’amende à l’encontre de 10 fournisseurs, allant pour chacun d’entre eux de 300.000 euros à 46 millions d’euros d’amende.