CA Paris, 5 mars 2015, RG n°13/21497
La Cour d’appel de Paris a rendu une décision très contestable en matière de référé-provision alors que le bouleversement des circonstances d’exécution constituait vraisemblablement une contestation sérieuse.
Par un arrêt du 5 mars dernier, la Cour d’appel de Paris a rendu une décision dont la motivation ne peut que faire réagir, et dont la sévérité dans l’application à la lettre des stipulations contractuelles ne peut que surprendre.
En l’espèce, une entreprise avait conclu un contrat de 48 mois auprès d’une société de communication, laquelle devait assurer la diffusion d’un message publicitaire dans un hypermarché. L’hypermarché ayant déménagé, la diffusion s’est interrompue avant de reprendre dans une toute autre configuration. Malgré ce, le communicant a exigé le paiement des échéances mensuelles et, devant le refus de son cocontractant, l’a assigné en référé. Le Tribunal de commerce puis la Cour d’appel ont condamné à une provision correspondant au montant des impayés. Mais, la motivation des décisions laisse la part belle aux critiques. En effet, deux circonstances ont été considérées comme déterminantes pour éluder le sérieux des contestations.
C’est d’abord le déséquilibre significatif qui a été éludé, au motif d’une part que l’argument est évoqué dans le corps des écritures de l’appelante mais sans que la nullité ne soit demandée dans le dispositif. Cela est très surprenant, car l’exception de nullité est une contestation qui peut être sérieuse (à la condition bien sûr que l’argument repose sur de réels griefs bien évidemment) sans pour autant que la nullité soit demandée dans le corps des conclusions. En effet, la nullité est une question qui relève du fond et elle n’a donc pas à être demandée dans le cadre d’une instance en référé. L’on peut en revanche, sans demander la nullité, développer les causes de nullité pour démontrer qu’il existe une contestation sérieuse.
La Cour a, qui plus est, relié cette question à la législation sur les clauses abusives – alors que ce fondement n’était pas avancé par l’appelante – pour mieux dire que ce texte n’est pas applicable entre professionnels ; rappelons que l’article L.442-6, I, 2°) du Code de commerce sanctionne entre professionnels les déséquilibres significatifs.
Enfin, l’on rappellera que la Cour de cassation a expressément censuré une Cour d’appel qui avait éludé le bouleversement des circonstances économiques pour faire droit à une action en référé provision (Cass. com., 29 juin 2010, n°09-67.369).
Cet argument ne semble pas avoir été avancé par l’appelant et le détail des faits n’est pas connu, ce qui explique peut-être que cela n’ait pas été retenu, mais le bouleversement des circonstances économiques qui modifiait l’objet même du contrat aurait peut-être pu (ou dû) permettre de faire échec à une demande de provision.